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Valls en Kanaky : la carotte pour les colons, le bâton pour les Kanak !

Christian Tein

Alors que les militants indépendantistes du FLNKS ont définitivement rejeté les accords de Bougival de juillet 2025, Manuel Valls, le ministre des Outre-mer – autrement dit le ministre des Colonies… – s’est rendu en Kanaky-Nouvelle-Calédonie pour orchestrer la mise en œuvre de ces accords. Le FLNKS, largement majoritaire parmi les indépendantistes, a refusé de s’asseoir à la table des discussions… Le Sénat coutumier, invité, est parti dès la deuxième séance de discussion. À peu de choses près, la situation ressemble maintenant à un tête-à-tête entre les représentants de l’État colonial et ses proxys loyalistes, à qui profitent lesdits accords.

Derrière la volonté affichée de dialogue, la trique coloniale

Pourtant, Valls fait mine de faire avancer le calendrier gouvernemental et d’aller vers la loi constitutionnelle supposée être présentée le 17 septembre… sous réserve qu’il y ait toujours un gouvernement à cette date ! Mais, comme l’affirmait Milakulo Tukumuli (président de l’Éveil océanien) : « Peut-on réussir un accord de décolonisation sans le FLNKS ? Je ne le crois pas. » Parions que Valls et le gouvernement non plus, d’où les efforts répétés du ministre pour arracher l’accord du FLNKS lors de rencontres bilatérales – en vain, ce dernier n’a pas fléchi, son président, Christian Tein, dénonçant l’illusion d’un assentiment de la part de son organisation… Il faut tout de même rappeler que l’État français, qui se pose en pacificateur, maintient Christian Tein et quatre autres leaders indépendantistes à 17 000 kilomètres de la Kanaky, dans l’Hexagone, où sont de plus placés en détention plusieurs dizaines de jeunes ayant participé à la révolte de l’an dernier. D’ailleurs, Valls a déclaré à propos de cette révolte que « l’État, cette fois, ne se laisserait pas surprendre ». Une déclaration à mettre en lien avec le renforcement de la présence policière dans les quartiers pauvres, où les tensions avec les populations kanak sont quotidiennes.

Les accords de Bougival : un marché de dupes

Pour rappel, les fameux accords de Bougival présentés le 12 juillet1 n’ont accordé que des mesures symboliques aux indépendantistes et des concessions pas du tout symboliques aux loyalistes. Ils prévoient entre autres la création d’un « État » de Nouvelle-Calédonie, dont la seule différence avec la situation actuelle serait une « nationalité calédonienne » en plus de la nationalité française et des représentations diplomatiques dans le monde… Pour le reste, on garderait la situation coloniale actuelle – en particulier l’État français continuerait à pouvoir envoyer ses flics et ses militaires comme bon lui semble et à contrôler justice et monnaie ! Dans le même temps, les accords voudraient intégrer au corps électoral plusieurs milliers de métropolitains, rendant les Kanak encore plus minoritaires sur leurs terres – c’était d’ailleurs cela qui avait fait éclater la révolte de 2023. De plus, ce projet fait la part belle aux velléités de partition portées par Sonia Backès, la présidente de la riche et blanche Province Sud, dont la représentation à l’Assemblée locale serait augmentée.

L’augmentation de la pauvreté kanak favorise le séparatisme des loyalistes

La situation matérielle des populations kanak ne cesse de se dégrader. Les plans de licenciements, comme ici, se multiplient, pendant que la baisse des allocations et la modification des conditions d’accès aux écoles visent à les précariser davantage. On assiste ainsi au départ d’un certain nombre de Kanak du Grand Nouméa vers leurs tribus d’origine pour tenter de trouver une subsistance dans l’agriculture vivrière traditionnelle et dans les liens communautaires – situation qui renforce les velléités séparatistes de Sonia Backès et de l’extrême droite loyaliste.

Valls et les intérêts capitalistes qu’il représente n’ont rien à faire en Kanaky et les Kanak pourraient bien le leur faire savoir dès la rentrée. Les populations kanak doivent trouver les travailleurs français à leurs côtés, contre cet État qui se tient derrière les exploiteurs et les oppresseurs, là-bas comme ici. La lutte des populations kanak mérite bien autre chose que des compromis pourris !

2 septembre 2025, Andréa Clau

1  Et que nous détaillions dans cet article : Kanaky : l’accord de Bougival fait la part belle aux colons d’extrême droite