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Géorgie : manifestations démocratiques sur fond de tensions inter-impérialistes

Le 12 mai dernier, des milliers de manifestants ont à nouveau défilé dans Tbilissi, la capitale de la Géorgie, dans le Caucase Sud, pour dénoncer la loi sur « l’ingérence étrangère ». Des étudiants de plusieurs universités ont annoncé lancer une grève à partir du 13 mai, au retour des congés de Pâques.

Ce projet de loi, surnommée « loi russe » par ses détracteurs, est un indéniable instrument de contrôle antidémocratique. En effet, cette loi impose à toute ONG ou organisation médiatique recevant plus de 20 % de son financement de l’étranger de s’enregistrer en tant que « organisation poursuivant les intérêts d’une puissance étrangère ». Rien que ça ! Bien que le gouvernement prétende qu’il ne s’agirait que d’une loi visant à davantage de « transparence » sur la vie politique dans le pays, ses déclarations montrent bien un durcissement très clair dans le sens d’un régime toujours plus répressif. Ainsi, le premier ministre, Irakli Kobakhidze, a averti « tous les membres des groupes radicaux de l’opposition qu’ils devront répondre de leurs actes de violence devant la justice ». Le ministre de l’Intérieur a menacé en rappelant que « le blocage en groupe d’un objet d’importance particulière est passible d’une peine pouvant aller jusqu’à quatre ans de prison ». Pour qualifier ses opposants, ce gouvernement utilise le même champ lexical que Poutine et ses amis en Russie, parlant de « satanistes », de « libéral-fascistes »… Une rhétorique complotiste bien connue de ces gouvernements d’ultra-droite.

En face, beaucoup de manifestants, souvent issus de la jeunesse scolarisée, certes pas parmi les plus défavorisés du régime, brandissent le drapeau européen. Depuis les premières manifestations de ce mouvement, qui remontent à presque un an, ils ont reçu le soutien très actif de la présidente du pays, Salomé Zourabichvili. Cette femme politique à l’origine française, naturalisée géorgienne en 2004 alors qu’elle était ministre des Affaires étrangères sous la présidence de Mikheil Saakachvili, est une proche de Macron, à qui elle a donné son soutien pendant la campagne présidentielle de 2022… C’est une farouche opposante au rapprochement avec la Russie, elle défend l’adhésion de la Géorgie à l’Ukraine et à l’Otan et dénonce le gouvernement d’Irakli Kobakhidze comme « néo-soviétique ».

Pourtant, ce dernier continue officiellement de clamer qu’il veut rejoindre l’Union européenne. Bruxelles, qui condamne officiellement le projet de loi, n’a pas fermé la porte : les dirigeants européens ont listé douze « recommandations » à satisfaire pour que le dossier d’adhésion soit réexaminé. Le parti du gouvernement, le « Rêve géorgien », se dit favorable à une économie libérale et à un rapprochement avec l’Otan et l’Union européenne. Son dirigeant, Bidzina Ivanichvili, est un homme d’affaires milliardaire, propriétaire de plusieurs sociétés d’ordinateurs et de téléphones, ainsi que de la banque Rossiysky Kredit. Sa fortune personnelle est estimée à 6,4 milliards de dollars, ce qui représente l’équivalent de 46 % du PIB de la Géorgie. Ce capitaliste semble donc jouer double jeu, et vouloir s’assurer de la bonne volonté des Russes pour continuer à toucher ses parts de profit…

Car depuis le début de la guerre en Ukraine, la Russie a renforcé son ingérence en Géorgie, un pays dont elle occupe une partie du territoire depuis 2008, en Ossétie du sud et en Abkhazie. En janvier 2023, la Russie est devenue le premier partenaire économique de la Géorgie.

Les jeunes, les travailleurs et travailleuses, n’ont rien à attendre de ces dirigeants, qu’ils prétendent défendre la « démocratie » occidentale ou qu’ils s’opposent à « l’occidentalisation » de la société. Qui passent d’ailleurs d’un « camp » à l’autre ou gardent un pied dans chaque ! Les jeunes et les travailleurs ont mille fois raison de s’opposer au durcissement autoritaire du gouvernement, mais les dirigeants impérialistes de l’Union européenne qui, dans leurs pays, mènent des politiques anti-ouvrières, autoritaires et xénophobes, n’ont rien de bon à apporter !

Aurélien Perenna