Sur cette page consacrée au meeting du NPA du 8 février 2023 à Paris, nous publions en cinq vidéos les interventions du meeting. On retrouvera aussi des transcriptions de trois interventions, ainsi que la vidéo intégrale de la diffusion en live du meeting.
- La vidéo de l’intervention de Ken, ouvrier de l’automobile (et sa transcription)
- La vidéo de l’intervention d’Irina, du NPA jeunes (et sa transcription)
- La vidéo de l’intervention de Armelle, institutrice
- La vidéo de l’intervention de Gaël, postier
- La vidéo de l’intervention de Damien, cheminot (et sa transcription)
- La vidéo intégrale du live du meeting.
Intervention de Ken, ouvrier de l’automobile
Travailleuses, travailleurs, camarades et amis, bonjour à toutes et tous !
Cette réunion a lieu sous le signe d’une mobilisation exceptionnelle de la classe ouvrière contre la réforme des retraites de Borne et Macron.
Hier c’était la troisième journée de mobilisation, après celles des 19 et 31 janvier, moins massive que les deux précédentes, mais nous ne pouvons absolument pas en déduire que la colère et la détermination d’aller jusqu’au retrait de cette réforme est train de retomber. Il y avait encore énormément de monde dans les rues hier, énormément de travailleurs en grève.
La mobilisation reste très élevée malgré plusieurs obstacles : c’est compliqué de perdre une journée de salaire supplémentaire, les vacances débutent dans certaines régions, et surtout parce que nous avons un autre rendez-vous dans la même semaine :, samedi prochain, 11 février, où nous serons tous ensemble à nouveau dans la rue.
Nous allons développer dans ce meeting la manière dont nous cherchons à militer de façon active dans ce mouvement qui est profond, très politique à sa façon, ce dont nous nous réjouissons.
1. Une réforme pour les capitalistes
Hier encore, les pancartes étaient éloquentes dans les manifestations :
« Élisabeth, tu dépasses les Bornes »
Au point que dans l’usine automobile PSA à Poissy où je travaille et milite, j’entends des collègues qui m’interpellent en me disant : « j’ai fait grève, je suis contre Macron… mais pas contre le patron. » Macron et Borne sont la cible de la haine de la classe ouvrière. Tant mieux !
C’est le signe que la grève est aussi politique, pas seulement économique. La grève exprime le ras-le-bol général contre tout ce que les classes populaires subissent dans cette société, des prix qui flambent et que les salaires ne rattrapent pas, la mal-vie, le chômage et jusqu’au droit, qu’on veut nous enlever, à un peu de repos quand on est déjà lessivé par des années et des années d’esclavage salarié. Il y a de la révolte contre tout un système dans l’air ! Macron et son gouvernement qui symbolisent ce système en prennent plein la gueule et c’est tant mieux.
Mais il ne faut quand même pas oublier les patrons derrière tout ça. Macron et Borne, avant eux les Hollande et Sarkozy, ne sont que les serviteurs de ces patrons.
Serviteurs de mon patron par exemple : Carlos Tavares, qui gagne 66 millions d’euros par an, un Smic toutes les dix minutes… Et encore, Tavares n’est qu’un larbin, un larbin de haut rang, des familles milliardaires Peugeot et Agnelli, qui possèdent le groupe Stellantis, c’est-à-dire PSA et Fiat.
Les maîtres de Macron sont aussi les Bolloré, Bettencourt, Mulliez, Dassault, Lagardère, Pinault, Mérieux, Niel, Drahi, etc. Et Bernard Arnault, l’homme du luxe, de LVMH, le Français qui a remporté la médaille d’or du riche le plus fortuné du monde avec un magot de 213 milliards d’euros. Il a même été qualifié de « 53e pays le plus riche du monde », quand on compare sa fortune avec le PIB, c’est-à-dire la richesse produite par un pays tout entier : il serait à lui tout seul au niveau du Qatar ou du Portugal.
Pour l’année 2021, les profits des entreprises du CAC 40 avaient déjà été multipliés par trois par rapport à 2020. Les économistes estiment que pour l’année 2022 les profits du CAC 40 seront de 172 milliards, c’est-à-dire 34 % de plus que le précèdent record de 2021. Nos salaires, eux, sont loin d’avoir été augmentés de 34 % ! Et chaque année, l’État continue de distribuer environ 160 milliards aux entreprises : en subventions, aides et exonérations. À ses yeux, les riches ne sont pas encore assez riches !
Alors quand Borne nous disait il y a quelques jours à la télévision : « c’est pour sauver vos retraites qu’il faut accepter ma réforme […] c’est pour sauver notre fameux système de solidarité à la française. » Quelle arnaque !
Nous faire travailler plus, baisser les pensions de retraite – car c’est à cela qu’aboutira la réforme –, ce n’est pas pour notre bien !
On nous dit que le déficit des caisses de retraite n’est pas encore là, mais qu’il menace, qu’il pourrait atteindre 17 milliards en 2032. C’est pour ça qu’il faudrait bosser jusqu’à 64 voire 67 ans.
Le groupe pour lequel je travaille, PSA-Stellantis c’est 13,8 milliards de profit pour 2021, et les économistes avancent un chiffre autour de 20 milliards de profit pour 2022. D’un côté 17 milliards de déficit des caisses de retraite, de l’autre 20 milliards de profit pour PSA-Stellantis. Ça ressemble non ? Pour sauver les retraites comme disent les politiciens : pas besoin d’aller chercher bien loin. Il suffirait juste de faire les poches de mon patron. L’argent, on sait où le trouver.
De l’argent il y en a dans les caisses du patronat. Et c’est là qu’il faut le prendre, pour les retraites, mais aussi pour tout le reste, pour les salaires d’abord, mais aussi pour le chômage, pour les hôpitaux, pour les services publics et le logement. Bref, pour tout ce qui nous pourrit la vie et qui fait gonfler le vent de colère qui s’exprime dans la rue aujourd’hui.
Macron, président des riches, est le symbole de tout cela, des capitalistes qui s’en mettent plein les poches, plein les coffres. Macron est l’organisateur du pillage qu’ils mettent en place sur notre dos. Et l’attaque contre les retraites n’est pas la seule.
Le gouvernement Macron a également mis en marche une vraie machine de guerre contre les chômeurs.
En novembre dernier, il y a eu un record mensuel de 59 000 radiations des listes de Pôle emploi, un record depuis 25 ans. C’est une tendance de fond : sur un an, les radiations sont en hausse de 10 %. Selon le ministère du Travail, entre 2017 et 2022, en cinq ans donc, la proportion des chômeurs indemnisés est passée de 41 % à 36 %. Alors que le chômage officiellement reste élevé : il y a autour de 5,4 millions de chômeurs.
Sur les retraites, tout le monde sait que beaucoup de salariés n’arriveront pas à travailler jusqu’à 64 ans, donc ce sera :
– soit arrêt maladie sur arrêt maladie,
– soit la démission,
– soit le licenciement par l’employeur pour inaptitude tellement on sera usé,
– ce sera le chômage puis une retraite avec des indemnités au rabais à cause de la décote. Les patrons continueront à pousser vers la sortie les seniors, car ils préfèrent de la main-d’œuvre plus fraiche et moins bien payée.
Et pour ceux qui ont une meilleure paie et donc un peu les moyens, ils seront incités naturellement à placer leur argent de côté, pour compléter une retraite insuffisante.
Aujourd’hui, les versements des caisses de retraite, c’est 330 milliards d’euros, une somme colossale qui échappe aux flux capitalistes. Ces 330 milliards, tout cet argent qui leur échappe est un scandale pour la grande bourgeoisie.
Parmi les premiers intéressés par la réforme Macron, il y a surtout les banques, les assurances, les mutuelles, les fonds de pension « à la française ». Quelques noms : Axa, AG2R, Crédit agricole, Malakoff Médéric, etc. sont déjà dans les starting blocks pour proposer leurs offres. L’un des buts de la réforme est de pousser à la capitalisation de la retraite, c’est-à-dire à faire du profit pour les capitalistes avec l’argent durement économisé par les travailleurs.
Derrière Macron, il y a le Medef, l’organisation patronale, qui pousse à l’attaque. Son président Geoffroy Roux de Bézieux s’agaçait en décembre dernier des lenteurs de Macron à appliquer sa réforme, il disait : « on ne peut plus se permettre d’attendre. » Plus tard, il ajoutait : « C’est une réforme globalement équilibrée. »
Effectivement, avec cette réforme le patronat ne paie pas un centime de plus, ne doit faire aucun effort. C’est la conception de l’équilibre social pour le patronat : « tu travailles, tu en baves… et nous, les patrons, on en profite ! »
2. La condition ouvrière
Cinq jours avant la manifestation du jeudi 19 janvier, un ouvrier de l’équipe de nuit de PSA Poissy est mort brutalement d’une crise cardiaque à la gare de Poissy, vers 3 heures 30 du matin alors qu’il attendait son bus pour retourner chez lui après le travail. Le décès de ce collègue de 53 ans, père de cinq enfants, a beaucoup peiné, a beaucoup marqué les salariés du site.
Il y a eu des discussions sur les salariés morts avant la retraite ou tout juste après la retraite : et ils sont nombreux. Il y a eu beaucoup de discussions sur l’usure qu’on subit à l’usine surtout après 50 ans. À cette triste occasion, les salariés se sont parlé un peu plus à cœur ouvert de leurs difficultés à encaisser la pression du travail en usine.
On sait qu’en moyenne un ouvrier a une espérance de vie inférieure de sept ans à celle d’un cadre.
Comme dans beaucoup d’autres entreprises, à PSA Poissy, les conditions de travail sont dures : travail en 2 × 8, se lever vers 4 heures ou 3 heures 30 du matin voire plus tôt – tout ça n’est pas simple à un certain âge. Il y a aussi les semaines de six jours ou de six nuits, le travail à la chaine, les postures pénibles, les pressions des chefs psychopathes… Certains postes sont des vrais lieux de torture. L’usine est une immense fabrique de salariés à restriction médicale et de handicapés.
Toutes les 90 secondes une voiture finie sort de la chaine : on se bousille la santé pour faire des voitures à 25 000 euros qu’on n’a même pas les moyens d’acheter.
Pour quasiment tous les ouvriers de PSA Poissy, la retraite à 64 ans de Macron, ça parait intenable, « c’est gravir l’Himalaya en tong ».
Et les ouvriers ont conscience que si le projet de Macron passe, ensuite ce sera l’âge de départ à 65 ans, puis 67 ans comme le voudrait Édouard Philippe qui rêve de devenir le nouveau président des riches en 2027.
Nous les ouvriers, comme les employés et tous les salariés :
« Métro, boulot, caveau : non merci ! »
« On veut vivre et pas survivre »
3. La colère ouvrière
Face à ces attaques, on peut dire que nous, les ouvriers de PSA comme des autres salariés partout en France, on ne se laisse pas faire. La très bonne nouvelle, c’est que Macron et Borne ont réussi à mettre dans la rue et en grève des salariés peu habitués aux luttes.
Deux millions dans la rue le 19 janvier, 2,8 millions le 31 janvier, 2 millions encore hier.
Ces trois marées humaines avec leurs slogans et banderoles spontanées ont été de grands rendez-vous du monde ouvrier – comme d’immenses assemblées générales à ciel ouvert ! Les rues ont aussi été le lieu de multiples discussions, échanges, avec ambiance combative et fraternelle. Pour beaucoup c’est la première manifestation de leur vie à plus de 50 ou 55 ans, leur première grève. Il y avait des ouvriers, des précaires, des techniciens, des cadres, des salariés de petites boites souvent invisibles médiatiquement, et de grands cortèges dans de petites villes. Le nombre des jeunes en manifestation est important aussi. Tout cela, c’est du jamais vu depuis 2010 voire 1995. Le plus spectaculaire est la présence massive des salariés du secteur privé. Dans le secteur automobile, chez PSA, Renault ou Toyota, comme chez les sous-traitants, il y a eu aussi des milliers de grévistes et de manifestants.
Ce mouvement est donc aussi politique dans son rejet de Macron et de son gouvernement.
Aujourd’hui, si le mouvement contre ce projet est si fort c’est qu’il rassemble et cristallise beaucoup de colères accumulées : contre la retraite version Macron mais aussi contre les conditions de travail, contre le chômage, contre les suppressions de poste et surtout pour les salaires.
Ce mouvement n’éclate pas dans un ciel serein, il fait suite à des mois de succession de grèves sur les salaires, qui sont souvent de petites victoires. Je peux citer deux grèves victorieuses de fin janvier en Ille-et-Vilaine, chez deux sous-traitants automobiles de PSA : Plastic Ommium et Forvia. Les grévistes ont gagné entre 5 et 6 % d’augmentation. Ce type de grève, il y en a eu beaucoup d’autres.
Les salariés sont assommés par l’inflation.
Le prix de l’électricité augmente ce mois-ci de 15 %, après celui du gaz. L’inflation des prix alimentaires est de 10 à 14 %, parfois beaucoup plus (la presse parle sur un chariot de courses type d’une augmentation en un an de 16,3 %). Par exemple, en un an +113 % pour l’huile de tournesol, +69 % pour le sucre, et cela va se poursuivre. Il y a eu les 12 % d’augmentation du passe Navigo, les carburants qui restent à un niveau élevé, les péages augmentent… et face à cela, peu d’entreprises ont accordé des augmentations de salaire de plus de 4 %.
Face à cette situation insupportable, et dans ce contexte de mobilisation massive, nous, les communistes révolutionnaires du NPA, disons que c’est vraiment le moment que les travailleuses et les travailleurs mettent toute leur force dans la bataille.
Stoppons la régression sociale, arrachons de nouveaux acquis :
– « Augmentez les salaires, pas l’âge de la retraite »
– Il ne doit pas y avoir de salaires ou retraites inférieurs à 2000 euros nets ;
– augmentez les salaires et les pensions de 400 euros ;
– partageons le travail entre toutes et tous, sans diminution de salaire ;
– imposons la retraite à 60 ans maximum avec 37,5 ans d’annuités maximum.
Mais surtout changeons la société, faisons de ce mouvement victorieux une étape pour se débarrasser de cette société de l’injustice.
Je finirai cette intervention en insistant sur une idée importante : la victoire sur les retraites ne dépend ni d’une pétition, ni d’un référendum, ni du Parlement, ni d’élections, ni de possibles négociations entre confédérations syndicales et gouvernement.
La victoire ne dépendra que du rapport de force que la classe ouvrière imposera au patronat. Si les grèves se multiplient et se généralisent, si elles deviennent trop coûteuses pour le patronat, celui-ci ordonnera à Macron de mettre son projet à la poubelle.
Alors à samedi prochain dans la rue.
Luttons contre Macron, luttons contre les patrons !
La force des travailleurs, c’est la grève !
Intervention d’Irina, du NPA-Jeunes, sur le mouvement
Nous étions 400 000 selon les syndicats, à coup sûr plus de 100 000 hier dans les rues de Paris et plusieurs millions en France à prendre part aux dernières manifestations. Les jeunes sont de plus en plus visibles dans le mouvement. Nous nous retrouvons dans des AG à parfois plusieurs centaines, comme à Rennes. Nos universités se mettent en grève et les lycéens organisent les blocages de leurs établissements depuis plusieurs jours. Les étudiants et les étudiantes ne se laissent pas faire, et hier, notre cortège « interfac » parisien était massif.
C’est pas mal non ? Le mouvement est encore petit, mais il deviendra grand ! Et il inquiète déjà. Un vieux ministre quelconque aurait déclaré : « Si les gosses sortent, on est foutus ! »
Ceux à qui nous faisons peur, la droite, le gouvernement, et ceux qui répètent leurs âneries nous demandent ce qui nous prend, nous les jeunes, de rejoindre les cortèges de salariés, de nous préoccuper des retraites à notre âge, de prétendre pouvoir nous prononcer sur la réforme.
D’abord ils oublient que des centaines de milliers de jeunes ont déjà fait l’expérience du travail, c’est-à-dire de l’exploitation, et même un bon paquet d’étudiants ! Beaucoup d’entre nous fréquentons des milieux populaires et nous connaissons bien l’exploitation, les bas salaires, les conditions de travail éreintantes et tout le reste… donc on comprend bien que deux ans de plus avant la retraite, c’est inacceptable !
Leur morale et la nôtre : le droit à la paresse !
Une première chose qui ne passe pas, c’est toute la morale que Macron et ses amis du patronat nous font sur la valeur du travail. Aucun d’entre eux n’a jamais vraiment travaillé ni été au chômage. Sérieusement, une des réformes qu’ils nous proposent pour lutter contre, c’est de transformer Pôle emploi en « France Travail » !
Avec eux, il faudrait travailler, toujours plus, plus longtemps, plus dur, et ceux qui ne l’accepteraient pas seraient des flemmards. Eh bien nous l’assumons clairement : on veut travailler moins, et même beaucoup moins ! Comme l’écrivait le vieux Marx dans Le Capital : « La réduction du temps de travail est la condition fondamentale de la liberté. » Son gendre, Paul Lafargue, prônait même « le droit à la paresse », qu’on devrait toutes et tous revendiquer !
On sait que la lutte pour la diminution du temps de travail, la lutte pour échapper le plus possible à l’esclavage salarié, est, dès le départ, constitutive du combat ouvrier et du combat communiste.
La révolution de 1848 avait légalement limité le temps de travail à dix heures par jour à Paris. La Commune a interdit le travail de nuit. Durant des décennies et jusqu’à ce que la révolution russe permette de l’obtenir, la journée de huit heures a constitué, à l’échelle mondiale, une bataille et un programme pour le mouvement ouvrier. Puis des luttes ont été menées pour la semaine de 40 heures, arrachée en France par les grèves de masse des années 1934, 1935 et 1936. Puis ont été conquis aussi des congés payés, des vacances pour vivre un peu, souffler un peu, se livrer à des activités créatrices, des passe-temps…
Lutter pour la réduction du temps de travail, c’est lutter pour le temps de vivre, mais c’est aussi une réponse à l’organisation aberrante de cette société où, d’un côté, certains sont jetés au chômage, tandis que les autres voient se durcir leurs conditions d’exploitation, avec des salaires maintenus bas – les patrons faisant le calcul que la crainte du chômage fera tout accepter.
Pour ne citer que quelques chiffres récents : plus de 58 000 personnes ont été radiées des inscrits à Pôle emploi en novembre dernier. Un chiffre qui n’avait jamais été atteint depuis que les statistiques du chômage existent sous cette forme ! Radier une personne, c’est lui couper les vivres et la forcer à accepter n’importe quel emploi, quelles qu’en soient les conditions. Dans la même logique : la réforme de l’assurance chômage passée en décembre vise à réduire de 40 % la durée d’indemnisation.
Le message il est clair : travaille et ferme ta gueule.
Et ça va encore plus loin. Dans le secteur de la santé, Macron l’a dit, il faut « réorganiser le temps de travail à l’hôpital ». Une réforme qui doit aboutir d’ici juin et dont la mesure phare est… l’abolition des 35 heures et la fin du paiement des heures supplémentaires.
Ils veulent nous faire travailler plus, minute par minute, jour par jour, semaine par semaine, année par année et même vie par vie ! Mais il ne faut pas oublier que dans de nombreux lieux de travail, des tâches qui détruisent la santé et qui ne devraient pas être effectuées pendant plus de quelques années, sont imposées par le patronat à des millions de travailleurs et de travailleuses.
Sans surprise, toute cette politique au service du patronat, ça rapporte. Selon l’indice MSCI Europe, qui couvre les principales capitalisations boursières des pays européens les plus riches, les dividendes versés par les entreprises européennes en 2022 étaient de 382 milliards d’euros. Une progression de 23 % par rapport à 2021. L’exploitation des uns, c’est les profits des autres.
Pour la réduction du temps de travail
Alors oui, nous sommes pour la diminution du temps de travail, et pas pour son allongement ! Pour nos aînés mais pour les jeunes aussi ! On veut le temps de vivre et l’énorme progression de la productivité du travail humain le permet. Diminuer le temps de travail est une mesure d’urgence et de transition, à arracher au patronat par le rapport de force. L’expropriation des capitalistes et les bases d’une nouvelle société, fondée sur les besoins et non sur les profits, devrait ouvrir la voie à un mode de production collectif favorisant le temps libre.
Dans une société libérée du profit, pas besoin de trimer 35 heures, 40 heures, voire 45 heures ou plus par semaine, sans même le paiement des heures supplémentaires comme cela est devenu la norme dans beaucoup de boîtes.
Dans les années 1970, des sociologues et scientifiques avaient calculé qu’en rationalisant la production, en éliminant des productions nuisibles comme celle d’armements, ou des secteurs inutiles comme les compagnies d’assurances, on pourrait ne travailler que deux heures par jour, peut-être moins même, à des tâches ingrates mais nécessaires à toute la société, et ensuite… la vie ! Des activités individuelles et collectives de tous ordres, artistiques, scientifiques, artisanales, éducatives… Dans une telle société, il n’y aurait pas de problème de « retraite » tel qu’il se pose aujourd’hui, d’un âge où certains n’en peuvent plus, sont au bout du rouleau…
Travailler moins, c’est aussi ce qui permet de produire mieux. Et ce n’est même pas nous qui le disons ! Des think-tanks comme Autonomy s’amusent à montrer le lien entre émissions de CO2 et temps de travail. Selon eux, il ne faudrait pas travailler plus de neuf heures par semaine pour respecter les engagements de la COP 21. Depuis plus d’un siècle, on sait que les progrès techniques nous le permettraient.
Le temps libre, le temps de vivre, c’est ce qui permet de faire société. D’élever, d’éduquer et d’instruire les enfants sans, par exemple et au hasard, que ces activités ne reposent sur la seule famille et le déséquilibre des tâches.
Non, on n’a pas envie de cette vie-là, on n’a pas envie de perdre notre vie à la gagner. On aurait envie que personne ne perde sa vie et sa santé à la gagner.
Ceux qui veulent nous dicter nos modes de vie : c’est la bourgeoisie réactionnaire.
Non au racisme social et à la loi anti-immigration du gouvernement
Et à nous les jeunes, du moins à toutes celles et tous ceux qui ouvrent les yeux sur cette société, quelque chose n’a pas échappé : c’est que les boulots les plus durs, ceux qui obligent à se lever tôt, ceux qui payent le moins, sont largement occupés par cette partie de la classe ouvrière qu’on dit « issue de l’immigration ». Des travailleurs, et leurs familles quand elles ont pu venir, originaires d’anciennes colonies de la France impérialiste.
Une bonne partie de la bourgeoisie réactionnaire, qu’on a vu fleurir dans les dernières élections autour des Zemmour, des Marine Le Pen, des Ciotti ou des Pécresse, et la bonne vieille droite catholique, affichent à leur égard non seulement du mépris social mais de la haine raciale. Les deux font la paire. Et le gouvernement en rajoute, en particulier avec cette nouvelle loi Darmanin sur l’immigration. Qu’est-ce que c’est que cette loi scélérate ? Ce sera la vingt-deuxième sur le sujet depuis 1986. Elle vise à affiner la « sélection » et à durcir la répression dont sont victimes ces travailleurs. C’est menacer d’expulser les uns pour surexploiter les autres.
De quoi exciter les députés du RN ? Bien hypocrites, car ils savent qu’il s’agit de faire le bonheur de leurs amis patrons. Certains craignent peut-être que la nouvelle législation conduise à des contrôles plus systématiques sur les chantiers ou dans les cuisines. Mais ce n’est pas le but, pour ça vous pouvez toujours y aller les yeux fermés ! La crainte est largement infondée car cela fait des années que les pouvoirs publics laissent faire le travail ouvertement dissimulé. Et ça va y aller, avec l’exploitation sauvage de travailleurs pour assurer le succès des Jeux olympiques de Paris. Nombre d’entre eux, venus d’Afrique de l’Ouest, du Portugal, de Turquie ou de pays arabes, n’ont ni contrat de travail, ni fiche de paie, ni congés payés, ni bien sûr retraites. Ces Jeux olympiques de 2024, ce ne seront pas seulement des athlètes dopés à l’excès pour défendre un semblant de prestige national, ce sera et ça l’est même déjà, la surexploitation sur des chantiers.
Non à l’extrême droite
Et j’en arrive à une mention spéciale pour l’extrême droite, ou plutôt contre l’extrême droite.
Tout en s’opposant aux grèves, aux augmentations des salaires, en demandant la baisse des « charges » (c’est-à-dire des cotisations sociales que les patrons ont à payer) et en s’alliant souvent allégrement avec les députés de Macron, Le Pen se déclare opposée à la réforme des retraites. Dans les universités, les bourgeois de la Cocarde étudiante disent aussi y être opposés. D’autres nazillons paradent ici ou là. Et la pression d’extrême droite est multiforme : ici des menaces de mort sur un maire qui monte un projet pour accueillir des migrants, là des menaces contre une professeure de classe préparatoire du Nord qui ose prévoir d’emmener ses étudiants à Calais, des menaces sur les drag-queens, ou même, dans un registre ridicule, les pressions mises sur la Fnac pour qu’elle retire de son catalogue le jeu « Antifa ».
Oui ça va loin.
Ça va loin aussi du côté de Darmanin, qui surenchérit.
Comme avec ces deux « dangereux terroristes » arrêtés à Montparnasse il y a quelques semaines à grand renfort de couverture médiatique, et qui étaient en réalité deux sans-logis, un Français de 51 ans et un Libyen de 29 ans en possession de réchauds de camping. À l’inverse, on a vu comment cette République avait géré le taré qui a assassiné trois militants kurdes en décembre. Alors que celui-ci était déjà connu pour avoir attaqué des migrants au sabre, ce sont ses victimes qui avaient été déférées pour « violence en bande organisée », tandis que l’auteur de la tuerie n’avait même pas été interdit de port d’arme et avait un arsenal chez lui !
Mais attention, l’extrême droite se veut aussi force de propositions, en proposant une relance de la natalité. Parce que si les gens faisaient plus de gosses, ça ferait plus de futurs cotisants pour les retraites ! Idée de génie ! Mais comme ça n’a pas l’air de faire l’unanimité, il faudrait nous y inciter ! Sauf que si on ne veut pas de gosses, personne ne nous forcera à en porter et surtout pas la famille Le Pen !
S’il y a une manière de faire taire l’extrême droite, c’est d’imposer les revendications du monde du travail :
Ouvriers français et immigrés, mêmes patrons, même combat !
C’est une lutte bien sûr, dans laquelle prend toute sa place celle contre le projet scélérat de réforme des retraites. Il n’y a rien à négocier ! Il faut le retirer !
Pour conclure
Pour conclure, si les conditions du travail se durcissent, avec ce projet scélérat contre les retraites, si les États sont autoritaires et l’extrême droite se renforcent, c’est que leur monde ne tient pas debout. Depuis 2008, les grandes puissances n’arrivent pas à stabiliser la situation mondiale. La dynamique du capitalisme durcit l’exploitation, réactualise les confrontations entre puissances, les conflits armés, les raidissements autoritaires et ce y compris au sein des pays riches et prétendus démocratiques.
En face, on observe le développement de mobilisations de masse, de soulèvements insurrectionnels sur plusieurs continents : tout récemment en Iran et au Pérou. C’est un fait que face à ce monde, il n’y aura pas de négociations possibles. Il faudra tout renverser.
À la fin de l’année dernière, Darmanin a passé une commande de plus de dix millions de grenades lacrymogènes, de grenades assourdissantes et de fumigènes pour flics et CRS. Avant même de mettre en place sa réforme, alors que les syndicats négociaient et, attentistes, n’appelaient à rien, alors que la FI déposait au moins sa dixième motion de censure à l’Assemblée, le gouvernement se préparait à l’affrontement. À la jeunesse révoltée de faire de même, à la classe ouvrière dans son ensemble de faire de même.
Pour creuser les divisions des deux côtés de la Méditerranée en niant les crimes de 132 ans de colonisation et le million de morts de la guerre d’Algérie, Macron disait récemment : « La France n’a pas à s’excuser auprès de l’Algérie pour l’époque coloniale. » Nous, complètement à l’opposé, on reprend le mot d’ordre des manifestants du Hirak : « Système dégage ! » Et par système, on entend le système capitaliste.
Intervention d’Armelle, institutrice
Intervention de Gaël, postier
Intervention de Damien, cheminot
Quel bol d’air cette mobilisation !
Des manifestations absolument monstrueuses comme on n’en avait pas vu depuis des années, des grèves dans le privé, dans plein de boîtes comme dans l’industrie pharmaceutique (BioMérieux en région lyonnaise, Cenexi près de Paris), dans la sous-traitance automobile (Plastic Omnium et Forvia près de Rennes), chez Flandria Aluminium dans le Nord ou encore chez Idemia, fabricant de cartes bancaires en Bretagne.
Dans ces manifestations, on s’y retrouve, on s’y rencontre, on s’y mélange pour partager nos vies, nos galères, trouver des solutions et refaire le monde. Toute la colère que chacun a pu accumuler depuis des années, on a enfin l’occasion de l’exprimer collectivement, ensemble, dans la rue. Ceux qui n’avaient jamais manifesté ou ne l’avait pas fait depuis longtemps y reprennent goût, y trouvent leur place, ont envie de venir à la suivante. Et si cette fois c’était la bonne ? Si le réveil de la classe ouvrière venait de débuter ? Si l’heure de la revanche avait enfin sonné ?
Nous, on veut y croire !
On parle de salaires et de la nécessité de les augmenter. On parle du travail qui use et qui tue et de cette réforme que tous le monde vomit car personne ne se voit faire deux ans de plus dans ces conditions. On parle de « questions sociales » comme on dit dans les médias. C’est-à-dire de nous ! De la vraie vie ! Des préoccupations, des galères et des besoins des « essentiels », des « invisibles », de ceux d’en bas, des exploités. De ceux qu’on tente toujours de nommer par tout autre mot que celui de prolétariat !
Souvenons-nous, il y a tout juste un an, en février 2022. L’actualité, c’était un Zemmour qui occupait tout l’espace médiatique avec son vomi raciste du « grand remplacement ». Eh bien si, dans l’actualité, Zemmour s’est fait « grand remplacer » par les préoccupations du monde du travail, c’est déjà un grand bol d’air frais comme on n’en avait pas inspiré depuis longtemps !
Bien sûr, on est loin d’avoir réglé tous ces problèmes. Zemmour a peut-être disparu des écrans radars mais pas l’extrême droite. Et la politique anti-immigrés continue de sévir sans que Le Pen ait besoin d’être à l’Élysée. C’est le sens de la nouvelle loi anti-immigrés de Darmanin, dont Irina a parlé. Alors pour nous, ça n’a pas changé :
« liberté de circulation, régularisation de tous les sans-papiers ! »
Du côté du gouvernement, malgré des airs farouches qu’ils se donnent, sur l’air de « on ira jusqu’au bout », on les sent quand même sacrément tendus. D’autant plus que face à des centaines de milliers, voire des millions de manifestants, la valse des députés « Renaissance », « Modem » ou « Horizon », du parti ou partis amis de Macron, a bien du mal à faire le poids. Dans leur théâtre de guignols, on a même quelques champions !
On a Claire Guichard, députée des Hauts-de-Seine suppléante de Gabriel Attal, qui a déclaré que les AESH (accompagnants des élèves en situation de handicap) étaient des femmes qui auraient « choisi leur statut pour avoir les mercredis et les vacances scolaires ».
On a aussi François Patriat, chef des sénateurs macronistes, qui, en décembre, nous disait à propos de la pénibilité du travail : « Aujourd’hui, la nature du travail n’est pas la même. Les déménageurs, les couvreurs, les personnes qui travaillent dans les travaux publics sont équipés d’exosquelette. » (Silicon Valley)
Devant le tollé qu’a provoqué ses propos, il a tenu à rectifier les choses en disant : « on ne déménage plus par les escaliers, mais par les balcons. » (génie)
L’impression de décalage total que nous donne ce genre de propos est bien fondée. Comme le disent souvent les collègues au boulot : ces gens-là vivent dans un autre monde. Oui, c’est vrai. Un monde de riches, de bourgeois, où on naît avec une cuillère en argent dans la bouche.
Mais ne croyons pas qu’ils ne savent pas ce qu’ils font. Ils le mesurent très bien. La banque connaît notre situation financière heure par heure, les impôts savent chaque euro qui nous est versé en salaire ou cotisation ; au travail, les moyens de contrôle et de flicage de la moindre « erreur » sont toujours plus poussés… Les patrons et les ministres à leur service savent très précisément ce qu’ils nous font subir pour une raison simple : c’est de notre exploitation que vient leur richesse !
Mais voilà que notre monde, ceux d’en bas, s’agite et conteste depuis quelques semaines. Voilà que ces deux mondes entrent en conflit comme une illustration de cette lutte de classe qui n’a jamais cessé d’exister.
L’opposition à Macron ? Elle est dans la rue !
Cette lutte de classe qui reprend de la vigueur, c’est aussi ce que les « oppositions » parlementaires à Macron voudraient masquer.
L’extrême droite de Le Pen se prétend le premier parti ouvrier ou populaire. Mais ces gens-là n’aiment les travailleurs que pour leurs votes. Certainement pas pour leurs grèves et leur révolte sociale. Le RN est un parti de l’ordre. Pas étonnant que ses députés soient tous au diapason depuis des semaines pour dire que le véritable combat se situe à l’Assemblée et pas dans la rue.
Quant à leur projet alternatif concernant les retraites, il faut en dire un mot.
Pour Zemmour, condamné à jacter en dehors des bancs de l’Assemblée nationale, les choses sont claires. Je cite : « Ce plan du gouvernement reprend globalement mes principes, je ne vais pas critiquer ce que j’ai défendu. » Zemmour en rêvait, Macron l’a fait !
Pour Le Pen, c’est l’acceptation de tous les reculs imposés par les gouvernements précédents avec un âge de départ évoluant de 60 à… 67 ans ! Et d’ajouter des propositions d’augmenter les salaires de 10 %, mais en taillant de 10 % les cotisations sociales… c’est-à-dire précisément la source du financement des retraites ! Belle imposture qui prévoit d’ores et déjà de nouveaux cadeaux au patronat, qu’il ne faudrait surtout pas taxer comme Le Pen elle-même s’en est défendue sur France Info la semaine dernière.
Mais comme ce n’est pas l’hypocrisie qui les étouffe, les voilà qui pleurnichent quand même d’être « exclus » des manifestations ! Pour une fois, ils ont eu du flair. Non, nous ne voulons pas de vous dans nos manifs ! Non, les racistes et apprentis fachos n’ont rien à voir avec nos luttes ! Non, on ne financera pas les retraites en coupant les vivres aux migrants ! Non, on ne veut pas d’une guerre entre pauvres pendant que les riches dorment sur leur deux oreilles !
L’extrême droite, on n’en veut pas dans nos manifs et on n’en veut pas au pouvoir non plus ! Leur démagogie sociale, c’est seulement pour se faire élire et entrer en costard-cravate à la Chambre des députés. Et ailleurs dans le monde, quand les Trump, les Bolsonaro, les Poutine, les Netanyahou ou les Orban sont élus, plus rien pour les travailleurs, mais tout contre les boucs émissaires, les « migrants » disent-ils, mais en fait tous ceux qui n’ont pas la bonne couleur de peau. Et comme ils ne s’arrêtent pas en chemin, ce sont aussi aux femmes, sur le droit d’avorter ou aux homosexuels qu’ils finissent par s’en prendre. Aussi cruels contre toute la classe ouvrière que serviles vis-à-vis des puissants, milliardaires, banquiers ou généraux. Merci, mais on a déjà donné et pas plus que les autres, on ne laissera passer !
La gauche parlementaire au moins est dans la rue et appelle aux manifestations. Et tant mieux si cela aide à faire grossir le nombre de manifestants, tant mieux si nous sommes au coude à coude entre syndiqués et non syndiqués, travailleurs engagés en politique ou non. Mais ce nouvel alliage électoral qu’est la Nupes, initié par la FI de Mélenchon, quelle perspective fondamentale et alternative à Macron nous propose-t-elle ?
De nouveau un futur gouvernement de gauche. Avec Mélenchon en Premier ministre ? Pourtant, chaque fois que la gauche est arrivée au pouvoir en France, elle a poursuivi, voire amplifié, la politique anti-ouvrière de la droite – sous prétexte qu’elle se heurtait au mur de l’argent. Une des dernières réformes des retraites a été concoctée en 2013 par la socialiste Marisol Touraine, sous la présidence de Hollande.
Alors la carte de l’alternance électorale en cas de dissolution de l’Assemblée, sur laquelle la Nupes voudrait nous faire miser, est un piège et une illusion.
Et ce n’est pas un hasard si aujourd’hui encore, alors que nous sommes dans la rue par millions, la Nupes nous sort de son chapeau une nouvelle proposition de référendum sur la réforme des retraites. Mais un référendum pour quoi ? S’opposer à la réforme de Macron ? Mais on a déjà voté plusieurs fois dans la rue et par la grève ! Alors pourquoi ? Car c’est une politique systématique de la gauche d’offrir comme débouché à la colère sociale une solution électorale. Et c’est un piège, car Macron et surtout le grand patronat derrière lui, raffolent de ce genre de jeu électoral où on peut étouffer la colère ouvrière dans les débats feutrés d’assemblées institutionnelles. C’est le genre de planche de salut pour la bourgeoisie dont ils ont déjà su se saisir. Macron lui-même a tenté de calmer le mouvement des Gilets jaunes avec son fameux « grand débat » de l’époque. Et avant lui, c’est bien dans les urnes d’une élection législative exceptionnelle, après avoir dissout l’Assemblée, que de Gaulle a enterré Mai 68, la plus grande grève générale que ce pays ait jamais connu.
Non, c’est dans la rue et dans les grèves que nous allons poursuivre et amplifier ce mouvement, jusqu’au retrait de la réforme.
L’enjeu est gros : vivre et pas survivre. Jusqu’ici on a fait trois démonstrations de force archi massives et déterminées. Comme l’a dit Gaël, il faut maintenant trouver les moyens d’exercer toute cette force. Et notre meilleur, c’est la grève : la grève générale ! C’est le meilleur moyen d’aller chercher l’argent là où il coule à flots, dans les caisses du patronat.
De l’argent, il y en a ! Dans les caisses du patronat !
Pendant que toute une partie de la société s’appauvrit, une mince couche d’autres s’enrichit et croule sous le pognon.
L’essence à presque deux euros le litre, c’est un racket sur les travailleurs forcés de prendre leur voiture pour aller au boulot. Mais ça ne fait pas que des malheureux. Les groupes pétroliers occidentaux, dont Total fait partie, ont réalisé des superprofits dépassant les 200 milliards d’euros en 2022. Le record des quinze dernières années. Et Total annonce ce matin son record historique : près de 20 milliards de bénéfices. Ça fait quand même sacrément tache, au moment où on nous demande de nous serrer la ceinture.
Ken l’a déjà dit et j’insiste : les grandes entreprises françaises du CAC 40 ont réalisé 172 milliards d’euros de profits en 2022. Une hausse de 34 % par rapport aux 128 milliards de 2021. Et qu’on ne nous fasse pas le coup du ralentissement de l’économie dû au Covid qui expliquerait ces chiffres. En comparaison de 2019, année d’avant la pandémie, le compte a plus que doublé ! Ce sont ces grands groupes capitalistes, de l’énergie, de la banque, du luxe qu’il faut mettre sur le banc des accusés !
Continuons : le dernier rapport publié par l’ONG Oxfam donne des chiffres encore plus parlants. Je n’en donne qu’un, que j’ai dû relire trois fois pour être sûr d’avoir bien compris : depuis 2020, à l’échelle du monde, les milliardaires ont gagné 2,7 milliards de dollars… par jour. Quant à la France, elle n’a pas gagné la coupe du monde de foot, mais elle a gagné celle de la richesse. Oui, Bernard Arnault arrive en tête du classement des plus grandes fortunes mondiales avec 179 milliards d’euros de fortune personnelle… ! Cocorico, un Français ! (Marseillaise)
Alors, blague à part, de l’argent, il y en a pour financer l’augmentation de 400 euros par mois pour tous que nous proposons au NPA. Pour imposer qu’aucun salaire, retraite ou minima sociaux ne soit inférieur à 2000 euros. Et de manière générale face aux hausses incessantes des prix, nous prônons aussi une mesure simple mais vitale : indexer les salaires sur le coût de la vie.
Certains nous disent que notre revendication d’aucun salaire ou revenu inférieur à 2000 euros ne serait pas « finançable ». Mais nous ne parlons pas chiffres. Nous parlons survie. Deux mille euros, c’est ce dont nous avons besoin pour vivre décemment et dignement. Si cette société et ceux qui la dirigent ne sont pas capables d’assurer des conditions de vie et un avenir correct à tous ceux qui la font tourner, alors qu’ils passent la main. Nous les travailleurs, nous avons les moyens de faire fonctionner les choses de la bonne manière, en fonction de l’intérêt général et non de celui d’une petite minorité avide de profits.
D’autres disent que si on taxe trop les riches, alors ils partiront. Mais qu’ils partent ! Les lieux de travail, eux, ne vont pas s’envoler… ni nous, les travailleurs, qui produisons toutes les richesses !
D’ailleurs, notre projet n’est pas de simplement taxer les profits. Ce que nous voulons, ce sont les supprimer ! C’est-à-dire supprimer leur propriété privée des moyens de production des richesses.
Cette propriété qui, comme le disait déjà Marx il y a plus de 150 ans, a pour condition d’existence pour les uns qu’elle soit inexistante pour la majorité des autres. Il voulait dire que pour que les possédants, du fait de leur propriété, puissent exploiter les autres, tirer de leur travail une plus-value, il faut que la majorité ne possède justement rien et ne puisse vivre qu’en vendant sa force de travail. C’est cet édifice-là, racine du capitalisme, que nous voulons supprimer.
Comment ? Il faut commencer par exproprier les grands groupes, sans indemnité, et les rendre à la société tout entière, en les transformant en propriété collective sous le contrôle des travailleurs.
Leurs guerres, notre internationalisme !
Il y a un an, c’était la guerre qui s’invitait de nouveau au cœur même de l’Europe, autour de l’Ukraine.
Au moment où nous parlons, les engins de mort russes continuent à anéantir des vies, à démolir des infrastructures et des habitations, à raser des villes entières.
Il s’agit de la part de Poutine d’une agression brutale contre un État voisin et un peuple ukrainien qui paient pour la situation historique et géographique de leur pays. Pris en étau entre des puissances, côté russe avec Poutine, côté Américains avec l’Otan, qui mènent une guerre par procuration et tels de vrais profiteurs de guerre, vendent des armes, vendent du pétrole, du gaz ou du nucléaire à des prix atteignant des sommets… entraînant en retour l’exacerbation de l’inflation mondiale que paient lourdement les classes populaires.
Cela n’est pas lointain. Déjà une traduction concrète : Macron vient d’annoncer un budget militaire en hausse de 40 %. C’est à dire 413 milliards de plus pour l’armée !
Ce genre de chiffres, dont on ne mesure même pas la portée, donne le vertige. Mais qu’est-ce qu’on pourrait faire avec ces 413 milliards ? Par exemple, d’après l’ONU, on pourrait éradiquer la faim dans le monde d’ici 2030. Dans le monde ! Cela changerait la vie de 700 millions d’affamés, nombre en augmentation vertigineuse à cause de la spéculation effrénée sur le blé depuis le déclenchement de la guerre de Poutine contre l’Ukraine.
Mais non. Macron a d’autres idées pour ces 413 milliards. Il veut transformer l’armée française. Pour passer d’une armée « aux fortes capacités de déploiement » à l’étranger à une armée capable de rivaliser avec un « rival conventionnel ». Traduction : cela signifie que leurs interventions meurtrières en Afrique, pour le compte de l’impérialisme français ne leur suffisent plus. Ils veulent se préparer à faire la guerre face à une grande puissance. 413 milliards d’euros, c’est un budget militaire de temps de guerre. Voilà l’avenir que les capitalistes nous préparent.
Et puisque c’est la guerre, alors, disent-ils, il nous faut des frontières toujours mieux gardées pour défendre la patrie ! Des frontières faites de murs, de barbelés et de tout un arsenal policier, qui tuent chaque année des milliers de personnes qui fuient justement les guerres et la misère créées par les grandes puissances capitalistes.
À la fin de la guerre froide, il existait 19 murs fermant des frontières dans le monde. Quand le mur de Berlin est tombé, ce devait être la fin d’une époque. Pourtant, avec eux, c’était un mur de tombé pour dix de retrouvés ! Aujourd’hui, on compte une cinquantaine de murs dans le monde. Ces murs et les barbelés qui les accompagnent font un total de plus de 40 000 kilomètres. C’est plus que la circonférence de la Terre !
Pour faire passer la pilule de ce genre de choix politique, l’idéologie dans laquelle on tente de nous embarquer c’est le nationalisme à tout-va. Et pas simplement les 14 juillet lors des défilés militaires. La « défense de la Patrie », c’est aussi la défense de l’industrie française ou autres projets de relocalisation pour retrouver de la prétendue souveraineté industrielle. C’est donner du protectionnisme économique comme seule perspective face aux licenciements en cascade.
Il faut faire face à la « concurrence étrangère » nous dit-on ? Mélenchon applaudit ! Mais pas de bol, Carlos Tavares aussi, le PDG de PSA dont Ken parlait. Car il a eu l’idée avant lui en faisant à l’été 2021 sa tournée européenne des usines du groupe pour expliquer aux Italiens qu’ils n’étaient pas aussi compétitifs que les Français, aux Français qu’ils n’étaient pas aussi compétitifs que les Polonais et aux Polonais qu’ils ne l’étaient pas assez face aux Marocains… Tous contre tous donc et chacun derrière ses frontières et dans la misère !
Pour nous, au contraire, c’est de plus de solidarité internationale entre exploités et opprimés dont nous avons besoin. Nous avons besoin d’une révolution mondiale pour, partout, abattre le capitalisme et le remplacer par une autre société ! Pour bâtir un monde sans frontières et sans patrons !
Oui, mais comment faire ? Par quel bout prendre ce problème qui semble une tâche bien immense ?
Un parti pour la révolution mondiale !
« On ne crèvera pas pour le patronat. » Ce slogan entendu dans les manifestations des dernières semaines n’est pas juste un cri de colère. Pour nous, c’est même un mot d’ordre politique. Politique dans le sens d’une autre société que nous voulons. Une société où les immenses richesses produites ne serviraient pas à l’accumulation sans fin d’argent pour une petite minorité mais serviraient à la satisfaction des besoins sociaux. Une société où le progrès humain ne servirait pas qu’à envoyer des sondes dans l’espace (ou même quelques milliardaires mégalos) mais servirait aussi à en finir avec la faim dans le monde et à assurer un toit à chacun.
Nous pensons que les travailleurs ont les moyens de construire une telle société. Car c’est nous qui faisons tout tourner. Toute la production, des biens matériels ou des services, de la conception à l’acheminement est entre les mains des travailleurs du monde entier. Sans nous, rien ne tourne dans cette société. Alors nous devrions pouvoir décider de ce qu’on produit, comment et dans quel but.
Utopique ? Un exemple pour rendre les choses plus concrètes : des camarades cheminots de Strasbourg ont choisi à quelques occasions, pendant le confinement lié au Covid, de faire rouler tel train plutôt que tel autre. Vous imaginez, des cheminots, des travailleurs du chemin de fer qui décident de ce qui roule ou non, de ce qui est essentiel ou non ? C’est ce genre de contrôle sur la production que les travailleurs pourraient généraliser. Aujourd’hui, je vous accorde qu’il faut faire un petit effort d’imagination. Mais après tout, qui a dit que nous ne pouvions pas rêver un peu ?
Pour que les travailleurs prennent le pouvoir et gouvernent toute la société, cela ne peut pas être dans le cadre de ces institutions pourries jusqu’à la moelle. Ces institutions où on n’accède au pouvoir qu’en faisant des promesses électorales dignes des mensonges d’un arracheur de dent. Non, ce qu’il nous faudrait, ce sont des institutions où le pouvoir des travailleurs pourrait s’exercer jusque dans les entreprises, au cœur de l’exploitation, justement là où la politique est interdite par le patronat. Justement là où il faut l’y faire entrer au prix d’efforts militants.
Pour s’attaquer à un tel édifice : besoin de grandes luttes, de grandes révoltes. On n’en manque pas ! Regardons l’ampleur et la radicalité des révoltes de masse en Iran, au Pérou, en Colombie l’année dernière ou le mouvement de grève profond qui secoue l’Angleterre encore en ce moment pour la première fois depuis Thatcher. Mais comment éviter le piège du ravalement de façade ?
Pas de raccourci possible. Il faut que les travailleurs possèdent leur propre parti, dont ils soient la colonne vertébrale et la tête, un parti capable d’ouvrir une issue révolutionnaire aux révoltes de masse qui secouent la planète, un parti des travailleurs, communiste et révolutionnaire !
À propos du NPA, appel à nous rejoindre !
Comme vous le savez probablement, ou en avez entendu parler, Olivier Besancenot et Philippe Poutou nous ont quittés pour un autre NPA. On regrette la division, nous l’avons combattue. Nous pensons que la situation exigerait au contraire que les révolutionnaires resserrent les contacts entre eux, nouent des alliances, mettent en commun leurs efforts et leurs compétences.
Mais Philippe Poutou veut « bosser avec la FI ». Olivier Besancenot appelle à « l’unité de toute la gauche d’Olivier Faure à Nathalie Arthaud ». Ces choix ne sont pas les nôtres. Au contraire, nous pensons qu’ils mènent à l’impasse et se rattachent au char de la gauche et de toutes les illusions qu’elle charrie.
Très peu pour nous. Mais, malgré cette scission et le choix regrettable de ces camarades, nous l’affirmons haut et fort : dans cette salle de meeting, dans les manifestations, dans les grèves en cours et à venir, le NPA continue. Et un NPA ouvertement révolutionnaire puisque c’est l’urgence de toute la situation.
Notre appel est simple : si vous aussi vous trouvez que quelque chose ne tourne pas rond dans cette société, si vous pensez qu’il ne faut pas juste remettre un coup de peinture mais faire les choses en grand, transformer toute la société, alors rejoignez-nous pour gagner la bataille des retraites et pour mener la lutte pour renverser cette société capitaliste, le plus vite possible !