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L’ouverture du rail à la concurrence voit le jour à Amiens sous une mauvaise étoile

Les nouvelles conditions de travail des « roulants » (conducteurs et contrôleurs anciennement SNCF) sont négociées dans la plus grande opacité alors que les sénateurs limitent le droit de grève au nom du service public. Ce service public dont ils ont anéanti les restes en votant ce qui est bien mal nommé « ouverture à la concurrence ». Le premier morceau a été transféré de la SNCF à… la SNCF. Un stratagème donc pour attaquer les conditions de travail des cheminots. « On ne gère pas une PME de 400 salariés comme un groupe de 150 000 travailleurs », soulignait un gestionnaire du réseau. Les filiales de la SNCF qui emportent les marchés sont des petites entités conçues pour restreindre le champ d’action et de revendication des salariés de secteurs qui se sont signalés par leur combativité ces dernières années.

« L’étoile d’Amiens » est l’une de ces petites entités, découpée plus ou moins arbitrairement, dont le centre correspond à la gare d’Amiens et les branches, les lignes de TER qui relient la ville de Picardie aux autres villes. Le matériel restera propriété de la région, loué par la région à l’entreprise gestionnaire. Il restera usé pour ne pas dire vétuste, mais pour le reste et surtout pour les cheminots, les choses changent :

– Plus de polyvalence. L’accord classification rémunération (2022), avait établi une nomenclature des tâches plus vague introduisant la polyvalence que la boite veut imposer au personnel. Un agent de contrôle ne sera plus un chef de bord mais « un agent de la relation client ». Ses tâches commerciales (vente de billets) ne sont plus circonscrites à l’intérieur du train ou à proximité du train mais couvrent tous rapports possibles avec les clients. À la moindre pause l’agent de contrôle sera sollicité pour assurer la billetterie…

– Moins de repos. Les agents de circulation n’ont pas de week-end car les trains doivent aussi rouler samedi, dimanche et jours fériés. En lieu de quoi ils profitent de repos périodiques, d’interruptions du travail pendant au moins deux jours. Jusqu’à présent l’arrêt de travail doit avoir lieu avant 19 heures la veille d’un repos périodique et la reprise ne doit pas avoir lieu avant 6 heures. C’est le 19-6. Les patrons veulent imposer le 21-4, c’est à-dire gâcher la soirée de fin de service et celle qui précède la reprise en poussant le travail jusqu’à 21 heures et dès 4 heures du matin.

– Moins de sécurité. La généralisation de l’EAS (équipement agent seul), c’est-à-dire des trains sans contrôleur pour assurer la sécurité en cas de panne ou d’accidents perturbés (dont on a toutes les raisons de craindre la multiplication au vu de l’état du matériel), de heurts entre voyageurs, de malaise, de rupture de correspondance… Les agents de contrôle hors du train ou en brigade récolteront les recettes par la vente ou la répression mais seront éloignés des tâches de sécurité, initialement au centre du métier. Le descriptif des tâches d’un contrôleur comptait 4 S (sécurité, sûreté, service et sauvegarde des recettes) ; dans la nouvelle nomenclature, le premier a été supprimé.

– Moins d’argent. Les découchés sont les nuits où les cheminots entre deux services crèchent hors de chez eux. Elles rapportent aux agents des primes qui complètent des salaires bien chétifs. La direction limitera à un ou deux découchés par mois au lieu des six à huit qui sont plus ou moins la règle aujourd’hui.

– Plus de pression. Le management incite les contrôleurs à contrôler davantage pour gonfler leur salaire par des primes de manière à ce que la base de calcul de leur futur salaire soit la plus haute possible. Mais ce sont les patrons qui décident des coefficients à appliquer ! Par contre, ce nouveau rythme de travail, lui, sera bel et bien enregistré par la direction qui pourra l’appliquer comme norme de travail par la suite.

Pour accroître l’exploitation, les dirigeants politiques, main dans la main avec les patrons du ferroviaire, sont prêts à dissoudre un puissant réseau centralisé en une poussière d’étoiles. Ce qui arrive à Amiens figure le futur prévu pour le reste du réseau. Mais dans cette guerre des étoiles, l’alliance des rebelles n’a pas dit son dernier mot.

Correspondant