Nos vies valent plus que leurs profits

« Sans nous, les hôtels ne fonctionnent pas ! »

C’est avec ces mots et l’œil espiègle que Toñi Milla, femme de chambre à Grenade depuis plus de 30 ans, sort ce mardi 15 avril de la rencontre avec les patrons de l’hôtellerie de la ville.

Il faut dire qu’avec ses collègues et son syndicat, le CSTA (Coordination syndicale des travailleurs et travailleuses d’Andalousie), ils ont mis un sacré coup de pied dans la fourmilière des patrons d’hôtels de la ville, qui héberge l’un des monuments majeurs de l’architecture arabo-musulmane : L’Alhambra. Les patrons aimeraient bien comprendre d’où vient ce pic de combativité dans le secteur et cela depuis plusieurs mois. Mais aussi, savoir qui sont ces femmes de chambre qui refusent de courber l’échine !

Toñi et ses camarades ont, en effet, décidé de regrouper les femmes de chambre des différents hôtels de Grenade, quels qu’en soient les propriétaires donneurs d’ordres : regrouper les forces, pour ne plus avoir à subir.

Le secteur touristique est florissant en Andalousie et encore plus à Grenade. La rentabilité des hôtels y a augmenté de 24 % ; le groupe Barcelo ou le groupe Hotusa (Eurostars) ont fait 300 millions de bénéfices en 2024. Pendant que les salaires des femmes de chambre, déjà particulièrement faibles, augmentent, eux, moins vite que le coût de la vie. Elles ont donc décidé de lutter car, comme elles le disent fièrement : « Sans nous, les hôtels ne fonctionnent pas ! »

Une semaine avant le 8 mars, dans un secteur particulièrement précarisé et féminisé, elles ont décidé de lancer une campagne rythmée par plusieurs rassemblements, collages et conférences de presse. Cette campagne s’articule sur trois axes pour mobiliser l’ensemble des femmes de chambre de la ville et sortir de l’invisibilisation imposée par un secteur particulièrement éclaté, face à des patrons qui eux mènent la même politique partout.

Le premier axe est le respect de la convention collective. Les patrons de l’hôtellerie ne la respectent pas et embauchent les femmes de chambre sous la convention du nettoyage, ce qui permet de les payer 300 euros de moins par mois. Plusieurs grèves et actions juridiques ont permis de stopper cette infraction manifeste dans plusieurs hôtels. Ces victoires ont permis d’enraciner des sections syndicales. Le second axe est le refus d’être payé à la tâche comme au XIXe siècle ou, ce qui revient au même, en fonction d’un ratio de chambres nettoyées. Le patronat local est d’ailleurs incapable de justifier la quantification de la charge de travail. Le troisième axe concerne la prise en compte de la pénibilité du travail en exigeant de pouvoir partir à la retraite à 60 ans, c’est-à-dire de manière anticipée. Là encore, elles le disent sans rire : si c’est possible pour les métiers liés à la tauromachie ou à la répression d’État comme la police et l’armée, ça doit l’être pour nous ! Après deux mois à l’intérieur et à l’extérieur des hôtels, cette campagne se conclura par la tenue d’une manifestation le 31 mai prochain sur la ville de Grenade.

25 avril 2025, Gaël Quirante