C’est prétendument parce qu’ils seraient « morts pour la France », que le monde politique, présidents en tête, honore aux Invalides ou ailleurs les dépouilles des soldats de métier, morts pour avoir fait les sales besognes qui leur étaient commandées. « Ils sont morts pour nous tous […] pour la France, pour la protection des peuples du Sahel, […] pour la liberté du monde » disait Macron en enterrant, en 2019, treize militaires qu’il avait envoyés guerroyer au Mali.
Ce mensonge de la « défense », c’est celui de tous les politiciens, dont Fabien Roussel du PCF, critiquant ainsi la loi de programmation militaire de Macron : « Si nous sommes attaqués, nous devons avoir les moyens de nous protéger », or « en faisant le choix du nucléaire et en faisant le choix d’un porte-avions, le ministre de la Défense prévoit de retarder la modernisation de nos hélicoptères, de nos tanks, prévoit qu’il y ait moins de frégates alors que nous en avons besoin pour les territoires d’Outre-mer. » Fabien Roussel pensait-il déjà à la Nouvelle-Calédonie ? Même Mélenchon reste sur ce terrain quand, à l’occasion d’une grande démonstration en Méditerranée de la flotte occidentale, il s’offusquait en avril dernier, non de l’opération elle-même mais du fait que le fleuron de la marine française, « le porte-avions Charles de Gaulle passe sous commandement de l’Otan. Tristesse. Vassalisation affichée. »
En ce moment, c’est l’armée de métier que le gouvernement français envoie faire la guerre. À l’époque où, pour défendre l’exploitation coloniale face à des peuples entiers en révolte, tout particulièrement en Algérie, il a mobilisé un contingent de civils, il a connu quelques déboires du côté des insoumis, de ceux qui refusaient de partir contre plus opprimés qu’eux ou désertaient pour passer dans leur camp. Ils n’ont pas été nombreux à l’époque mais c’est vers ceux-là que penche le cœur du mouvement ouvrier révolutionnaire.
Cette armée française, encore mobilisée pour opprimer des peuples de pays pauvres mais riches en pétrole, lithium ou uranium, peut aussi se retourner contre les grèves et révoltes de travailleurs et de jeunes ici, comme elle est mobilisée en Nouvelle-Calédonie. L’exacerbation de la lutte de classe, voire le choix de l’armée française de s’engager dans des opérations extérieures (Macron ne prône-t-il pas un nouveau service militaire ? N’a-t-il pas envisagé d’aller guerroyer directement en Ukraine ?), imposent de réfléchir aux buts et moyens de notre antimilitarisme. Nous sommes antimilitaristes, mais nous ne sommes pas pacifistes. L’histoire a connu et connaîtra à nouveau des moments révolutionnaires où les travailleurs et les pauvres prennent les armes, et grâce au rapport de forces en leur faveur, font basculer l’armée dans leur camp. Ça s’appelle la révolution.
Selma Labib et Gaël Quirante
Cet article fait partie du dossier publié dans Révolutionnaires no 15.