Alors que le flic meurtrier de Nahel vient d’être remis en liberté et récompensé par l’extrême droite d’un pactole de 1,6 million d’euros via une cagnotte en ligne, le film de Mehdi Fikri met à l’honneur le combat des familles de victimes contre l’impunité policière.
Un soir dans un quartier populaire proche de Strasbourg, une voiture de police : « contrôle d’identité, sortez vos papiers. » Karim n’en ressortira pas vivant.
Du meurtre, nous ne verrons rien. C’est à l’après que s’intéresse le réalisateur. En toile de fond se déploie toute la politique de l’État pour déconsidérer la victime et faire corps avec les policiers incriminés. Cause officielle de la mort de Karim ? Une soudaine crise d’épilepsie sans aucun antécédent. Des procès-verbaux sont dressés plusieurs jours après sa mort pour l’accuser de violences lors du contrôle d’identité, tandis que la presse ressort opportunément son casier judiciaire : de victime, Karim passe au statut de coupable. En instrumentalisant la volonté de la famille de faire son deuil, la justice cherche à lui rendre le plus rapidement possible le corps de Karim, histoire d’enterrer l’enquête avec lui en ne permettant aucune contre-expertise.
Mais la famille et les proches de Karim, Malika la grande sœur en tête, sont déterminés à ne pas se laisser faire. Le réalisateur assume avoir voulu faire un « film de combat » inspiré de la lutte menée par les collectifs des familles de victimes de violences policières, et notamment celui d’Assa Traoré suite à la mort de son frère Adama en 2016 lors d’un contrôle de police. Ces collectifs montés pour réclamer « justice et vérité » se heurtent frontalement aux institutions policière et judiciaire qui, chaque fois, font corps avec les policiers mis en cause. Lorsque les « bavures » se répètent encore et encore et que les policiers sont protégés par leurs pairs et la justice, les bavures n’en sont plus : c’est le fonctionnement même de la police qui est alors en cause.
Le film de Medhi Fikri suit donc au jour le jour le combat de Malika et de son frère Nour, joués respectivement par Camelia Jordana et le rappeur Sofiane Zermani, aperçus tous les deux dans les manifestations de ces dernières années contre les violences policières. La lutte est loin d’être facile, entre les dissensions familiales, le harcèlement policier quotidien ou presque, la lenteur décourageante des procédures judiciaires… Mais c’est la tête haute que Malika et sa famille se mobilisent, dans les tribunaux et surtout en dehors. Pour Karim, mais plus généralement, comme ils l’assument explicitement, pour l’ensemble des jeunes des quartiers populaires en butte aux violences policières et à l’impunité qui protège leurs auteurs.
Différents réseaux d’extrême droite se mobilisent sur les réseaux sociaux pour dénoncer le film de Mehdi Friki qui serait trop « engagé » : la preuve qu’il tape juste et une raison de plus pour se rendre en salle !
Boris Leto