Samedi 2 novembre, une jeune femme, sans doute Ahoo Daryaei, étudiante à l’université islamique Azad de Téhéran, s’est fait harceler par la sécurité du campus pour avoir mal porté son foulard, dans l’affrontement avec la sécurité, ses vêtements ont été déchirés. Elle a alors décidé de les enlever complètement et a marché, bras croisés, dans le campus en sous-vêtements.
Rapidement, elle a été interpellée par la police des mœurs, qui l’a enlevée violemment, on la voit notamment être frappée à la tête. Les médias officiels du régime iranien ont déclaré qu’elle avait été transférée dans une unité de santé comportementale. Les autorités iraniennes enferment souvent les femmes qui contestent leur régime dans ces hôpitaux psychiatriques, véritables prisons visant à éradiquer la contestation qui continue de couver. Les vidéos de l’arrestation d’Ahoo Daryaei, mais aussi de sa protestation sur le campus, ont rapidement fait le tour du monde. En Iran, de nombreuses femmes les ont partagées en quelques heures.
Depuis septembre 2022 et la mort de Mahsa Amini, assassinée par la police des mœurs en garde à vue pour avoir mal porté son foulard, le mouvement « Femme, vie, liberté » continue en Iran. La police des mœurs iranienne est une sous-branche des forces de police du pays, elle a été mise en place en 2005, mais s’est rapidement développée ces dernières années. Son rôle est de patrouiller dans les rues des grandes villes et d’assurer le respect des règles de plus en plus strictes mises en place par le régime de la république islamique d’Iran. Elle est principalement connue pour son contrôle du code vestimentaire, en particulier pour les femmes, interdisant les tenues « moulantes » ou « courtes » et imposant le port du foulard recouvrant les cheveux. Elle est composée de plus de 70 000 agents et interpelle des milliers de femmes chaque année. Pendant des mois, en 2022 et 2023, les manifestations du mouvement « Femme, vie, liberté » ont fait trembler le régime. Le développement de l’appareil répressif a plus ou moins réussi à étouffer la contestation, mais quasiment tous les mois depuis, une nouvelle Iranienne conteste publiquement ces lois. En décembre 2022, le procureur général d’Iran avait annoncé la dissolution de la police des mœurs, acculé par la mobilisation. Finalement, le ministre de l’Intérieur avait démenti la dissolution. La répression continue depuis, la révolte aussi. Le 6 août 2024, Gholamreza Rasaei, jeune homme d’une trentaine d’années membre de la minorité kurde, participant du mouvement « Femme, vie, liberté », était assassiné en prison. Chaque année, des dizaines de pendaisons d’hommes et de femmes ont lieu en Iran.
Les régimes afghans et iraniens main dans la main contre les femmes
En septembre, le gouvernement iranien a assuré que « plus de dix kilomètres de mur ont été construits à la frontière avec l’Afghanistan et cinquante kilomètres supplémentaires sont prévus ». Le ministre de l’Intérieur, Eskandar Momeni, a annoncé la fermeture complète des frontières. Ce mur est un projet de grande ampleur qui se poursuit cette année. Il s’agit de contrôler l’entrée en Iran des réfugiés fuyant le régime taliban. En effet, depuis la prise de Kaboul par les talibans en 2021, le nombre de réfugiés afghans en Iran a augmenté. Or, cette année, la Turquie, l’Iran et le Pakistan ont multiplié l’expulsion des réfugiés afghans. En Afghanistan, les femmes sont soumises à un régime de véritable « apartheid de genre » comme l’indiquent les ONG. La restriction des voix féminines dans l’espace public s’est encore amplifiée et désormais, les Afghanes ont aussi l’interdiction de se parler entre elles. En France, c’est l’hypocrisie la plus totale. Alors que le gouvernement français proclame sa solidarité avec les femmes afghanes et iraniennes, multipliant les effets d’annonce (les femmes afghanes pourraient avoir un droit d’asile en France, les renvois de migrants vers l’Afghanistan n’auraient plus lieu). Il encourage en réalité les exilés afghans à repartir vers Kaboul et refuse le regroupement familial dans la plupart des cas, condamnant ainsi les femmes et les enfants à rester en Afghanistan.
Quel écœurement de voir Bardella ou Attal se réjouir du courage d’Ahoo Daryaei pour mieux vomir leur haine des musulmanes et des musulmans et continuer leurs annonces racistes contre les réfugiés, tout en s’attaquant aux « islamo-gauchistes » qui se feraient les « zélateurs du voile en France » (Ciotti). Les mêmes qui se sont opposés à la constitutionnalisation du droit à l’IVG se peignent maintenant en défenseurs des femmes ? Ils se mettent à la pointe d’une guerre dite « civilisationnelle » à laquelle ils reconnaissent à l’extrême droite israélienne le rôle de fer de lance dans ses massacres de Palestiniens, Libanais, et bientôt Iraniens ? Partout dans le monde, les gouvernements utilisent les femmes comme variables d’ajustement, objets de chantage et de division du monde du travail. Nous n’avons rien à en attendre.
Face aux gouvernements répressifs, les Iraniennes, les Afghanes et les femmes du monde entier ne restent pas silencieuses. Nous sommes solidaires de toutes les femmes à travers le monde qui se mobilisent contre le patriarcat et les oppressions de genre, en Iran, en Afghanistan, en Inde, en Argentine, aux États-Unis et ailleurs, elles montrent la voie et peuvent entraîner bien d’autres derrière elles.
Uma Daunai