Le Premier ministre Lecornu, à peine renommé, avait indiqué deux urgences : le budget, et le projet de loi concernant la Kanaky-Nouvelle-Calédonie.
Ce projet de loi enregistre le report au printemps 2026 des élections provinciales prévues le mois prochain. Les députés de la France insoumise ayant déposé plus de deux mille amendements au projet de loi, les macronistes ont utilisé un artifice qui conduit dans les faits à son adoption possible, probable même, en commission mixte paritaire entre l’Assemblée et le Sénat.
Macron-Lecornu veulent entériner le prétendu « accord de Bougival » qui fait la part belle aux « loyalistes », c’est-à-dire aux colons caldoches : élargissement des listes électorales à des colons, rendant les Kanak encore plus minoritaires sur leurs propres terres ; avantages donnés à la province sud, la plus riche, celle qui comprend Nouméa et où la majorité de la population est composée de colons – une situation qui ouvrirait la voie au minimum à une accentuation de l’apartheid social, sans doute même à une sécession appelée de ses vœux par l’extrême droite caldoche dirigée par la présidente de la région Sud, Sonia Backès.
L’accord de Bougival a été rejeté par le FLNKS, la principale organisation kanak. Mais le gouvernement français a réussi à obtenir l’aval du Palika – un des premiers partis indépendantistes, dirigé par Paul Néaoutyine, aujourd’hui sur des positions conciliatrices –, qui a ainsi rompu avec le FLNKS, et des institutions calédoniennes. Il s’appuie là-dessus pour éviter que les élections, en novembre, ne tournent en faveur du FLNKS. Au contraire, en les repoussant et en élargissant le corps électoral, il pourrait obtenir des résultats conformes à ses souhaits.
La ministre des Outre-mer, Naïma Moutchou, a beau déclarer « Je ne ferai pas sans le FLNKS », le gouvernement s’apprête donc à passer en force. Sur place, les loyalistes exultent, tandis que les milliers de flics, gendarmes et militaires envoyés en renfort pour réprimer les émeutes de l’an dernier – déjà provoquées par la volonté de Macron d’élargir l’assiette électorale – sont toujours là. La France coloniale est prête à écraser toute tentative des Kanak de se rebeller contre les diktats de Paris, préparant une domination sans fard des colons sur les parties les plus riches de l’archipel.
Sur place, la colère monte chez les Kanak. À croire que le gouvernement veut provoquer la révolte pour mieux l’écraser et « en finir » avec l’idée même d’indépendance réelle. Pas dit que les choses tournent comme il le voudrait. En tout cas, les populations kanak doivent pouvoir compter sur la solidarité des travailleurs de l’Hexagone. Non au passage en force de la loi coloniale ! Troupes françaises hors de Kanaky !
27 octobre 2025, Jean-Jacques Franquier