Les professeurs de l’école LEA-CFI entament leur quatrième semaine de mobilisation contre la fermeture des filières de bac pro dans trois des cinq campus d’Île-de-France, annoncée pour la rentrée prochaine.
Une formation modelée pour le patronat
L’école LEA-CFI, c’est 5 campus, 140 enseignants et plus de 3 500 élèves avec des formations industrielles, de maintenance véhicules et poids lourd, etc, du CAP au BTS principalement dont huit classes de bac pro. La plupart des élèves sont en apprentissage.
Si les entreprises participent (en partie seulement) à financer des formations par le biais des chambres de commerce et d’industrie (CCI), elles en veulent pour leur argent : que les apprentis soient présents et productifs. Le temps passé à l’école est souvent moqué comme un temps de vacances. Alors, ce temps d’école, autant qu’il serve à acquérir uniquement les compétences utiles sur le terrain, au mépris des matières générales. Le diplôme et la possibilité pour un jeune de faire autre chose, ne sont pas la priorité des patrons.
C’est pourquoi l’école privilégie les formations continues en entreprises dans lesquelles les apprentis fournissent une main-d’œuvre peu payée et où ils n’apprennent que les compétences nécessaires à un poste donné. Non seulement cela offre peu de perspectives d’évolution de carrière, mais plus grave, si leur secteur venait à ne plus embaucher, ou si un travailleur venait à se faire virer, il faudrait recommencer une tout autre formation pour pouvoir exercer ailleurs.
La conséquence directe des fermetures de bac pro, c’est que les élèves de CAP ne pourront plus continuer leur formation dans l’école et devront soit chercher une place dans un autre établissement, soit s’en tenir à un travail moins qualifié.
Ainsi, pour le directeur de la CCI, retirer les bacs pro, c’est « fai[re] évoluer chaque année son portefeuille de formations pour coller au marché, aux demandes des entreprises et à la capacité à recruter », et pour les patrons, c’est l’espoir de futurs travailleurs taillables et corvéables à merci.
Des enseignants en grève… et des apprentis grévistes !
L’annonce de la fermeture a entraîné un mouvement des enseignants depuis le 13 mars sur les trois campus concernés d’Orly, Jouy-en-Josas et Gambetta, avec occupation des locaux, journées de grève majoritaire et rassemblements devant le siège de la CCI.
Si le mouvement des enseignants s’essouffle, il peut compter sur l’énergie des apprentis qui ont compris qu’ils sont aussi victimes de ces décisions. Cette solidarité entre profs et apprentis a donné lieu à un premier blocage sur le site d’Orly jeudi 21, qui a directement entraîné une intervention policière : c’est le métier de gréviste qui rentre !
Après cette première expérience, d’autres apprentis ont remis ça le vendredi 29, cette fois sans réel blocage, pour éviter la police, mais un piquet bien visible, avec barrières, poubelles, voitures, etc. Les apprentis qui ont organisé le piquet se sont déclarés grévistes en cherchant à convaincre les autres de les rejoindre. Ce qui a été fait à la pause de 10 heures par une bonne partie des apprentis. Une prochaine journée de mobilisation est prévue pour mercredi 3 avril.
Pas sûr que la CCI et les patrons qui la financent apprécient de voir que les élèves de LEA-CFI n’apprennent pas que la mécanique ou l’électrotechnique mais aussi à s’organiser et à faire grève !
Correspondants
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 12, avril 2024.)