Contexte international
1. À l’échelle internationale et nationale, découlant de l’exacerbation des rivalités et concurrences inter-impérialistes, c’est la poursuite de l’offensive des multinationales et de leurs États contre les travailleurs.
Rapacité du capital à dégager des profits par la pression sur les salaires, pensions de retraite et allocations qui ne suivent pas l’inflation et par des vagues de licenciements et suppressions de postes qui pèsent sur les conditions générales de travail. Empressement des États à poursuivre et amplifier des politiques d’austérité contre les classes populaires.
Aux États-Unis, c’est la campagne de Trump contre les couches les plus vulnérables de la population que sont les travailleurs immigrés sans papiers, mais aussi contre les travailleurs fédéraux, dont beaucoup sont chargés de faire fonctionner des services et des programmes essentiels : plus de 200 000 ont été licenciés et autant ont démissionné ou ont dû prendre leur retraite. Des pans entiers de la recherche scientifique et médicale sont démantelés, idem de l’enseignement et de la formation (1 300 employés du ministère de l’Éducation ont été licenciés et le ministère pourrait être supprimé).
En France, rien d’aussi brutal, mais c’est la marche sur un tempo qui s’accélère vers des coupes drastiques dans des budgets sociaux et services publics ; des attaques récurrentes contre les chômeurs.
Et évidemment, ailleurs dans le monde, dans un grand nombre de pays et régions, c’est le chômage et la misère, dramatiques et endémiques – entre autres dans les colonies de l’impérialisme français, anciennes ou actuelles.
C’est le quotidien de notre parti, dans les entreprises et les quartiers, d’encourager à lutter pour les salaires, pour l’emploi, pour les conditions de travail, pour des services sociaux et publics décents, avec la préoccupation de montrer qu’il s’agit de lutter contre une politique à multiples facettes mais concertée et de classe, contre laquelle il faudrait aller vers un front et une convergence des luttes. D’où les initiatives que nous avons prises ces derniers mois, à partir des points d’appui syndicaux ou politiques que nous (nos divers comités) avons cherchés (dans l’automobile, la chimie, des structures syndicales locales dont celles de l’Unef à Grenoble), pour que des travailleurs en lutte contre des licenciements et fermetures d’entreprise, nouent des liens et en appellent à d’autres pour une contre-offensive plus générale qui serait la condition d’un succès.
2. L’offensive du capital international contre les classes populaires se mène aussi tambour battant… pas au seul sens figuré. Elle affirme son volet militaire.
Le basculement d’alliance de Trump en direction de Poutine et le « lâchage » affiché de ses alliés (et néanmoins concurrents) européens – véritable électrochoc –, s’accompagnent d’une campagne de réarmement des États impérialistes européens. Des sommes colossales, dans le cadre d’un plan « Réarmer l’Europe » de 800 milliards d’euros pour ces quatre prochaines années, sont annoncées par les autorités de l’UE. Leurs montants, modalités et projections sont donnés dans le dossier de notre journal no 31 – avec des informations de nos copains d’Allemagne, d’Espagne et de Grèce. Autorisations de dépassement de budgets, échappant donc aux limitations de déficits à 3 % des PIB, qui s’ajoutent aux augmentations de budgets militaires des États. Des sommets se succèdent, à Londres ou Paris, orchestrés par Starmer ou Macron qui rivalisent avec la cheffe de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, pour prendre la tête de ce nouveau militarisme européen et de ce nouveau « quoi qu’il en coûte ». Nous dénonçons ces surenchères de budgets militaires, destinées à grossir les profits des marchands de canons et dividendes sur la mort. Les États-Unis restent de très loin les plus gros producteurs mondiaux, et leurs armements inondent l’Europe, entre autres, pour plus de 50 %. Les producteurs européens tentent de rivaliser avec ceux des États-Unis, et rivalisent aussi entre eux pour ces nouveaux profits. L’impérialisme américain, qui garde sa suprématie économique et militaire sur la planète, tente de résister par davantage d’agressivité aux impérialismes moins puissants mais qui le concurrencent, dont la Chine.
Nous dénonçons les risques de dérapages guerriers généralisés, de la part d’impérialistes qui ne fabriquent pas des armes pour ne pas s’en servir un jour (et des guerres sont déjà bel et bien présentes dans le monde). Et nous dénonçons la guerre sociale que les dirigeants des États impérialistes de l’UE, Macron en tête, ont d’ores et déjà déclarée contre les classes populaires, pour qu’elles se serrent encore un peu la ceinture, au motif que l’Europe serait sous la menace de Poutine.
Les puissances européennes réarment pour intensifier leur pillage impérialiste – pour avoir leur part dans le dépeçage de l’Ukraine aujourd’hui et d’autres pays, aujourd’hui aussi comme demain. Non seulement le militarisme prépare un avenir de guerres qui ne sont pas les nôtres, mais dès aujourd’hui il est une déclaration de guerre sociale contre la classe ouvrière.
De l’argent pour la sécu, pas pour les obus ! De l’argent pour l’hôpital, pas pour le Rafale ! Ni chair à canons, ni chair à patrons !
3. La nouvelle offensive contre les classes populaires, vraie « stratégie du choc » pour faire accepter l’union nationale derrière l’austérité
Ce contexte donne lieu à de nombreuses discussions dans les milieux de travailleurs et de jeunes. Pas simple de faire le lien entre ces questions de politique internationale et guerrière, et les questions de la vie quotidienne, qui sont pourtant liées. D’où l’importance d’analyses, pour passer à des initiatives. Pas simple de faire comprendre que Trump et Poutine ne sont pas prêts à autre chose qu’une « paix des cimetières », une « paix impérialiste » immanquablement prélude à une nouvelle guerre car basée sur le dépeçage du territoire et richesses de l’Ukraine et autres pillages ou dominations de zones dans le monde, à commencer par l’Afrique, où font rage les guerres au Kivu ou au Soudan.
Les mêmes qui parlent de « paix » continuent à soutenir des guerres ailleurs, en particulier au Moyen-Orient derrière Netanyahou et contre la Palestine (fin de la trêve et relance des massacres à Gaza, de l’offensive coloniale en Cisjordanie, des bombardements sur Beyrouth Sud… et ne parlons pas de l’ambition de Trump de faire de Gaza une Riviera). Sous prétexte d’aide à l’Ukraine, les États-Unis ont réussi (déjà avec Biden) à découpler les économies européennes de celle de la Russie, en particulier de son gaz. En tentant maintenant de « renouer » avec Poutine, ils cherchent manifestement à découpler la Russie de la Chine avec laquelle elle a amélioré ses relations… Et c’est encore et toujours la guerre commerciale autour des ressources énergétiques comme des armements.
Même si Macron reste viscéralement détesté dans les milieux populaires, l’idée circule pourtant que face à des dictateurs de la pire espèce, ces Trump et Poutine (et Erdoğan, Mileï, Orbán et tutti quanti) considérés comme quasi-fachos, une « Europe de la défense » serait une garantie de sécurité et de démocratie. Une véritable escroquerie : démocratiques, ces pays où le patronat licencie les travailleurs pour gonfler ses profits ? Démocratiques, ces gouvernements qui accusent les soutiens de la Palestine d’antisémitisme ? Démocratiques, ces pays où une candidate la mieux placée à une élection présidentielle peut avoir allégrement, elle et la mafia personnelle et politique qui l’entoure, piqué dans les caisses ? Et pas sûr encore que ça lui coûte l’inéligibilité.
4. Non, les impérialistes n’ont jamais fait le bonheur des peuples
À commencer par l’impérialisme français qui a toujours ses colonies et ses zones de domination économique et militaire ou policière dans le monde. Ambition et rapacité « cash » de Trump à dealer une paix en Ukraine avec Poutine, par le dépeçage et pillage de richesses du pays ; ambition inouïe à aller mettre la main sur le Canada, le Panama et golfe du Mexique, le Groenland ! À piller peut-être surtout les travailleurs – qui sont des milliards sur la planète – mais dont les vies peuvent être bouleversées par le possible changement de braquet de la guerre commerciale lancée par Trump, par le truchement de l’augmentation importante de taxes douanières. Les Bourses mondiales elles-mêmes s’en inquiètent mais les multinationales et plus largement tous les groupements capitalistes de la planète sauront récupérer leurs mises par une inflation généralisée qui retombera sur le dos des classes ouvrières et plus largement de tous les pauvres. Les revenus des travailleurs de nombreux pays (dont l’Argentine, la Turquie et bien d’autres), sont déjà minés par une inflation galopante. Tandis que les profits des plus grands groupes capitalistes mondiaux ne cessent de croître, et les dividendes de leurs actionnaires. Ce qui vaut à Trump et ses pairs de se rallier les faveurs politiques des gros industriels et fortunes des États-Unis mais d’ailleurs aussi (le PDG de Total, le PDG de CMA-CGM, par exemple). Les liens affichés entre gros capitalistes (dont les entreprises réalisent des profits en milliards à deux chiffres) et dictateurs fascisants de la planète marquent l’actualité. Les institutions de l’UE elle-même – qui n’ont jamais défendu les travailleurs – sont comme bien des États (dont l’État français), rongées par des partis politiques de plus en plus réactionnaires et d’extrême droite – et soumis à leurs pressions nationalistes et racistes.
5. À l’échelle internationale, partout des politiques offensives anti-migrants, entreprises politiques de division et diversion des bourgeoisies, derrière lesquelles elles espèrent masquer leur guerre sociale contre les travailleurs
Des États-Unis à la France, en passant par l’Allemagne, l’Italie et l’Inde, partout une répression anti-migrants sauvage, partout des assauts de nationalisme et de racisme, portés par des politiques d’États s’alignant sur les fantasmes de l’extrême droite, quand l’extrême droite n’est pas directement aux manettes (comme aux États-Unis, en Hongrie ou en Israël). Les médias informent et dénoncent largement sur ces agissements, internationaux et nationaux. Les campagnes contre les soutiens à la Palestine, sous prétexte qu’ils seraient antisémites, font partie de ces politiques pourries.
Travailleurs français, immigrés, mêmes patrons, mêmes combats ! Régularisation de tous les sans-papiers ! Libre circulation et ouverture des frontières !
(D’où notre militantisme en soutien à la Palestine et notre participation au collectif et initiatives de rue des Marches des solidarités – sur lesquels nous revenons pour la discussion sur la politique nationale).
6. Fin du monde, fin du mois, même combat !
Incendies en Corée du Sud. En France autorisation de pesticides réputés mortels (ou report à plus tard de leur interdiction ou limitation). Feuilleton fou de l’A-69, dont le chantier est largement avancé tout en étant contesté par la justice… ce à quoi Macron veut passer outre ! Et partout, de façon de plus en plus décomplexée, c’est le fric de l’agrobusiness qui trouve l’oreille des autorités. Avec chantage aux entreprises qui fermeraient ! Chantage aux capitaux qui s’évaderaient ! Et les climatosceptiques s’expriment, à la rescousse, avec de moins en moins de complexes.
7. Réactions, mobilisations, il y en a…
Malgré la rudesse des offensives des États impérialistes contre les classes populaires, celles-ci ne restent pas sans réaction. Des grèves, certes isolées ou journées à répétition, expriment le refus des travailleurs des multiples formes d’austérité et reculs sociaux. Elles marquent actuellement l’actualité sociale en Belgique. L’Allemagne en a connu aussi.
Des mobilisations plus importantes et récurrentes, contre des dictatures corrompues qui s’accrochent au pouvoir, continuent de secouer la Géorgie, la Serbie, la Slovaquie, la Grèce, et maintenant la Turquie… Nous renvoyons aux analyses de ces mouvements publiées sur notre site et dans notre journal. Par ces mobilisations dans des situations difficiles, la lutte des classes reprend ses droits… et avec elle, tous les problèmes politiques que posent ces mouvements, populaires, souvent très jeunes et regroupant des catégories sociales et horizons politiques différents.
Il est intéressant de voir comment face aux manifestations énormes qui ont secoué la Serbie, 300 000 manifestants à Belgrade le 15 mars contre la corruption d’un régime plus ou moins lié à la Russie (des manifestations antérieures avaient déjà fait démissionner un Premier ministre), aussi bien Poutine que Trump et les dirigeants de l’UE – en laquelle certains ont pourtant des illusions – appellent au calme. Comment pourrait émerger une politique d’indépendance de classe ? Il revient à l’extrême gauche révolutionnaire, déjà en nouant le maximum de liens, d’y aider. D’où certainement une discussion sur les « débouchés » institutionnels traditionnels que propose la bourgeoisie pour faire rentrer les mouvements dans le rang : assemblées constituantes, référendums. Dans ce sens, nous n’utilisons pas aujourd’hui le slogan « Macron dégage ! », qui ne peut que prendre un sens étroitement institutionnel en dehors de toute mobilisation, surtout lorsqu’il est accompagné de « à bas la Ve République », comme le font les camarades de Révolution permanente et du PT.
8. Urgence d’un pôle des révolutionnaires, internationaliste
Nous saisissons toutes les occasions d’affirmer une politique internationaliste, contre les protectionnismes anti-ouvriers, contre les bruits de bottes qui les accompagnent ; toutes les occasions aussi de nous mobiliser en soutien à la Palestine, à celles et ceux qui luttent dans le monde. Et nous cherchons toutes les occasions de liens internationaux, pour tenter d’analyser et prendre des initiatives ensemble.
Une prochaine « conférence de Milan » se tiendra à Paris à la mi-mai, organisée avec Lotta Comunista et quelques autres groupes italiens et proposée à de très nombreux courants, nationaux ou internationaux. Lutte ouvrière a refusé de participer et nous le regrettons, car c’est évidemment un groupe révolutionnaire dont l’ancrage dans la classe ouvrière est important. RP n’a rien répondu à ce jour.
Un camp internationaliste aura lieu cet été avec les groupes qui nous sont historiquement les plus proches.
Nos RER auront lieu aussi, leur troisième édition, auxquelles sont invités et seront présents bien d’autres groupes révolutionnaires de divers continents.
Les efforts que nous faisons pour avoir une politique internationale sont conséquents, mais essentiels.
Situation intérieure
9. Les déclinaisons nationales de la marche à la guerre : Macron se met en scène, l’industrie française est sur les rangs
Macron se fait le champion de l’Europe de la défense, et joue des coudes avec le Premier ministre britannique Keir Starmer, à la tête de l’autre puissance nucléaire européenne. C’est à qui invitera le premier Zelensky, pour lui promettre une aide militaire face au lâchage des États-Unis. Macron vient de lui promettre deux milliards d’euros d’aide militaire et a réuni à l’Élysée le 27 mars des délégations européennes qui mettraient en place un hypothétique déploiement de soldats européens en Ukraine, baptisé « force de réassurance »… À travers cette politique, il se fait surtout le champion de l’industrie française de l’armement, annonçant que la part du PIB consacrée aux dépenses militaires passera de 1,9 % à 5 % du PIB. Un budget de 68 milliards d’euros est prévu pour 2030, soit deux fois plus qu’en 2017. Les grands patrons de l’armement, Thales, Safran et autres Dassault, se frottent les mains, alors que la France est déjà le deuxième exportateur d’armes au monde.
10. Comment axer notre propagande et nos discussions face à ce rouleau compresseur ?
Les bruits de bottes et menaces de guerre agitées par le gouvernement, préoccupent une part importante de la population, notamment la jeunesse, qui n’a aucune envie de se voir enrôler. Les réactions que nous avons ici et là dans les facs ou les lycées montrent que les discours militaristes peuvent être un nouveau facteur de politisation et de révolte, face à l’avenir promis par cette société. Il faut rappeler que la guerre fait partie du monde capitaliste, et que la population de nombreux pays dans le monde la subit tous les jours, en Ukraine, en Palestine, en RDC, mais aussi dans des pays dont les médias français parlent très peu, comme le Soudan ou l’Éthiopie. Les États et les armées ne sont pas là pour défendre les populations, mais pour défendre les capitalistes et les intérêts des différents impérialismes.
11. Expliquer que dans l’immédiat, c’est la guerre sociale qui est déclarée
Face à une fraction de la classe ouvrière qui peut, comme nous en avons les échos dans certaines entreprises, ressentir une certaine admiration pour Trump ou Poutine, ou peut manifester un désintérêt pour les questions internationales, affirmant qu’il faudrait déjà s’occuper des problèmes de la France, nous pouvons argumenter sur le financement de tous ces milliards subitement promis à la défense nationale : ce sont de nos poches qu’ils comptent les sortir, pas de celles des milliardaires. Les attaques sociales vont s’amplifier, comme en augure le « conclave » sur les retraites : bien loin d’un aménagement de la réforme Borne sur les 64 ans, les débats sur un nouveau report de l’âge de départ, avec l’horizon 70 ans comme au Danemark, ou la retraite par capitalisation, refont surface. La guerre sociale est déclarée, et il va falloir y riposter.
12. Continuer à dénoncer la xénophobie, qui est comme toujours, une tactique pour faire diversion et diviser les exploités
Pour éviter toute contestation, la tactique du gouvernement ne se résume pas aux bruits de bottes, mais continue à faire diversion avec toutes sortes de polémiques, dans le but de diviser la population et de courir toujours plus vite vers l’extrême droite. Le battage anti-Algériens a donné lieu à toute une surenchère raciste sur le thème de l’expulsion des « étrangers criminels », avec des relents de colonialisme à travers la confrontation avec le gouvernement algérien. La violente évacuation des jeunes exilés réfugiés à la Gaîté-Lyrique est une autre et toute récente illustration de ce racisme d’État. Retailleau et Darmanin se relaient dans les médias de Bolloré pour s’en prendre aux « wokistes », « indigénistes » et autres « décolonialistes », agiter le thème du « racisme anti-Blancs » ou des femmes voilées dans le sport, réclamer plus d’OQTF, interdiction des « mariages mixtes »… L’accumulation donne la nausée. Enfin, ils continuent avec zèle à participer à la dédiabolisation du RN, qui se fait désormais le chantre de la lutte contre l’antisémitisme. Retailleau, invité sur CNews le 25 mars dernier, affirmait ainsi que l’agression du rabbin d’Orléans était le résultat d’un « antisémitisme d’atmosphère », imputable à l’islamisme et à l’extrême gauche. Il faudra voir quel effet a la condamnation de Marine Le Pen et son inéligibilité dans nos milieux d’entreprise. Les milieux d’extrême droite peuvent y voir un nouveau complot, mais les premiers échos des discussions montrent que de nombreux salariés disent que le RN est un parti comme les autres, qui pique dans la caisse. En effet, le RN se prétend « anti-système » mais sait utiliser tous les rouages de ce système pour en profiter et s’enrichir. Il n’est pas différent des autres partis, car c’est un parti bourgeois, un parti des riches, qui fait de la démagogie vis-à-vis d’une partie de la classe ouvrière mais renie ses quelques vagues promesses sociales à la première occasion. La complaisance envers Le Pen, affichée par de nombreux représentants politiques à l’occasion de sa condamnation, notamment par le Premier ministre, illustre bien le fait qu’ils sont « tous les mêmes » : par crainte d’être eux aussi condamnés, par respect pour une démocratie où seuls les plus riches peuvent se présenter ! Les « pudeurs » de Mélenchon, qui réclame que la main soit laissée aux « électeurs » et non aux juges, et que Marine Le Pen elle-même a relevé dans les arguments pour sa propre défense, contribuent à donner l’image d’une « classe politique » qui se serre les coudes.
13. La gauche réformiste n’a rien à proposer, elle accompagne même ce glissement vers la droite et le militarisme
Face à ce climat irrespirable, ce n’est pas la gauche institutionnelle qui va relever le niveau : Hollande s’en prend à ceux qui critiquent la politique de l’État d’Israël, accréditant l’idée que l’antisionisme est un des visages de l’antisémitisme, et le reste du Parti socialiste n’est pas en reste pour alimenter la polémique accusant LFI d’antisémitisme. Tout cela s’est emballé de manière indécente à l’occasion de l’affaire de « l’affiche Hanouna », dont LFI a eu du mal à se dépêtrer à cause de ses justifications foireuses. Derrière cette campagne contre LFI, ce sont toutes les prises de positions qui condamnent le massacre à Gaza qui sont visées, pour criminaliser les mouvements de soutien à la Palestine. C’est une tendance lourde dans le climat politique actuel dont nous faisons nous aussi les frais, sur les réseaux sociaux mais également lors de nos activités.
14. Cette gauche institutionnelle, dont le seul but est le retour aux affaires gouvernementales, accompagne le glissement à droite du paysage politique, notamment en ce qui concerne la militarisation, et LFI n’y échappe pas. Ne parlons même pas du PS et des Écologistes, ralliés aux positions macronistes sur le réarmement. Hormis sur la question palestinienne, dans le cadre d’un positionnement qui comporte un certain courage, mais sans aucun doute aussi une dose d’opportunisme, LFI s’aligne elle aussi sur les discours guerriers et nationalistes. Mélenchon affirme ainsi sur son blog : « Les Français doivent se donner tous les moyens de garantir la sécurisation de toutes leurs nombreuses frontières dans le monde. Sur l’Oyapock et le Maroni, dans l’océan Indien et dans les Caraïbes, dans l’Antarctique comme dans le Pacifique, la France est-elle maîtresse de sa situation ? Je ne le crois pas. » Il défend l’industrie de l’armement, à condition qu’elle puisse se reconvertir dans le civil… Roussel ne se fatigue pas avec de telles arguties, évoquant lui aussi le « racisme anti-Blancs » cher à l’extrême droite, et la nationalisation de Vencorex, « indispensable pour le lancement de nos fusées et missiles français »… en phase avec Sophie Binet, qui entonne le même refrain.
15. Si le départ de la CGT du « conclave sur les retraites » est sans aucun doute vécu comme un soulagement par beaucoup de ses militants, il est la plus récente démonstration que sa direction n’a eu comme seul plan de bataille depuis des mois qu’un mix entre un suivisme sans pudeur à l’égard de l’attelage électoral du Nouveau Front populaire pour « vendre du rêve » sans la grève et des offres sans cesse renouvelées à l’égard du gouvernement et du patronat de « dialogue social ». Ce départ n’est d’ailleurs suivi d’aucune proposition d’un plan de mobilisations un tant soit peu à la hauteur de la situation, face à la provocation patronale sur la retraite à 70 ans mais aussi face à la vague de licenciements (300 PSE au bas mot, plus de 300 000 licenciements entre ceux déjà annoncés ou ceux à venir) que se prend de pleine face la classe ouvrière ou face à l’érosion de plus en plus dramatique des salaires et des pensions de l’immense majorité.
16. Après l’appel aussi inaudible que fugace lancé par Sophie Binet dans une interview au Parisien « à rejoindre la journée de mobilisation des retraités du 20 mars », pour dès le lendemain ravaler sa langue et ne même plus en toucher un mot, ni même des retraités tout court d’ailleurs, c’est l’intersyndicale de la fonction publique qui s’est payée une bonne dose de honte en appelant le 3 avril « à la mobilisation » sans grève ni manif mais pour « débattre ». Apparemment, les directions syndicales se croient sauvées par la date du 1er mai… qui ne demandera ni effort d’appel à la grève ni de réflexion si manif ou pas. Il est évoqué ensuite par la CGT la date du 5 juin… mais il faut savoir que c’est le jour où le PCF pourra utiliser sa niche parlementaire pour porter devant l’Assemblée l’abrogation de la réforme des retraites de 2023, bigre, on en tremble d’avance !
17. Rester l’arme au pied ce n’est déjà plus supportable pour des milliers de jeunes étudiants confrontés à la déclinaison concrète dans leur université des coupes budgétaires décidées dans les cabinets ministériels et avalisées par le budget Bayrou passé au 49.3
Depuis plusieurs semaines, à bas bruit, sans aucun relais médiatique national ni appui des directions du mouvement ouvrier, un mouvement de lutte se développe dans les facs, encore inégal selon les lieux d’études et fluctuant au fil du temps, mais incontestablement vivant et riche de potentialités. Rennes 2, Bordeaux, Lille, Paris Sorbonne, Nanterre, et bien d’autres… autant de rythmes de mobilisation et de nombre différent d’étudiants en AG, mais une détermination souvent identique, notamment face à la répression des autorités administratives ou policières et une envie de faire des liens avec la lutte contre le racisme, la militarisation de la société et l’envol des budgets militaires au détriment de ceux pour l’école et l’université. Les manifestations des 13 et 27 mars à Paris ont montré un accroissement du nombre d’étudiants mobilisés. Le rôle dans cette mobilisation des camarades du NPA-Jeunes Révolutionnaires est non seulement très actif mais souvent essentiel. Nous sommes souvent les seuls à défendre une politique d’extension du mouvement par la grève pour permettre la massification des AG et des manifestations, en expliquant pour convaincre le plus possible les étudiants déterminés que les « blocages », peuvent aussi conduire à s’enfermer dans des logiques minoritaires s’ils ne sont pas couplés à la volonté de s’adresser à l’ensemble des étudiants et au-delà. L’appel étudiant à rejoindre la mobilisation des salariés de la fonction publique le 3 avril, malgré les limites de cette journée, et qui est à notre initiative, rappelle que défendre la convergence des luttes est d’une nécessité toujours vive. Un mouvement de fond de politisation et d’engagement dans la lutte se dessine dans la jeunesse scolarisée. La « génération Palestine » peut aussi sans doute se révéler « ni chair à patrons, ni chair à canons ». C’est un des points d’ancrage essentiels aujourd’hui de notre intervention politique. Le succès du dernier WEF mi-mars avec la participation de plus de 300 jeunes est un élément extrêmement encourageant dans ce sens.
18. Il y avait de fait beaucoup de jeunes dans les manifestations féministes du 8 mars, de même qu’il y en avait beaucoup dans les manifestations antiracistes du 22 mars
Notre rôle dans la manifestation parisienne du 8 mars a été repéré, à la fois par le cadre unitaire à qui nous avons fait prendre conscience de la nécessité d’empêcher Nous Vivrons et Némésis de se fondre dans le cortège, mais aussi par la police qui n’a pas hésité à charger notre ligne de SO… mais sans réussir à nous empêcher de manifester. La participation aux manifs du 8 mars a été bien plus forte partout que l’année dernière. Résister à l’offensive réactionnaire, aux relents masculinistes et homophobes exhalés par tous les puissants de ce monde capitaliste est apparu comme une nécessité. De même que ne pas laisser les Retailleau, Bardella, Le Pen, Valls et bien d’autres répandre leur poison raciste sans répondant a permis de mobiliser bien plus largement (y compris dans des petites villes) ce 22 mars que lors des précédentes journées de ce type appelées par « la marche des solidarités ». La mobilisation inattendue et massive des étudiants de la fac de droit de Rouen contre le racisme depuis trois semaines est symptomatique aussi de cette ambiance. Les collectifs de jeunes mineurs isolés continuent à s’organiser un peu partout dans le pays malgré l’expulsion de la Gaîté-Lyrique, des travailleurs sans-papiers se regroupent aussi. Nous avons participé activement à toutes ces mobilisations et à leurs cadres unitaires et nous y défendons la régularisation de tous les sans-papiers ainsi que l’abrogation de toutes les lois et circulaires racistes prises ces dernières décennies sans rien transiger.
19. Les 8 et 22 mars ont donné un aperçu, certes encore insuffisant mais réel, d’une certaine envie de reprendre la rue
La réussite de la mobilisation nationale du secteur social et médico-social le 1er avril, qui avait été prise à l’initiative des Rencontres nationales du travail social, dans lesquelles nos camarades du secteur jouent un rôle prépondérant, a montré que dans le monde du travail la disponibilité à la grève et à la lutte coordonnée existe. Cette mobilisation s’est construite autour du refus de la suppression des postes et des moyens après les 4 milliards de coupes budgétaires (ce sont 186 000 postes qui risquent d’être supprimés). Partout le 1er mai devrait être l’expression de cette envie de riposte sociale aux coups portés, à la fois par le caractère massif des manifestations mais aussi par la multitude des revendications qui devront y être portées : la défense des emplois et des salaires, le refus des guerres et de la militarisation, la lutte contre les oppressions et contre le racisme. Pour nous, ça doit être l’occasion de donner une certaine cohérence à tout cela : d’abord en trouvant un axe alliant question sociale à la guerre et aux budgets militaires. Ensuite, nous réfléchissons depuis plusieurs mois aux moyens de nous adresser à des milieux syndicalistes combatifs, y compris en vérifiant la possibilité de les réunir si possible d’ici la fin de l’année scolaire, pour que s’exprime une opposition, désormais à la politique d’accompagnement du militarisme et au souverainisme des grandes confédérations syndicales, qui prétendent répondre à l’actuelle vague de licenciements par une illusoire génération d’emplois liés à l’industrie d’armement.
Nous nous appuyons sur la mobilisation et la grève nationale du social qui ce 1er avril a proposé de prolonger et élargir la mobilisation et la grève à la mi-mai. C’est l’occasion de partir d’une réalité concrète pour défendre la perspective de regrouper les bagarres et en finir avec la dispersion organisée par les directions syndicales.
20. Cela doit aussi être l’occasion de nous adresser aux autres courants de la gauche révolutionnaire pour leur proposer des cortèges communs dans les manifestations du 1er mai avec la mise en avant de mots d’ordre collant à la situation (à la fois internationalistes, contre l’extrême droite et d’opposition aux politiques patronales, contre la guerre et l’union nationale, pour une intervention indépendante de la classe ouvrière sur ses propres revendications). Autant d’occasions de remettre en avant la nécessité du pôle des révolutionnaires.
21. Nous devons mobiliser pour nos prochaines échéances de parti (les prochains stages de lecture jeunes, les fêtes régionales, le camp d’été internationaliste, les rencontres d’été révolutionnaires…) comme autant d’échéances pour populariser notre orientation et renforcer notre capacité d’intervention dans la lutte des classes.
Résolution adoptée au Conseil Politique National du NPA-Révolutionnaires des 5 et 6 avril 2025