NPA Révolutionnaires

Nos vies valent plus que leurs profits
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

Législatives 2024 : « tout le monde aime la police » ?

Marche organisée à Nanterre le 29 juin 2024 en hommage à Nahel, tué par la police un an plus tôt

S’il y a bien une chose sur laquelle l’ensemble des candidats de droite et d’extrême droite se retrouve dans ces élections législatives, c’est la nécessité de défendre « l’ordre républicain » contre les jeunes des quartiers populaires et la gauche « laxiste »… qui se réclame elle-même de la police et de la République.

L’arrivée massive de députés d’extrême droite peut accélérer le renforcement des moyens répressifs de l’État que Sarkozy, Hollande et Macron ont déjà bien développés. À l’opposé des discours du NFP, débarrassons-nous des illusions sur la « police républicaine » pour préparer nos propres forces1.

Face à la population, un appareil d’État toujours attentif

La droite des LR et l’extrême droite de Bardella font campagne contre les jeunes des quartiers populaires, contre les immigrés et étrangers qui feraient prétendument régner l’insécurité dans la société. Une fois au pouvoir, ils promettent la prison aux pauvres avec des peines planchers ayant pour but de condamner plus vite et même en supprimant des allocations aux familles de mineurs « récidivistes ». En somme, il s’agit de généraliser des politiques déjà initiées par Macron et Darmanin : ceux-ci ont déjà rendu possible aux préfets de couper les vivres aux familles « d’émeutiers » à la suite du meurtre de Nahel et des révoltes qui avaient essaimé le pays2.

Et l’extrême droite est elle aussi copiée par Gabriel Attal, pourtant « certifié barrage ». Celui-ci souhaite faire la guerre aux mineurs en instaurant des peines courtes et rapides pour les mineurs de plus de 16 ans (« atténuer l’excuse de minorité ») sur le modèle de la comparution immédiate qui enverra directement les jeunes en prison, à la manière des Gilets jaunes ou des jeunes révoltés en Kanaky. Pour rappel, dans les mois qui ont suivi l’occupation des ronds-points, plus de 1 000 Gilets jaunes ont été condamnés à de la prison ferme.

Grâce à ces mesures, les potentiels futurs gouvernements se préparent à réprimer les travailleurs en stigmatisant les « jeunes ». Derrière ce mot, ils désignent de manière ouverte les Roms, les Noirs et les Arabes, ciblés par les flics et militaires de l’État français depuis des décennies. Les macronistes, comme l’extrême droite, continuent la surenchère dans le recrutement de magistrats pour s’assurer que les « criminels » iront bien en prison. Attal promet d’embaucher 1800 greffiers et 1500 magistrats d’ici 2027. Avons-nous déjà vu une telle émulation dans le recrutement de soignants ? Bardella souhaite même doubler le nombre de juges et procureurs (!) et permettre à d’anciens flics un accès encore plus facile au poste. Une belle manière de faire encore plus de liens entre flics et juges et de donner davantage de poids à ces derniers.

Le renforcement du « permis de tuer » des flics par l’extrême droite, une menace contre tous les exploités

Pour se démarquer du gouvernement, l’extrême droite fait du « droit de tuer » des policiers son cheval de bataille, en prévoyant la mise en place d’une « présomption de légitime défense des policiers ». Mais celle-ci existe déjà !3 Les policiers ne sont presque jamais condamnés pour leurs meurtres, ils ont plus de chance de finir millionnaire qu’en prison ! En prévoyant de renforcer le « permis de tuer » des flics, l’extrême droite veut terroriser l’ensemble de la population. Ce serait à la victime de démontrer que le policier n’était pas en danger au moment d’utiliser son arme. Ce qui est d’autant plus difficile à démontrer quand on n’est plus de ce monde… et que la police se couvre elle-même à tous les échelons.

Le RN recrute ses cadres parmi les forces de l’ordre, à l’image de quatre de ses anciens députés, qui étaient auparavant instructeur, flic-retraité, actif ou ancien porte-parole de syndicats policiers. Les idées d’extrême droite pullulent dans la « police républicaine » : les trois quarts des flics actifs ont voté pour l’extrême droite à la Présidentielle de 2022. Il ne s’agit pas d’un vote d’énervement et le racisme des flics ne faiblit pas, élection après élection, malgré les appels du pied des macronistes ou de la gauche « pro-flics » qui étaient allés jusqu’à manifester avec la police en mai 2021. Ainsi, après avoir déclaré la guerre aux « nuisibles » et « hordes sauvages » à la suite des révoltes de juillet 2023, le syndicat policier Alliance prend violemment position contre le Nouveau Front populaire qui serait « anti-flic ». De quoi émouvoir Fabien Roussel du PCF, qui avait refusé de manifester contre les violences policières en septembre 2023 en expliquant : « Je n’ai pas envie de manifester en entendant “Tout le monde déteste la police”, ce n’est pas vrai et je ne partage pas ce slogan-là. »

Le Nouveau Front populaire aussi aime la police, sans réciprocité

En réalité, c’est tout le Nouveau Front populaire, jusqu’à l’aspirant député Philippe Poutou, qui se justifie devant l’extrême droite de ne pas être « anti-flic »4, jusqu’à retirer la mention même de « violences policières » de son programme, peut-être sous pression du Parti socialiste qui s’était déjà opposé à une commission d’enquête parlementaire dédiée au sujet en 2022.

Contrairement aux fantasmes de Marion Maréchal ou Julien Odoul qui clament partout que le NFP veut « désarmer la police », « libérer des dizaines de milliers de criminels », celui-ci se contente de quémander le retrait de lanceurs de balles de défense ou « grenades mutilantes » et de démanteler la Brav-M. Rien de très ambitieux, quand on sait que les autres Brav et la BAC5 resteront sur pieds et que, « police de proximité » oblige, le NFP veut déployer extrêmement rapidement de nouvelles équipes de flics destinés aux quartiers, c’est-à-dire aux « jeunes » tout en augmentant les effectifs de la police judiciaire.

La gauche institutionnelle ne réinvente pas l’eau chaude : loin de « désarmer la police » elle souhaite la « réarmer » politiquement, en faisant croire à une possible « police de proximité ». Une police à proximité politique du patronat ? Une police à proximité politique du « Nouveau Front populaire » ? Se réclamer du Front populaire c’est se revendiquer de l’État français et de son appareil de répression. Par exemple, des flics qui, en mars 1937 alors que l’idole de la gauche, Léon Blum, était président du Conseil, ont tué vingt ouvriers-mineurs à Metlaoui en Tunisie ou encore quatre jeunes ouvriers communistes et une ouvrière socialiste lors d’une manifestation antifasciste à Clichy.

Contrairement à celles et ceux qui défendent qu’une « autre police est possible »6, il faut rappeler que la police (comme l’armée) est d’abord et avant tout le bras armé de l’État et donc du patronat7. Sa raison d’être est de réprimer les victimes et révoltés de la société capitaliste.

Stefan Ino

 


 

1  Que dire, quand la gauche appelle à voter pour le « Premier flic de France » Darmanin…

2  https://www.lindependant.fr/2023/08/25/il-avait-pille-un-magasin-lors-des-emeutes-liees-a-la-mort-de-nahel-lenfant-condamne-sa-famille-expulsee-du-logement-social-11414100.php

3  C’est sous Hollande qu’est votée en 2017 la loi Cazeneuve, qui élargit la possibilité aux policiers de tirer en cas de « refus d’obtempérer ». D’après le Monde, le nombre de tirs dans ces circonstances est passé de 137 en 2016 à 202 en 2017, et cinq fois plus de personnes ont été tuées.

4  https://x.com/PhilippePoutou/status/1803504238515114191 « C’est pas parce qu’on dénonce les violences policières qu’on deviendrait anti-flics. D’ailleurs, heureusement, on a des policiers qui nous soutiennent. » Décidément, l’alliance avec des héritiers de Guy Mollet, François Mitterrand, et avec François Hollande et Emmanuel Macron permet enfin aux dirigeants du NPA-l’Anticapitaliste de réfléchir à voix haute sans être dérangés…

5  La « CGT Intérieur », acquise au NFP, cherche d’ailleurs à rassurer ses collègues : tout en tempérant certaines mesures, comme la mise en place d’un récépissé lors des contrôles d’identité : https://interieur-cgt.fr/actualites/que-dit-le-programme-du-nouveau-front-populaire-pour-la-police/

6  Comme le défend Amal Bentounsi, militante connue de la dénonciation des violences policières et candidate à la députation pour la France Insoumise, chez David Dufresnes, journaliste spécialiste du sujet.

7  https://npa-revolutionnaires.org/faut-il-reclamer-une-reforme-de-la-police/