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13-15 février 1945 : la destruction de Dresde

Il y a 80 ans, le bombardement de Dresde effectué en trois vagues successives par l’aviation anglo-américaine du 13 au 15 février 1945 a été l’un des plus meurtriers de la Deuxième Guerre mondiale. La stratégie adoptée faisait partie de l’opération « Thunderclap » (coup de tonnerre), le bombardement massif de villes en utilisant à la fois des bombes explosives et incendiaires.

Dresde, ancienne capitale de la Saxe, était surnommée la Florence de l’Elbe, et considérée comme l’une des plus grandes villes culturelles d’Europe. Sa population était de 630 000 habitants, auxquels s’ajoutaient environ 300 000 réfugiés et plusieurs milliers de travailleurs et prisonniers de guerre. Du point de vue militaire, la ville n’avait aucun intérêt stratégique, elle avait peu d’industrie et pas de caserne de la Wehrmacht, quelques semaines auparavant, les batteries anti-aériennes avaient même été déménagées. Pour la population de Dresde, la ville semblait donc assez sûre, ce qui explique aussi l’afflux de réfugiés dormant dans les parcs. D’ailleurs, le mardi 13 février, jour du mardi gras, un cirque donnait un spectacle pour les enfants.

Lors de la première vague, dans la nuit du 13 au 14 février, la Royal Air Force largue 460 000 bombes à grand pouvoir explosif, dans le but d’éventrer les bâtiments, en détruisant portes, fenêtres et toitures afin de favoriser la propagation de l’incendie créé par la deuxième vague des forteresses volantes américaines qui larguent, le lendemain, des centaines de milliers de bombes incendiaires. Pour finir, le 15 février, alors que la ville est presque entièrement détruite, un nouveau bombardement a lieu. Les bombardiers sont escortés de chasseurs qui, ne rencontrant aucune résistance, mitraillent les secours et les convois de rescapés qui tentaient de fuir.

Le nombre des pertes humaines est toujours controversé et impossible à établir avec exactitude, on a d’abord parlé de 250 000 à 300 000 victimes, mais en 2010 une commission d’historiens aurait évalué le nombre des victimes reconnues à environ 35 000 dont 25 000 identifiées, les autres étant impossibles à reconnaître car elles ont été carbonisées sous l’effet de la chaleur. La ville a brûlé pendant sept jours et l’incendie était visible à 150 kilomètres. Presque toutes les victimes ont été des civils, principalement des femmes, des enfants et des personnes âgées.

Ces bombardements n’avaient pas pour but de rapprocher la victoire sur le Troisième Reich, déjà vaincu et dont la chute était imminente. Il est bien connu que ce sont les vainqueurs qui écrivent l’histoire et les gouvernements alliés n’ont pas manqué de présenter le peuple allemand comme collectivement responsable du nazisme, alors qu’il en a été la première victime. Mais s’il n’était pas question pour eux de le « libérer », mais bien de l’écraser sous les bombes et de le terroriser, c’est avant tout dans la crainte que la haine de la guerre se transforme en révolte contre ses dirigeants et sa bourgeoisie, comme cela avait été le cas à la fin de la Première Guerre mondiale, qui avait provoqué une vague révolutionnaire en Europe.

Il s’agissait aussi d’une démonstration à l’égard de l’Union soviétique qui, une fois la victoire sur l’Allemagne accomplie, allait passer du statut d’alliée à celui d’ennemi principal, lors de la guerre froide imminente.

Non, le régime hitlérien n’a pas été le seul criminel de guerre. Six mois après Dresde, la bombe atomique était larguée sur Hiroshima.

Thierry Flamand