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Népal : une pause dans la révolte ?

Mi-septembre, les émeutes massives au Népal ont mené à la dissolution du Parlement, au renversement du gouvernement de K.P. Sharma Oli et à la mise en place d’une nouvelle dirigeante, Sushila Karki, issue de la Cour suprême, en charge d’organiser de nouvelles élections. Lorsque le Népal est aujourd’hui évoqué par la presse, c’est pour vanter sa démocratie en pleine éclosion : 120 organisations se présentent aux élections du 5 mars 2026, dont une quarantaine nouvellement fondées, les listes comptent 850 000 néo-inscrits…

Pourtant, de nouvelles manifestations désignent la nouvelle dirigeante comme « KP Oli 2.0 », la nouvelle version de son prédécesseur.

Le nouveau pouvoir ignore les groupes et figures de la Gen Z qui demandent justice pour les victimes de la répression (au moins 76 morts début septembre), des poursuites contre l’ancien dirigeant et son ancien ministre de l’Intérieur, des sanctions contre les corrompus. Les contestations, bien que moins massives, n’ont pas cessé depuis mi-septembre. Plusieurs couvre-feux ou interdictions de manifestation ont à nouveau été imposés.

État bourgeois 2.0

Dès septembre, la diplomatie française vantait la nomination de Karki comme « une étape importante pour une stabilisation de la situation politique » : une « stabilité » à nouveau louée dans un récent sommet entre l’Union européenne et le Népal. Mais Karki est elle aussi aujourd’hui accusée de népotisme. S’il est difficile de juger la profondeur de ces mises en cause, son chef de cabinet nomme bien ses proches aux plus hautes fonctions. Son projet visant à « orienter les manifestations de rue vers la table des négociations politiques » et à « transformer la colère des jeunes en énergie électorale positive », convainc-t-il ?

Depuis octobre, les tentatives de militants de la Gen Z, souvent issus d’ONG, de signer un accord avec l’État échouent. Les désaccords tiennent à la désignation du soulèvement de septembre comme un mouvement politique, mais surtout à la caractérisation de sa répression comme un « massacre »… ce que refusent, pour le moment, les représentants d’une transition accrochés à l’ancien régime. La commission d’enquête sur les événements des 8 et 9 septembre ne poursuit ni les forces de l’ordre. Elle réserve son attention aux destructions de palais gouvernementaux et d’entreprises.

Révolte et contre-révolution

L’extrême droite, elle, demande un référendum pour le rétablissement de la monarchie ou la proclamation d’un État hindou. Et l’ancien parti au pouvoir, le CPN-UML, une fois les émeutes contenues, a saisi la Cour suprême pour faire annuler la dissolution du Parlement. Sans programme révolutionnaire ni militants pour le porter, l’audace d’une génération peut être contenue et une révolte réprimée. Des militants de la Gen Z affrontent dans la rue milices et provocateurs de l’UML qui tentent de les agresser. C’est face à ce type d’adversité et dans des révoltes face à une démocratie qui n’en a souvent que le nom, que les consciences se forgent.

Kris Miclos

 

 

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