Vendredi 9 février, c’était jour de NAO à l’usine Simoldes Plasticos, à Onnaing dans le Nord. Dans cette usine, 400 ouvriers se relaient en trois-huit pour fabriquer des pièces de plastique qui sont utilisées dans l’industrie automobile et notamment par le grand donneur d’ordre de la région, Toyota. 80 % des ouvriers gagnent moins de 2000 euros mensuels.
La moitié des ouvriers sont portugais, recrutés au pays par leur « compatriote » Antonio Da Silva Rodrigues, patron de Simoldes. La misère dans laquelle s’enfonce le Portugal n’empêche pas celui-ci d’accumuler une fortune estimée à 1,4 milliard d’euros. Les Portugais venus à Onnaing sans femme ni enfant ni ami ne parlent pas français et cohabitent dans des appartements de location. Ils doivent envoyer de l’argent au pays et c’est pour ça que Simoldes les a fait venir : pour les exploiter durement, en misant sur l’isolement et la peur de ne pas « réussir » en France, pour annihiler la capacité à se défendre face à l’entreprise. La direction en profite aussi pour mettre la pression sur les ouvriers français en jouant sur la concurrence entre Français et Portugais. Mais si le patron comptait sur la division et la peur pour écraser les ouvriers, ce vendredi 9 février, il a pris une bonne claque.
Ce jour-là, la direction reçoit les délégués syndicaux dans ses bureaux situés à l’intérieur de l’usine. C’est la troisième réunion de NAO en deux semaines. Les militants ont préparé ce rendez-vous en tractant au sujet des propositions inacceptables faites précédemment par la direction, et les discussions ont été nombreuses entre travailleuses et travailleurs de l’usine. La direction présente une nouvelle proposition d’augmentation : 6 % du salaire moyen, calculé à 2205 euros brut, que les délégués rapportent sur le champ aux ouvriers réunis pour l’occasion. Face au mécontentement des travailleurs, la boîte doit faire une seconde proposition aux délégués… un poil plus élevée mais toujours inacceptable. Une soixantaine d’entre eux débrayent alors et une assemblée générale (spontanée) se tient. Dans cette AG, ouvriers portugais et français mélangés votent pour une revendication de 250 euros brut.
Face au refus de la direction, une grève commence. La soixantaine de grévistes monte un piquet de grève dans l’usine. À la fin de la journée, lorsque les équipes de nuit prennent leur service, la discussion convainc plusieurs dizaines d’entre eux de se mettre à leur tour en grève ; et le même schéma se répétera avec ceux des équipes du matin. La grève se poursuit toute la journée du samedi, et grâce au piquet, aux discussions, entraîne et se fait voir des hésitants. Conscient que la situation lui est défavorable, à minuit, le directeur vient fermer l’usine. Il met tout le monde dehors. Les grévistes déplacent le piquet devant l’usine et les non-grévistes rentrent chez eux.
Le lundi matin la centaine d’ouvriers mobilisés poursuit la grève. Battue, la direction convoque les délégués et cède sur la revendication de 250 euros brut d’augmentation ! Une victoire pour les grévistes, obtenue grâce au caractère massif de la mobilisation, et grâce à la peur qu’a eu la direction de voir que la stratégie de division entre Portugais et Français a volé en éclat en quelques instants.
Dernière (en date) fourberie du patron : le protocole de fin de conflit exclut les intérimaires de la hausse de salaire. La direction se met alors à affirmer qu’elle n’alignera pas les salaires des intérimaires sur celui des salariés de la boîte. L’inégalité de traitement que veut mettre en place la direction est illégale. La nouvelle fait parler dans l’usine : la question de remettre la pression par la grève est posée, y compris par des intérimaires alors qu’aucun n’avait pris part à la précédente. Aucune nouvelle ne filtre plus de la direction depuis qu’elle a annoncé sa décision. Tous les travailleurs de l’usine sont désormais dans l’attente de voir les fiches de paie des intérimaires qui tomberont début mars. Ils ont désormais conscience de leur force collective.
Correspondant