Nos vies valent plus que leurs profits

Militarisme : le souverainisme de la gauche contre les travailleurs

Le PS et Les Écologistes (ex-EELV) se sont d’ores et déjà ralliés à la position macroniste, tout en vitupérant sur les conséquences sociales qu’elle implique. L’incohérence en politique ne tue que lentement.

Les voies tortueuses du « nationalisme social »

Pour l’autre partie du NFP, naguère qualifiée par la première de « poutinolâtre », les voies sont plus tortueuses, mais toujours pour la défense de la nation.

Si Macron se voit bien en un de Gaulle aux accents guerriers, mais à la tête de toute l’Europe, Mélenchon se voit lui dans le rôle du de Gaulle « non-aligné », anti-américanisme oblige – après avoir dénoncé les « harengs de Bismark », il a trouvé en Trump un adversaire à sa démesure… « Les Français doivent se donner tous les moyens de garantir la sécurisation de toutes leurs nombreuses frontières dans le monde. Sur l’Oyapock et le Maroni, dans l’océan Indien et dans les Caraïbes, dans l’Antarctique comme dans le Pacifique, la France est-elle maîtresse de sa situation ? Je ne le crois pas », explique-t-il sur son blog. Les populations des confettis de l’empire colonial français qui dénoncent la présence française apprécieront !Mais Mélenchon ne se contente pas d’endosser les habits de général de la colonisation, il se voit en sauveur de « toutes les entreprises qui ont à voir avec la défense nationale », comme Vencorex. Il est donc d’accord pour soutenir la réindustrialisation de Macron, mais à une condition : que tout ce qui sera produit pour l’armement soit « convertible au civil ». Des Rafale convertibles en Canadair ? Ou le nouveau char d’assaut franco-allemand EMBT-ADT 140 transformable en chasse-neige ? La transformation de la bombe H française en feu d’artifice ? Mélenchon a beau se contorsionner, c’est bel et bien un soutien à tous les crédits, efforts et subventions, restructurations et nationalisations aux frais du contribuable qu’il défend.

Macron veut réarmer, la gauche syndicale et politique lui répond : chiche !

Dès le 4 mars, Fabien Roussel (PCF) twittait en réaction à la volonté affichée par les dirigeants européens de mobiliser 800 milliards pour la défense européenne : « Alors nationalisons immédiatement Vencorex », qu’il juge « indispensable pour le lancement de nos fusées et missiles français ». Côté syndical, Sophie Binet de la CGT, qui se débat avec la réforme des retraites dans un « conclave » désormais mandaté pour l’aggraver, répondait le 7 mars dans une envolée nationaliste à Macron le va-t-en-guerre : « Cela commence par défendre notre industrie européenne. Ce n’est pas possible […] d’augmenter les crédits militaires pour aller financer l’industrie américaine. » Et d’en appeler, elle aussi, à la nationalisation de l’usine de chimie iséroise Vencorex, dont la production est essentielle à l’usage militaire. Une telle « nationalisation » se moque bien du maintien des salaires et de l’emploi : ils devront s’adapter à la production d’explosifs et de canons…

Nouvelle édition d’un « socialisme de guerre » ?

Parce qu’un Trump bouscule les bourgeoisies européennes, les dirigeants politiques et syndicaux « de gauche » se sentent eux aussi « blessés »… Pas un seul pour se dire que, de l’autre côté de l’Atlantique, ce sont des millions de travailleurs que la politique de Trump va percuter et que, pour combattre cette politique militariste qui va mettre à contribution les classes populaires du monde entier, nous disposons d’alliés autrement plus sûrs que l’alignement sur nos ennemis d’ici, les patrons et le président des riches.

Au lieu de rechercher on ne sait quel consensus au nom des intérêts « nationaux », l’heure est au contraire à la lutte contre l’envolée des budgets militaires au détriment des budgets sociaux. L’an dernier, des grèves d’ampleur ont montré que, de l’autre côté de l’Atlantique, les travailleurs ne sont pas prêts à se laisser faire. Les bourgeoisies cherchent à se coordonner pour développer la production d’armements… et attaquer tous nos acquis. Leur opposer la convergence des luttes des travailleurs de tous les pays peut apparaître comme une utopie. Mais ça l’est moins que de penser qu’on pourra fabriquer des bombes en masse sans s’en prendre sur la tête.

Leo Baserli