Soutenir coûte que coûte Israël tout en évitant que la politique expansionniste d’Israël et la guerre de Gaza ne déstabilisent une région si riche pour ses ressources pétrolières et si importante pour le commerce mondial, tel est le souci des États-Unis, alors que Netanyahou vient, par sa guerre à Gaza, de faire en partie voler en éclat les accords d’Abraham que les États-Unis avaient parrainés entre Israël et nombre de gouvernements arabes.
Éviter que l’escalade guerrière d’Israël n’entraîne une multiplication des foyers de conflits armés est la tâche qui incombe au secrétaire d’État américain, Anthony Blinken, qui effectuait au Moyen-Orient, sa quatrième tournée des chefs d’États de la région du 6 au 11 janvier. Éviter une « métastase » du conflit, dit-il. À Ramallah, il était là pour estimer si l’on pourrait ou non confier la gestion de Gaza dans l’après-guerre à Mahmoud Abbas.
De la Turquie à l’Arabie saoudite, en passant par la Jordanie, et la Cisjordanie, il s’est rendu auprès de tous ceux qui, au moins par démagogie vis-à-vis des populations de la région qui se sentent solidaires des Palestiniens, manifestent une opposition au massacre en cours. Pour jouer l’apaisement, le chef de la diplomatie américaine a demandé à Netanyahou de mener la guerre de manière plus « humaine », dans le respect du « droit international ». Une politique meurtrière d’accord, mais plus discrète !
Vis-à-vis du président égyptien, le plus concerné tant par la crainte de voir arriver en Égypte des centaines de milliers de réfugiés fuyant Gaza que par les perturbations du trafic du canal de Suez, importante ressource pour son pays, Blinken a brandi l’argument qu’un rapprochement israélo-arabe serait la meilleure façon d’isoler l’Iran « et ses supplétifs qui causent tant de tort à peu près tout le monde dans la région ». En ligne de mire, la sécurité de la mer Rouge et les Houthis.
Car les paroles ne suffisent pas. Dès le début de la guerre à Gaza, les États-Unis avaient dépêché l’un de leurs plus gros porte-avions et toute une flottille attenante au large des côtes palestiniennes pour surveiller la région et menacer toute velléité de l’Iran ou du Hezbollah libanais d’intervenir dans la guerre menée par Israël à Gaza. En décembre, les États-Unis avaient mis en place une coalition militaire d’une vingtaine de pays, dont la France et le Royaume-Uni. Avec à la clé une flotte de guerre aérienne et navale destinée à protéger les navires de commerce empruntant la mer Rouge des attaques par drones et missiles de la part des Houthis, qui entendent bloquer les navires à destination d’Israël : plusieurs porte-containers ont été frappés, sans grands dégâts. Cette coalition dite des « Gardiens de la prospérité », c’est celle des pays riches donc, tout un programme !
Dans la nuit du jeudi 11 janvier et le samedi suivant, les aviations britannique et américaine ont effectué plus de 150 frappes visant des installations militaires ou des bases de radar, causant plusieurs morts.
De la part des Houthis, intégristes chiites soutenus par l’Iran, au pouvoir dans la capitale du Yémen, Sanaa, et dans la région nord-ouest du pays, il s’agit surtout de démagogie vis-à-vis de leur propre population face à son concurrent, le pouvoir rival, soutenu par l’Arabie saoudite, qui contrôle le reste du pays. Bien plus que d’un soutien aux Palestiniens.
Mais peu importe. Pour les dirigeants des pays impérialistes, on peut massacrer des dizaines de milliers de Palestiniens, mais on ne touche pas à une route commerciale par laquelle transitent 12 % du commerce mondial !
Olivier Belin
(Article paru dans Révolutionnaires, numéro 9, janvier 2024)