Depuis plusieurs semaines, les habitants de Naples vivent dans la crainte des tremblements de terre à répétition, dont l’épicentre se trouve dans la zone des Campi Flegrei. Le plus fort, d’une magnitude de 4,4 dans la nuit du 12 au 13 mars, a provoqué d’importants dégâts et l’écroulement de plusieurs immeubles. 242 personnes se retrouvent actuellement sans habitation.
Le 19 février, le responsable national de la Protection civile, Fabio Ciciliano s’était rendu sur place pour participer à une réunion d’information. Après avoir déclaré que « ces phénomènes existent dans cette région depuis des milliers d’années et existeront encore pendant des milliers d’années, ceux qui ne veulent pas sentir ces secousses devraient aller vivre ailleurs », il a suscité la polémique en répondant à un habitant qui lui demandait ce qui arriverait en cas d’un tremblement de magnitude 5 : « Dans ce cas, les immeubles s’écrouleront et nous compterons les morts. »
Mais, si ces phénomènes existent depuis longtemps, les mesures concrètes de protection se font, elles, toujours attendre. Pour toute réponse, les autorités assurent qu’« un plan de vulnérabilité a été élaboré, afin de procéder à des évaluations ponctuelles, à l’issue desquelles il est évidemment possible de mettre en place des mécanismes visant à limiter et à réduire les vulnérabilités » : méthode Coué et langue de bois.
Thierry Flamand
Témoignage d’une habitante de Naples
« Hier, c’était la première nuit que j’ai passé chez moi après le fort tremblement de terre de la nuit de mercredi à jeudi. Comme beaucoup d’autres familles, nous avons préféré nous éloigner pour nous reposer, car la terre continue de trembler, nous savons que cela ne s’arrêtera pas et nous avons peur.
La situation aux Campi Flegrei est critique. Presque toutes les habitations de Bagnoli, le quartier de Naples où je vis et qui a été le plus touché par les derniers événements sismiques, ont subi des dommages plus ou moins importants. Pour l’instant, environ 200 personnes ont été évacuées de chez elles, dont des amis proches. Dans les rues, des véhicules de police et des pompiers, des zones clôturées, des routes fermées, dans une atmosphère surréaliste qui rend mon quartier méconnaissable.
Les réponses des institutions sont tardives et tout à fait insuffisantes. Aucune évaluation de la vulnérabilité des bâtiments n’a encore été réalisée, alors que cela fait deux ans qu’on en parle. Pendant ce temps, on continue à concevoir un projet sur une zone qui suscite de nombreux intérêts économiques : tourisme, entreprises du secteur tertiaire, nouvelles infrastructures, réaménagement de l’ancienne zone industrielle d’Italsider.
Depuis des jours, une assemblée de citoyens demande à être entendue : après l’occupation de la municipalité, le maire, Manfredi, a décidé d’accorder une rencontre sur le territoire, mais pour fin avril ! Ils font des sommets à huis clos, escortés par les forces de l’ordre, et n’ont pas le courage de regarder en face les personnes qui vivent depuis des années dans des conditions de stress croissant.
Jusqu’à la secousse d’il y a quelques jours, dans la zone de Naples qui fait partie des Campi Flegrei, il n’y avait pas de points d’hébergement fixes où la population pouvait se réfugier en cas de tremblement de terre. La zone de l’ancienne base de l’Otan, très vaste et dotée de bâtiments antisismiques, n’a été ouverte qu’après que des groupes de citoyens eurent forcé les portes la nuit dernière, portes qui étaient fermées en ces heures de peur et de danger et gardées par les forces de l’ordre. Et même les abris aménagés ces derniers jours sont inadaptés, car ils ne sont pas équipés de lits.
Pendant ce temps, on essaie de vivre, en s’efforçant de garantir un minimum de normalité au moins aux enfants, mais avec une tension continue et épuisante, en attendant la prochaine secousse. Comment cela va-t-il se passer ? Les maisons tiendront-elles le coup ? Que faire ? Où aller ? Ceux qui ont une résidence secondaire ou les moyens financiers de louer un appartement dans d’autres quartiers de la ville partent. Mais, à Naples, les maisons disponibles sont rares : ces dernières années, en raison de l’augmentation exponentielle du nombre de touristes, beaucoup ont été transformées en chambres d’hôtes et en hôtels. Et celles qui restent ont des prix exorbitants. Comme toujours, la possibilité de se mettre à l’abri est une question de classe sociale. Il faut donc faire entendre notre voix pour exiger des solutions pour tous et toutes, et non le sempiternel « que ceux qui peuvent se sauvent ».
Nous ne voulons pas compter les morts. »
Assia P., Naples, le 16 mars 2025