Nos vies valent plus que leurs profits

Les associations, sous-traitantes d’un service public ?

Alors que beaucoup voient le travail social comme un service public, la moitié du salariat du secteur se trouve en fait dans le milieu associatif, de droit privé. Là encore, il est souvent question de fantasmes autour d’associations solidaires, indépendantes de l’État et du patronat. Elles sont pourtant soumises aux conditions de financements publics et privés, à l’inéluctable marchandisation du secteur, sans indépendance vis-à-vis des politiques gouvernementales. L’apparition des appels à projet et la casse permanente des services publics a fini de fracturer le secteur social.

Le secteur associatif n’est finalement que la pâle copie d’un service public en souffrance : mise en place d’une convention collective unique largement inspirée des précédentes attaques dans la fonction publique ou encore, comme dans la santé et le médico-social, grâce à la réforme des Services et établissements et des parcours des personnes handicapées (Serafin-PH), introduction du même système de financement dans le secteur du handicap que dans le système hospitalier, avec la tarification à l’acte. Oublié l’intérêt premier du public. Les pratiques et soins sont pensés en fonction des dépenses.

Gouvernement et patrons opposent agents publics et salariés du privé, mais les uns sont les cobayes des autres, pour toujours chercher l’économie de budget et la dégradation des conditions de vie, de travail et d’accompagnement. Comme toute privatisation, elle se fait sur le dos des travailleurs, avec des salaires misérables, du manque de personnel et une mise sous pression des salariés.

Ces conditions de travail indécentes impactent aussi les usagers : maltraitance, refus de prise en charge avec des critères d’inclusion de plus en plus restreints, manque de moyens et fermetures d’établissements. Par exemple, pour compenser la surcharge de travail des éducateurs de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), référents des enfants placés, le milieu associatif est désormais chargé de recruter des référents de parcours qui sont finalement… des référents ASE privés ! Ils coûtent moins cher et deviennent en plus discrètement des petits chefs dans les services.

Avec les restrictions budgétaires publiques en vigueur depuis des années, et qui s’accélèrent dans l’ambiance actuelle de course à la guerre, les subventions ne cessent de baisser, ciblant en priorité des secteurs jugés non rentables, allant jusqu’à détruire l’aide aux sans-papiers. C’est d’ailleurs dans cette dynamique que les directions associatives se rachètent une bonne conscience en dénonçant le manque de moyens, comme si elles-mêmes ne participaient pas à cette dégradation du secteur. Les patrons ne manqueront pas d’arguer du manque de financements de l’État pour se justifier.

Face à ceux qui prônent la nationalisation comme solution à tous les problèmes, et la défense des services publics gérés par l’État bourgeois, on est obligé d’opposer la question du contrôle de nos outils et de nos services par nous-mêmes. Si la défense du service public comme intérêt collectif est un combat à soutenir, cela ne peut se faire sans poser la question de l’expropriation, tant du patronat que de leurs alliés au sein de l’État.

La défense du service public social est bien évidemment à mettre en avant, comme un moyen d’unifier les salariés de ce secteur, qu’ils soient du public ou du privé. Aujourd’hui, le secteur social représente 10 % du monde associatif, mais 50 % des salariés d’associations. La possibilité de faire masse en regroupant les travailleurs du secteur social est la seule voie possible pour imposer un rapport de force favorable au gouvernement et au patronat. Un appel à la grève nationale dans le secteur est lancé par une soixantaine d’organisations pour les 16, 17 et 18 décembre prochains. L’objectif d’une grève générale du secteur est de dénoncer l’ensemble de nos patrons et leurs organisations, leurs discours hypocrites de défense du social, tout en s’opposant à la casse du secteur opérée par l’État, et en se liant à l’ensemble du monde du travail.

Ernesto Medic et Alba Iraultza

 

 

Budget 2026, austérité, capitalisme : quelle place pour la solidarité dans le secteur associatif ? — Sommaire du dossier paru dans Révolutionnaires no46