Nos vies valent plus que leurs profits

L’Ukraine broyée par les rivalités impérialistes et le parasitisme du grand capital

En deux ans, la population de l’Ukraine est passée de 41 millions à moins de 34 millions. Aux centaines de milliers de victimes de la guerre s’ajoutent près de 6 millions de réfugiés, dont 80 % de femmes, qui ont quitté leur pays. Le sort de ceux qui restent, les hommes mobilisables et toutes ces familles ouvrières qui n’ont pas les moyens ni l’envie de l’exode, n’est guère plus enviable. Les crimes de guerre de l’armée de Poutine sont nombreux – comme de toute armée d’occupation qui terrorise pour contrôler les territoires conquis.

Guerre sans fin et conscription de classe

Cela fait bientôt dix ans que Poutine encourage une guerre de haute intensité dans le Donbass. Deux ans après la tentative d’invasion de Kiev, l’opération russe est devenue une sale guerre de tranchées, archi-meurtrière pour les soldats des deux camps, où le front est un no man’s land de villes en ruines et de champs de mines, long de centaines de kilomètres. Les états-majors se projettent dans une guerre sans fin, anticipant déjà des deux côtés la prolongation du conflit jusqu’en 2025.

Finies les files d’attente devant les bureaux de recrutement de l’armée ukrainienne, les enrôleurs traquent leurs proies et les enlèvent en pleine rue comme des gangsters – vidéos virales sur les réseaux. Les premières fissures apparaissent dans l’union nationale que l’invasion russe avait suscitée. Des mères manifestent chaque semaine dans les grandes villes pour exiger le retour de leurs fils, au front parfois depuis deux ans.

Il ne semble pas que le pacifisme ait gagné les Ukrainiens – les bombardements réguliers de l’armée russe n’inspirent pas la volonté de tendre l’autre joue. Mais peut-être le sentiment que ce n’est pas toujours aux mêmes, ceux qui n’ont ni richesse ni passe-droit, de payer de leur vie. Car la lutte de classe ne marque pas de pause pendant la guerre, au contraire elle s’intensifie.

Pendant que les conscrits crèvent dans les tranchées, les grands capitalistes s’enrichissent à toute vitesse, comme Yuriy Kosiuk, le « roi du poulet », devenu milliardaire depuis l’invasion russe en profitant de l’ouverture du commerce vers l’Europe. Ce patron de choc a profité de l’appauvrissement des Ukrainiens depuis la fin des années 90 qui, devenus incapables d’acheter de la viande de porc, se sont rabattus sur le poulet.

Pour une Ukraine des travailleurs, libérée des troupes de Poutine et des diktats de l’Otan, de l’UE et du FMI

L’Ukraine est l’ex-république soviétique qui a connu la régression sociale la plus importante après la chute de l’URSS, au point d’avoir été ramenée, en un peu plus de vingt ans, à un stade de sous-développement plus proche des pays du Sud que du continent européen. Cela a créé une situation politique instable où les clans ont alterné au pouvoir en vendant l’Ukraine aux plus offrants : qui au grand capital russe, qui à l’impérialisme occidental.

Zelensky et son armée, entièrement financée par l’Otan, se présentent comme les défenseurs du nationalisme ukrainien. Mais leur défense de la « patrie » est d’autant plus étroitement xénophobe antirusse qu’il s’agit de masquer le fait que leur projet ne peut faire de l’Ukraine qu’une dépendance de l’impérialisme occidental.

Les classes populaires ukrainiennes, entraînées malgré elles dans la guerre par l’invasion russe, ont des intérêts politiques propres à défendre, opposés à l’union nationale de Zelensky. Cette classe ouvrière pourrait représenter une force invincible si elle se battait pour ses propres intérêts, non pas au nom du chauvinisme antirusse mais de la fraternisation avec les classes populaires de Russie contre le régime de Poutine ; non pas pour que l’Ukraine rejoigne le camp impérialiste occidental, mais pour que les travailleurs d’Ukraine chassent leurs exploiteurs et s’assurent ainsi la solidarité active des travailleurs du monde.

Raphaël Preston

 

 


 

 
Cet article est paru dans Révolutionnaires numéro 11, mars 2024, avec d’autres articles sur l’Ukraine.

Articles sur la guerre en Ukraine paru dans Révolutionnaires numéro 11

 

 


 

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