Nos vies valent plus que leurs profits

Quelle crise du logement ?

La spéculation foncière et immobilière comme les difficultés de logement des classes populaires sont sans doute aussi anciennes que le capitalisme : la concentration des emplois dans les villes, en attirant des masses de prolétaires, fait de la question du logement une des questions sociales les plus pressantes. Les dernières décennies n’ont pas fait exception : la flambée des prix de l’immobilier a occasionné non seulement une forte augmentation des inégalités de patrimoine1, mais aussi des difficultés croissantes pour se loger pour les jeunes, les travailleurs précaires et, plus généralement, les familles des classes populaires.

Le logement représente en moyenne plus du quart des dépenses des ménages, proportion qui augmente à mesure que le revenu baisse. Pour les ouvriers, les employés, les pauvres et les étudiants, c’est donc la crise du logement en permanence. Mais pourquoi ? Et quelle forme cette crise prend-elle actuellement ?

Le logement : un marché spéculatif

Sous le capitalisme, les logements sont des marchandises et doivent donc être source de profit. Leur prix augmente parce que les investisseurs veulent pouvoir empocher une plus-value en les revendant plus cher. Dans l’attente, l’investissement rapporte sous la forme de loyers, qui ne sont rien d’autre qu’une ponction sur les revenus des travailleurs pour entretenir la rente immobilière.

Ce mécanisme s’adosse à l’État et aux collectivités qui permettent aux promoteurs de rénover et construire, notamment à la faveur des plans dits de « rénovation urbaine ». Il s’adosse aussi aux banques et au capital financier, sous la forme de prêts permettant – moyennant intérêts – à des ménages d’acheter des biens très onéreux.

Coup de frein sur les constructions

Ces logiques spéculatives se renversent, parfois de façon très spectaculaire, comme lors de la chute toute récente du géant chinois de la promotion immobilière Evergrande, plombé par une dette abyssale. Après des années d’euphorie sur les prix et de surproduction de logements, la crise du Covid a mis un coup d’arrêt brutal à la bulle spéculative, précipitant la crise immobilière : la baisse des prix, loin de profiter aux millions de travailleurs en mal de logement, a provoqué la chute de promoteurs et laissé inachevés ou vides des dizaines de milliers d’immeubles dans la plupart des grandes villes du pays.

En France aussi, la construction immobilière est en crise depuis 2020-2021. Le coup de frein sur la construction de logements s’explique jusqu’au premier trimestre 2022 par des difficultés d’approvisionnement en matériaux causées par la désorganisation des chaînes d’approvisionnement post-confinement. Depuis, c’est la demande qui est à la peine : la crise inflationniste et la forte hausse des taux d’intérêt des crédits immobiliers ont mis à mal le pouvoir d’achat des potentiels acheteurs, et rendu plus périlleux les montages financiers des promoteurs2.

Moins spectaculaire que la chute du géant chinois Evergrande, ici aussi des promoteurs ont fait les frais de ce retournement. C’est le cas de Réalités à Nantes qui, après avoir amplement profité des opérations de rénovation urbaine, se trouve dans l’incapacité d’honorer une forte dette alors que la marché est en net recul (–37 % de ventes de logements neufs à Nantes en 2023 par rapport à 2022).

Le marché du logement ne peut qu’entretenir la pénurie permanente. Il fonctionne comme un grand détournement d’argent – sous la forme de loyers ou d’intérêts bancaires – au profit des spéculateurs et des banques, laissant sur le carreau un nombre croissant de travailleurs et de familles des classes populaires.

Sacha Crepini

 

 
1 Insee Références, octobre 2024, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7941439
2 Insee, Note de conjoncture, mars 2024, https://www.insee.fr/fr/statistiques/7943933

 

 


 

 

Un toit, un droit ! — Sommaire du dossier de Révolutionnaires no 42