Nos vies valent plus que leurs profits

Noyer les luttes dans les jeux parlementaires et les urnes : la gauche voudrait nous ressortir sa vieille recette

À peine Bayrou a-t-il mis à l’ordre du jour son départ de Matignon afin de refiler à d’autres la patate chaude de mesures d’austérité qui soulèvent la colère, le chef du PS, Olivier Faure, a cru son heure venue d’offrir ses services. « Ce n’est pas Bayrou ou l’apocalypse », clame-t-il à l’intention de ceux qui voient la fin du monde (de leur monde) dans une mobilisation spontanée, partie de la base, menaçant de tout bloquer. Puisque Bayrou patauge, les socialistes seraient « volontaires pour être les suivants », rajoute le chef du PS, prêt à gagner Matignon pour calmer la colère qui gronde, proposer « aux Français l’armistice », comme il a déclaré à la télé dimanche dernier.

Et comment donc ? Avec « une autre manière de gouverner » et « l’engagement de ne pas utiliser le 49.3, ce qui mécaniquement nous obligera à trouver des compromis texte par texte ». En clair, se mettre d’accord texte par texte au sein d’un Parlement qui est à majorité de droite et d’extrême droite (deux tiers des députés) et un Sénat du même acabit ? Ça promet !

Là où Bayrou annonçait 44 milliards d’économies au budget de l’État sur notre dos, Olivier Faure promet qu’il n’en ferait que 21,7… sur notre dos. « Ce n’est pas le budget de nos rêves mais il peut permettre de trouver des majorités », reconnaît le député socialiste Philippe Brun, qui ajoute pour faire passer la pilule, qu’on rependrait « les propositions du rapport de René Dosière visant à mettre fin à un certain nombre d’avantages indus ». C’est un rapport demandé fin août par François Bayrou, préconisant quelques menues économies sur les budgets des élus car, explique l’auteur, « on ne peut pas demander des efforts aux Français si ceux qui demandent des efforts n’en font pas eux-mêmes ». À nos efforts, donc !

Le PCF se veut lui aussi, dans son communiqué du 29 août, « force de proposition ». C’est à ce titre qu’il a choisi de répondre positivement à l’invitation de Bayrou pour aller, a-t-il dit, « lui présenter son pacte pour l’avenir de la France ». Ça lui fera une belle jambe !

Le mouton noir de cette gauche serait la FI que le PS ne veut pas dans son éventuel gouvernement, mais dont Olivier Faure voudrait bien les voix, rajoutant : « J’ai envie de dire “déconne pas, Jean-Luc” ». Malheureusement il ne « déconne » pas beaucoup, se plaçant lui aussi sur le terrain de la politique institutionnelle, à courir derrière une élection présidentielle anticipée pendant que le RN court lui derrière une législative anticipée.

Patrons, banquiers, actionnaires, ce sont eux qui bloquent nos salaires, qui licencient, contrôlent toute l’économie et par là contrôlent la politique de l’État et ses gouvernants. Ceux qui se succèdent au pouvoir n’en sont que les exécutants, ou les fusibles qu’on fait sauter et permute en cas de crise : gauche-droite, droite-gauche et demain peut-être extrême droite si nous laissons faire. Notre force est que nous faisons tout tourner, les usines, les transports, les écoles. Elle est dans nos luttes et pas dans les combines parlementaires ou les bouts de papiers au fond d’une urne.

Olivier Belin

 

 


 

 

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