« L’ordre, l’ordre, l’ordre ! ». À défaut d’être subtil, le slogan de Macron a le mérite d’être clair. Après des mois de grèves contre sa réforme des retraites et des émeutes d’une ampleur inédite dans les quartiers populaires, c’est son tube de l’été. « La liberté n’est pas une frénésie de transgression » rappelait-il fin août à Bormes-les-Mimosas, sauf pour les patrons… libres de « disrupter » à leur guise pour aggraver l’exploitation capitaliste.
Politique anti-ouvrière et escalade autoritaire
De l’ordre et rien d’autre, voilà le programme pour la suite d’un second quinquennat mal engagé, que Macron, isolé et affaibli, répète à qui veut l’entendre. À ce qui lui reste de base électorale, réduite comme peau de chagrin après des mois de contestation de sa réforme des retraites. À la droite qui joue la surenchère réactionnaire et avec laquelle Macron cherche désespérément une alliance parlementaire. Au grand patronat également, qui enregistre grâce à sa politique des profits records… mais qui n’a pas l’intention de laisser le moindre répit aux exploités, dont la colère sourde pourrait se transformer en explosion sociale. Aux policiers, qui réclament que leur hiérarchie et la justice leur garantissent un « permis de tuer » dans l’exercice de leur sale boulot. Cela sonne aussi comme un avertissement à celles et ceux qui contestent cet ordre social de plus en plus insupportable.
Le durcissement autoritaire de Macron est la suite logique de sa politique anti-ouvrière. Une réponse musclée aux mouvements sociaux et aux révoltes qui se succèdent en réaction aux attaques patronales : Gilets Jaunes dès 2018, mobilisations contre la réforme des retraites en 2019 et en 2023, luttes écologistes, manifestations contre le racisme et les violences policières, jusqu’aux dernières émeutes des banlieues.
Macron et Darmanin peuvent toujours tenter de dissoudre des collectifs militants comme les Soulèvements de la Terre, pourchasser les migrants, interdire des manifestations sur les retraites ou contre le racisme (comme celles appelées par le Collectif Adama en juillet), envoyer le RAID et le GIGN contre les jeunes des quartiers populaires ou les faire condamner par milliers à de lourdes peines, mais rien de tout cela n’empêchera la contestation de grandir.
Car celle-ci est la conséquence directe de l’inflation galopante, des salaires en berne, des services publics rongés par le manque de moyens, des conditions de travail dégradées, c’est-à-dire de l’offensive que mènent le gouvernement et le patronat pour maintenir ou grossir les bénéfices du CAC 40.
L’épuisement de la démocratie bourgeoise
Même dans un pays riche comme la France où les mécanismes électoraux, les institutions parlementaires et les appareils politiques et syndicaux servent à canaliser la colère, la démocratie bourgeoise s’épuise à mesure que les inégalités progressent. Le pouvoir d’État se concentre et se durcit. Dernier symptôme de la crise politique dans laquelle le gouvernement se débat depuis le mouvement sur les retraites : la façon dont le gouvernement a dû obtempérer à la surenchère sécuritaire des flics malgré les provocations des syndicats policiers d’extrême-droite.
Macron a besoin de la police pour tenir sa promesse d’ordre et est prêt à lui faire bien des concessions, quitte à agiter la même rhétorique nauséabonde que le RN. Celui-ci en profite pour aller encore plus loin dans la surenchère raciste. Même engrenage avec Darmanin, qui a déclaré sa candidature au remplacement de Macron à coups de saillies nationalistes et, sur le plan répressif, la promesse d’annuler les « jurisprudences », manière de cibler quelques garde-fous démocratiques auxquels la bourgeoisie avait consenti jusqu’ici.
Le monde du travail a les moyens de stopper l’engrenage
Aussi limité qu’il soit, car la décision du Conseil d’État porte sur la forme et pas sur le fond, le revers subi par Darmanin et Macron dans leur tentative de dissolution des Soulèvements de la Terre montre que le durcissement autoritaire n’est pas une fatalité. Le Rassemblement national a condamné la décision : l’extrême droite soutient l’ordre des riches, des pollueurs, des multinationales et des banques. La gauche parlementaire, elle, a salué le Conseil d’État, cet institution antidémocratique et non élue, et s’est montrée satisfaite de cette « victoire » légale, comme si la dérive autoritaire pouvait être stoppée sans un rapport de force sur le terrain, dans la rue.
La dissolution de ce groupe écologiste est le complément nécessaire de la répression des militantes et des militants dans les entreprises. Cette violence de la bourgeoisie est sa réponse à l’explosion de la pauvreté qui fait face à l’explosion des profits d’une minorité. Voilà le cœur du problème que ne pourra régler aucune sanction, même réjouissante, obtenue sur le terrain juridique. Les tentatives de dissolution de groupes militants comme les Soulèvements de la Terre – et il y en aura d’autres – montrent l’urgence d’œuvrer au soulèvement de notre camp social pour dissoudre leur pouvoir.
A l’initiative de collectifs de familles de victimes et de syndicats, des manifestations contre la répression se tiendront le samedi 23 septembre prochain. Le NPA y appelle sous ses propres mots d’ordre.
Hugo Weil
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 4, septembre 2023..)