Depuis plus de deux ans, la guerre provoquée par l’invasion de l’Ukraine par la Russie décime les peuples de ces deux pays. L’aide militaire et financière apportée à Zelensky par les États-Unis et les puissances de l’Otan, dont la France de Macron, aide tenue pour importante, n’a pas permis de repousser l’armée russe. Qui elle-même n’a pas fait basculer le pouvoir ukrainien, même si l’armée russe, depuis février 2022, a conquis 20 % du territoire ukrainien et continue à le ronger, après l’annexion de la Crimée et d’une partie du Donbass en 2014, qui remettait en question les frontières de l’État ukrainien indépendant de 1991. Cette guerre souligne les ravages du système capitaliste, quand ses protagonistes à la tête de grands États décident de porter leurs rivalités économiques et commerciales sur le terrain militaire. S’y sont ajoutés les massacres de l’État d’Israël contre Gaza, « La guerre n’est que la simple continuation de la politique par d’autres moyens », écrivait déjà Carl von Clausewitz, stratège bourgeois prussien, au début du 19e siècle.
Troupes russes, hors d’Ukraine !
Poutine, représentant de l’impérialisme russe (certes de seconde zone par rapport à ceux des États-Unis et des vieilles puissances occidentales) a choisi d’envahir l’Ukraine voisine pour maintenir sa domination sur une vaste zone d’Europe et d’Asie qu’il estime sienne, au mépris des peuples et des travailleurs qui la peuplent et dont il a à maintes reprises réprimé les révoltes. L’économie russe a basculé en économie de guerre où environ 400 000 hommes sont sur le front, où les travailleurs subissent une exploitation forcenée, où toute opposition politique est bâillonnée, emprisonnée ou assassinée – grâce à quoi Poutine, à la suite d’élections factices, peut entamer un cinquième mandat de président. Cérémonie d’intronisation à laquelle a participé le représentant de la France de Macron.
Droit du peuple ukrainien à disposer de son sort !
Du côté ukrainien, la longue ligne de front mobilise quelque 200 000 soldats qui n’en peuvent plus, un front qui craque en de nombreux points sous le poids de l’offensive russe (menée actuellement contre Kharkiv au nord, non sans bombardements sur Odessa au sud). Le peuple ukrainien refuse légitimement de vivre sous le joug de l’impérialisme russe mais le poids de la guerre repose lourdement et avant tout sur les épaules des classes populaires. Droits des travailleurs et des syndicats bafoués, arriérés de salaire non payés dans les entreprises d’État, graves attaques contre tous les secteurs publics dont celui de l’éducation… et surtout nouvelle loi qui entrera en vigueur le 18 mai prochain, sur « la préparation à la mobilisation et la mobilisation », âprement débattue, qui oblige tous les hommes âgés de 18 à 60 ans à se rendre dans les centres de recrutement pour enregistrement. Or depuis des mois, des femmes se mobilisent pour que leurs maris ou fils ne restent pas sur les fronts, des hommes en état d’être mobilisés fuient le pays, ou tentent de le faire, pour échapper à la mobilisation, et, comme toujours, c’est dans les classes populaires qu’on trinque, qu’il n’y a pas de passe-droits, pas de fuite possible, dans un pays où les milieux étatiques et économiques sont réputés pour leur corruption. Un contexte dans lequel une politique indépendante de classe fait cruellement défaut.
Troupes de l’Otan hors d’Europe et de tous les continents !
Du côté des États-Unis et des puissances occidentales membres de l’Otan c’est le chaud et le froid à l’égard de l’Ukraine. Les États-Unis ont bloqué pendant des mois une nouvelle tranche d’aide, pendant que Macron, se rêvant général de l’UE (qu’il n’est pas et ses sorties ont été largement contestées ou moquées), déclarait en février qu’on ne peut pas « exclure l’idée d’envoyer des troupes occidentales en Ukraine ». Il réitère le 2 mai pour l’hebdomadaire The Economist que « Si les Russes devaient aller percer les lignes de front, s’il y avait une demande ukrainienne – ce qui n’est pas le cas aujourd’hui –, on devrait légitimement se poser la question », mais tempère le 11 mai sur X en disant « espérer qu’on n’aura pas à faire la guerre ». Campagne électorale oblige, les appels à la mobilisation ne sont pas trop porteurs de voix !
Efficacité ou pas de ce qu’il est convenu d’appeler « l’aide à l’Ukraine » des puissances occidentales (crédits, fournitures d’armes, à rembourser quand et comment ?), il est certain que la guerre en Ukraine a boosté les affaires des multinationales de l’armement, américaines au premier chef. Partout les budgets militaires sont en hausse, au détriment des dépenses sociales. Partout aussi les durcissements répressifs et accents militaires marquent les politiques. Sous prétexte d’aide à l’Ukraine, l’heure est à la militarisation au plus grand bonheur de marchands de canons, de pétrole et de gaz, de céréales qui en profitent pour faire flamber leurs prix. Les capitalistes amis de Poutine n’étant pas perdants non plus – bon nombre de leurs intérêts étant préservés y compris par leurs adversaires occidentaux… mais pas ennemis irréductibles !
Bruits de bottes et de rabibochage sur le dos des peuples
La guerre continue donc, même si depuis l’été 2023 et l’échec manifeste de l’offensive ukrainienne annoncée, diverses prises de position d’officiels occidentaux laissent entendre que le conflit aurait peut-être trop duré. D’où des rumeurs de négociations possibles en vue d’un gel du conflit en Ukraine – y compris à son détriment face à la Russie. Des déclarations récentes s’enchaînent, d’officiels du monde impérialiste, selon lesquelles il n’a jamais été question de détruire la Russie de Poutine, ni même « d’humilier » celui-ci comme avait tenu à préciser Macron dès le départ.
Car il y a un ordre mondial à préserver, qui passe avant des intérêts ou concurrences entre grands, plus localisés. C’est un fait que la Russie joue son rôle de pilier et gendarme de l’ordre impérialiste mondial, contre les peuples, en Asie centrale ou en Syrie, collabore au Moyen-Orient, entre soutien actif aux uns, silence complice face aux massacres à Gaza. Une trêve ou un gel du conflit ne serait probablement pas pour le mois ou l’année à venir, ou ne signifierait pas une baisse d’intensité de la guerre, chaque camp cherchant en prévision d’un deal à renforcer en sa faveur le rapport de force. Mais c’est dans l’air, un « sommet mondial pour la paix » aura lieu entre autres conciliabules les 15 et 16 juin en Suisse où sont invités le pape, la Turquie, la Chine…
Michelle Verdier, 14 mai 2024