La campagne européenne du gouvernement est lancée : chaque semaine, Gabriel Attal annonce d’un claquement de bottes une nouvelle volée de « mesures chocs », destinées à jouer des coudes avec l’extrême droite. En guise de choc, c’est surtout celui de la matraque qui résonne, visant à réprimer tel comportement supposé ou telle catégorie au sein des classes populaires… pour mieux épargner les politiques patronales et gouvernementales.
Le coup du lapin
La pénurie de médecins : c’est la faute de ceux qui ratent leur rendez-vous. Il faut donc taper par une « taxe lapin ». La baisse des financements publics pour la santé, alors que les besoins augmentent ? Les fermetures de lits et d’hôpitaux ? Les conditions de travail sont toujours plus déplorables faute d’embauches dans la santé ? Ne cherchez pas de prétextes, puisqu’on vous dit que c’est la faute des gens !
Les logements « accaparés »
La pénurie de logement : c’est la faute de ceux qui restent dans leur HLM quand leur revenu a dépassé le plafond. Un phénomène, largement gonflé, servi comme explication aux 2,4 millions de demandes de HLM en attente et aux 330 000 personnes sans domicile ! Il ne faudrait surtout pas chercher du côté de la chute vertigineuse de la construction de logements sociaux, du détournement du livret A au profit de l’industrie de guerre, ou encore des loyers qui s’envolent et des 3,1 millions de logements laissés vacants alors qu’une loi de réquisition existe. Puisqu’on vous dit que c’est la faute des gens !
Une jeunesse à encaserner
Quant aux jeunes, c’est leur violence qui pourrit la vie dans les écoles et les quartiers, surtout pas la misère, le chômage, la fermeture des services publics, le manque de moyens, d’enseignants ou de personnels. Qu’importe si le discours est éculé, resservi depuis des décennies à chaque émeute ou fait divers, pourtant à rebours des réalités mesurées. Ce qui crève les yeux serait plutôt la violence décuplée de la police : combien de lycéens se sont fait tabassés par des flics devant leur lycée ou dans leur quartier ? Mais qu’importe, puisqu’il faut justifier les délires autoritaires qui font fureur au gouvernement, il y aura toujours un fait divers à saisir !
Les services publics, trop chers
La dette dérape, répète Bruno Le Maire. Ses plans pour faire des économies amputent les budgets de l’Éducation, de la culture, de l’écologie, des transports… Les fonctionnaires de ces services utiles à la population sont accusés de coûter trop cher – alors que paradoxalement les concours de recrutement n’attirent plus au vu des salaires. Stanislas Guérini, ministre de la Fonction publique, a trouvé la solution : si pénurie il y a, c’est qu’il faut « lever le tabou du licenciement dans la fonction publique ». Pour embaucher, il faut licencier ? Comprenne qui pourra. Dans le fond, pour Le Maire, c’est encore la faute des gens, trop habitués à « la gratuité de tout pour tous ». Parole d’un ministre qui n’a pas dû faire ses courses depuis un certain temps !
La dette publique rapporte chaque années des dizaines de milliards d’euros en intérêts aux banques et institutions financières. C’est le carburant essentiel de leur spéculation. Cette dette a explosé à deux reprises dans les vingt dernières années. Pas pour financer des services publics mais pour venir au secours du patronat et avant tout aux plus grands groupes, lors de la crise financière ouverte en 2008, puis lors de la crise Covid. Et elle continue de se creuser avec les réductions d’impôts et niches fiscales pour les plus riches et les entreprises.
Les chômeurs, ces fainéants
La pénurie d’emplois : évidemment la faute à ceux qui n’en ont pas ! Ces chômeurs qu’il faut contraindre à prendre un emploi, n’importe lequel, en les plongeant dans la misère. Les travailleuses et travailleurs qui se battent aujourd’hui contre les licenciements, à PSA-Stellantis, Sanofi ou ailleurs, sont ceux que l’on accusera demain de fainéants qui ne veulent pas travailler.
Et les immigrés alors ?
Ils sont accusés de tout à la fois : chômage, bas salaires, insécurité, sexisme… même le racisme viendrait maintenant des immigrés. Un comble ! Le gouvernement et l’extrême droite se partagent la ficelle : les fractions les plus précaires des classes populaires sont toujours les plus faciles à pointer du doigt.
Ceux qui décident, les vrais responsables
Les accusateurs des classes populaires sont les mêmes qui se mettent aux petits soins pour le patronat, lui déroulant le tapis rouge des cadeaux fiscaux, subventions et autres marchés publics, compatissant pour ces pauvres milliardaires menaçant d’aller exploiter ailleurs si l’on n’accélère pas les attaques contre les travailleurs. Ce patronat contrôle tout et décide de tout dans cette société capitaliste. Il peut envoyer des centaines de travailleurs pointer au chômage, privés de revenus, alors même qu’il empoche des records de profits et de dividendes. Ce même patronat nous pourrit la vie par les bas salaires et le sous-effectif. Alors, comme ne dit pas un fameux proverbe chinois, « quand le gouvernement et l’extrême droite désignent le pauvre, le sage regarde qui se cache derrière leur dos ».
Maurice Spirz
(Article paru dans Révolutionnaires numéro 13, 25 avril 2024.)