
Tandis que tout l’été des missiles, bombes et autres drones tueurs ont fait des centaines de morts et blessés dans les villes d’Ukraine, lancés par une armée russe qui cible les populations civiles – pour les terroriser –, les dirigeants des puissances impérialistes, Trump en tête, continuent à se livrer à une fébrile agitation diplomatique. En vue d’une paix, disent-ils. Plutôt d’un gel temporaire de la guerre sur la base du rapport de force : 20 % de l’Ukraine occupée par l’armée russe. Et le cirque des palabres et rencontres au sommet, publiques et secrètes (surtout) n’est pas terminé. Après l’Alaska le 15 août, où Poutine s’est vu dérouler le tapis rouge par Trump, il y a eu Washington le 18 août, où les chefs européens ont pu accompagner Zelensky dans le bureau ovale de la Maison-Blanche. Puis ont suivi des parties de golf, en particulier entre Trump et Ursula von der Leyen, présidente de la Commission européenne, en Écosse. Le Premier ministre britannique a reçu le vice-président américain Vance à Londres. Macron est allé parader en Moldavie, petit pays frontalier de l’Ukraine mais amputé d’une Transnistrie autonome pro-russe, pour dénoncer la menace de Moscou. Et Poutine s’est envolé pour la Chine, à cette rencontre de chefs d’États concurrents des États-Unis, mais jouant dans la même catégorie des chasseurs de profits impérialistes.
Grand cirque pour la façade, deals secrets en coulisses
Les dirigeants impérialistes occidentaux se mettent en scène en affirmant qu’ils veulent la paix, mais dans le secret, c’est un repartage des marchés et des investissements selon les nouveaux rapports de force qu’ils négocient. Cela a pris du temps à Trump pour imposer à Zelensky l’exploitation de minerais de son pays (c’est fait). Cela lui prend du temps (et ce n’est pas fini) pour dealer avec Poutine l’accès aux terres rares de Russie, à ses minerais nécessaires au nucléaire et à l’exploitation de ses réserves de pétrole de l’Arctique. Poutine confirme d’ailleurs à sa façon que c’est en discussion par un décret présidentiel récent qui devrait permettre à Exxon-Mobil, entre autres, de réinvestir dans des projets gaziers et pétroliers russes. De leur côté, des entreprises européennes lorgnent vers des profits réalisables sur la reconstruction de l’Ukraine, d’où du temps encore pour négocier âprement des « garanties de sécurité », c’est-à-dire la possibilité que des milliers ou dizaines de milliers de soldats soient postés dans le pays ou pas loin, en gendarmes de leurs affaires.
Quelle sécurité, quelle paix pour les classes populaires d’Ukraine ?
En attendant, les bombes continuent à pleuvoir et la liste des morts et blessés à s’allonger. De nombreux témoignages soulignent le dilemme durement vécu : en finir avec une guerre meurtrière et destructrice, en finir avec la vie sous la menace des bombes, mais sans pour autant céder à Poutine. L’allégeance de Zelensky à un Trump qui pousse à la capitulation devant Poutine recueille des critiques, certes de divers bords. Bien que Zelensky ait imposé aux travailleurs une loi martiale amputant largement leurs libertés démocratiques déjà limitées, des mobilisations et protestations voient le jour. Depuis de longs mois contre des rafles, souvent brutales, pour fournir des troupes pour le front. Plus récemment et plus spectaculairement, contre une loi que Zelensky a fait voter le 22 juillet pour dissoudre des associations anti-corruption. Des milliers de jeunes ont immédiatement manifesté dans plusieurs villes. Par crainte que la protestation ne prenne de l’ampleur, Zelensky a fait annuler sa loi ! C’est probablement aussi pour calmer cette jeunesse remuante qu’il vient, le 26 août, d’autoriser les 18-22 ans à sortir du territoire (jusque-là, c’était interdit aux hommes de 18 à 60 ans) et les moins de 23 ans vivant à l’étranger à revenir, même temporairement. Ce qui représente un immense réconfort pour des familles brisées par l’exil. Mais ce qui indique surtout qu’une partie de la jeunesse (et au-delà ?) n’a pas perdu ses capacités de mobilisation. Contre des mesures de Zelensky, mais pourquoi pas aussi contre ce que voudraient leur imposer des Trump et Poutine, voire derrière eux de futurs occupants européens.
2 septembre 2025, Michelle Verdier