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L’écologie dans les transports, c’est changer toute la société

Intervention de Clément Soubise, aiguilleur, candidat sur la liste « Pour un monde sans frontières ni patrons, urgence révolution ! » au meeting du 30 mai 2024 à Strasbourg

 

 

Fiers de vous présenter notre liste aux élections européennes. Pas qu’on pense qu’on va remporter de grandes victoires au Parlement européen (les victoires, ce n’est pas dans les parlements que ça se gagne, c’est dans les luttes collectives). Mais parce que monter une liste sans le soutien d’un Bolloré ou d’un Bouygues, n’est pas une mince affaire. Nous, on ne vit que de nos cotisations et si vous avez la télé, vous savez qu’aucune chaîne ne nous déroule le tapis rouge.

Mais c’est tout à fait normal. Par rapport aux autres candidats, disons qu’on n’a pas le profil pour le job. On n’a pas le profil pour postuler à la gestion de l’Europe capitaliste (c’est ça la véritable fiche de poste) :

• On est une liste composée uniquement de travailleurs (ouvriers de l’auto, postiers, conductrices de bus, cheminots…)

• On explique partout qu’on n’a aucune intention de respecter les règles du jeu, qu’on n’aspire pas à gérer les intérêts des capitalistes.

Si on se présente c’est même pour dire l’inverse :

• que c’est la société capitaliste, justement, qui est responsable des principales catastrophes auxquelles se heurte l’humanité.

• Et que, en conséquence, cette société, même si elle est la plus riche et la plus puissante qui ait existé dans l’histoire, est parfaitement incapable de régler les problèmes qu’elle pose.

Notre liste s’appelle « urgence révolution » parce que ces problèmes sont graves et qu’on n’a pas le temps. Et quand on parle d’urgence, il y a une chose qui vient tout de suite en tête, c’est l’urgence climatique.

On ne sait pas à quel point la planète continuera d’être habitable dans les prochaines décennies et c’est devenu, à juste titre, un sujet de préoccupation. Au point que tous les politiciens, jusqu’à l’extrême droite, sont obligés d’en parler un peu. En parler d’accord, mais que peuvent-ils réellement y faire dans le cadre de la société capitaliste et de ses institutions (y compris européennes) ? De toute évidence pas grand-chose d’efficace.

La grande mesure européenne pour répondre à la crise climatique, ce serait la fin des voitures thermiques en 2035. On fait des montagnes de cette mesure, décriée par une partie de la droite, encensée par les verts.

Mais si elle a été votée par le Parlement européen, au fond, c’est qu’elle ne s’oppose pas aux intérêts du patronat. « Contraindre » les constructeurs à ne produire plus que de l’électrique, c’est surtout leur donner des prétextes :

• prétexte à restructurer massivement, à supprimer des emplois massivement.

• prétexte à exiger et à obtenir des aides publiques (et on parle en milliards), pour faire face à la concurrence étrangère (et notamment chinoise) forcément plus pollueuse. Comme si aider l’industrie européenne, c’était aider le climat.

En réalité, si le bilan carbone d’un pays comme la Chine est moins présentable, c’est parce que les activités les plus polluantes y sont sous-traitées. Et ça ne va pas changer avec la voiture électrique. C’est précisément sur cette sous-traitance de la pollution que repose le business de la voiture électrique : des véhicules qui polluent moins à l’usage ici mais beaucoup plus à la production là-bas, là où on va éventrer des montagnes pour en extraire des métaux et terres rares, là où on va empoisonner des millions de mètres cubes d’eau. Si on ne regarde que les émissions de CO2, le bilan est un peu meilleur mais la voiture électrique telle qu’elle est produite et utilisée reste une catastrophe au même titre que la voiture thermique.

Le problème, c’est que les capitalistes sont comme Macron : ils « adorent la bagnole ». Et nous on peut difficilement faire sans. La voiture c’est la liberté. Avec une voiture je vais ou je veux, quand je veux… Ça c’est le mythe. La réalité, c’est qu’on utilise surtout nos voitures pour aller au boulot, donc pour aller où on nous dit, quand on nous dit et à nos frais.
Si la voiture libère quelqu’un, c’est le patron. Il n’a plus à s’inquiéter d’où on habite, d’où il nous fait bosser et à quelle heure. Il n’a plus à s’inquiéter de nos temps de trajet, qu’il ne paye pas. Il n’a plus à s’inquiéter de la flambée des prix de l’immobilier qui nous relègue loin des centres-villes, loin des centres économiques… il n’a plus à s’inquiéter de rien, car il n’est plus responsable de l’acheminement de sa main-d’œuvre.

Mais comment en vouloir aux automobilistes ? L’autre facette de l’hégémonie de la voiture, c’est une organisation irrationnelle des transports publics (et des services publics en général). On a fermé tellement de lignes ferroviaires que le réseau actuel, en nombre de kilomètres, est retombé à ce qu’il était à la fin du 19e siècle. Et sur les lignes qui n’ont pas fermé, ce sont les conditions de transport qui sont parfois dignes du 19e siècle. Vous pouvez demander à ceux qui circulent sur les lignes de Lauterbourg ou de Sarreguemines, ils vous en diront des nouvelles.

Évidemment, les transports en commun ne sont pas la solution à tout partout. Dans bien des endroits, pouvoir circuler en voiture est une question de survie (les Gilets jaunes se sont chargés de le rappeler au gouvernement). Donc il ne s’agit pas de bannir la voiture, mais de la penser dans un ensemble de solutions collectives, qu’un État devrait prendre en charge s’il voulait résoudre la crise climatique et s’il n’était pas seulement au service des bénéfices nets d’une minorité de parasites.

Mangez bio, prenez moins de douches, chauffez à 19… et roulez électrique… La litanie des fausses bonnes pratiques individuelles a l’avantage de mettre la responsabilité sur nos frêles épaules, mais elle ne règle rien. Il n’y a pas de solutions individuelles.

Le problème, c’est que les vraies solutions collectives contreviennent aux intérêts capitalistes. Et donc les institutions politiques ne les mettent pas en œuvre.

Vous le savez sans doute, Strasbourg est en train de devenir une zone à faibles émissions. D’ici 2028, la ville sera interdite aux véhicules polluants, c’est-à-dire aux voitures de pauvres. Et pour ceux qui n’auront pas réussi à se payer une Tesla d’ici 2028, l’eurométropole et la région Grand Est ont décidé de proposer une alternative, et pas des moindres : ils ont lancé le premier RER de province, le réseau express métropolitain. Un projet formidable sur le papier : 1000 trains de plus par semaine, des cadencements à la demi-heure… tout pour plaire aux cheminots.

Sauf que la mise en service, fin 2022, a été un fiasco total. La plupart des trains du Reme étaient supprimés, ceux qui ne l’étaient pas étaient en retard. Scènes de panique et crises de nerfs sur les quais. Une galère indescriptible pour les voyageurs… et pour les cheminots qui ont subi une dégradation très brutale de leurs conditions de travail.

Ce fiasco, la presse en a fait ses choux gras, mais il était prévisible. Parce que ceux qui ont organisé ça sont des gens « qui ont le profil ». C’est-à-dire des gens respectueux des intérêts du patronat.

• Pour faire réellement rouler 1000 trains de plus, dans un contexte où on en supprimait déjà 80 par jour faute d’effectif, il aurait fallu investir. Et donc faire payer le patronat local qui finance le TER. Le patronat était tout à fait d’accord pour le projet, pour augmenter l’attractivité de Strasbourg, son rayonnement économique… mais pas du tout d’accord pour payer.

• Et il y a un patron que ça arrangeait en particulier, c’est le mien : la SNCF. Pour la SNCF, le Reme était surtout la bonne occasion de faire de la productivité : produire 20 % de trains en plus sans embaucher ni recruter. La différence, dans la poche. Mais pour nous, la différence, c’était des cadences de travail intenables, c’était ne plus avoir même le temps d’aller faire pipi.

Vous vous en doutez, on n’est pas restés les bras ballants. On a organisé trois journées de grève. À ces occasions, on s’est retrouvé en assemblée générale, tous métiers confondus, et on a discuté du Reme, de son impact dans nos boulots, et de ce qu’il nous manquerait pour en faire quelque chose de bien. Il y avait des agents de maintenance qui étaient capables de dire combien de rames manquaient. Des travailleurs de l’aiguillage qui savaient exactement où il manquait une voie ou une aiguille. Des mécaniciens qui savaient, pour chaque type de train, combien de temps est nécessaire entre une arrivée et un départ… Ils savaient tout cela bien mieux que n’importe quel cadre dirigeant de la SNCF. On a aussi pris contact avec des associations d’usagers qui, de leur côté, trouvaient les failles dans le plan de transport bien mieux que n’importe quel élu de la région ou de la ville.

Quand on a mis bout à bout toutes ces analyses, on est arrivé à une critique du projet qui était bien plus sérieuse, concrète et étayée que le projet lui-même.

C’est tout à fait normal. Qui est plus spécialiste du chemin de fer qu’un cheminot ? Qui comprend mieux le plan de transport qu’un usager ?

On ne fait même pas un pari risqué en disant que les travailleurs, en tant que professionnels ou usagers, s’ils en avaient le pouvoir, sauraient organiser les transports de façon plus efficace et plus propre.

• Ce sont les travailleurs qui produisent et font tourner la société. Ils sont donc les mieux placés pour comprendre les enjeux et les besoins.

• Mais surtout, ils sont les seuls à y avoir intérêt. Quand une industrie pollue, nuit à la santé… elle nuit avant tout à la santé de ceux qui y bossent. Donc on a tous intérêt à être un peu vigilants aux produits qu’on utilise, aux gaz qu’on émet. Dans une entreprise, le seul qui a intérêt à faire n’importe quoi pour produire plus vite ou moins cher, c’est le patron. Le problème, c’est que c’est lui qui décide. Et c’est pareil à l’échelle de la société. Ce ne sont pas les riches qui prennent de plein fouet les conséquences climatiques. Ils ont les moyens de s’en prémunir… pour le moment.
Quoi produire, en quelle quantité, pour quel usage, avec quelle énergie, comment le transporter… ces questions sont fondamentales pour l’avenir de la planète (et même pour son présent). Mais dans la société capitaliste, ces questions ne peuvent pas être posées collectivement et démocratiquement. Elles sont le monopole de capitalistes privés qui sont motivés par la recherche du profit, pas par celle du bien commun.

Certes, on ne peut pas attendre que le capitalisme soit renversé pour avancer ces objectifs, mais pour que ça change, il faut que les travailleurs prennent la main. Il faut que nous nous mettions collectivement en situation de leur imposer nos revendications (sociales et climatiques), quitte, s’il le faut, à leur disputer le pouvoir. Ça implique aussi de l’imposer, par nos luttes collectives, aux institutions entièrement à leur service et incapables même de mettre un train devant l’autre. Personne ne pourra faire ça à notre place, c’est pour cela qu’on se présente aux élections, même si « on n’a pas le profil ». Pour incarner, et défendre haut et fort la perspective d’un pouvoir des travailleurs.

Si vous partagez cet objectif de lutte, votez pour notre liste, envoyez Selma et Gaël au Parlement européen pour qu’ils puissent leur dire en face.