Nos vies valent plus que leurs profits
Rechercher
Fermer ce champ de recherche.

En Martinique, « l’armée du ruban rouge » en lutte contre la vie chère

Depuis le 1er septembre, des mobilisations contre la vie chère s’organisent dans les départements-régions français des Antilles. En Martinique, des centaines de manifestants se rassemblent régulièrement devant les principaux hypermarchés de l’île et en bloquent l’accès avec des caddies vides renversés, vêtus de tee-shirts rouges, signe de ralliement du Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), un collectif qui s’est organisé récemment.

En Guadeloupe, le mouvement est moins fort mais il y a eu des actions les 1er et 8 septembre devant des hypermarchés Carrefour et Leclerc. Les manifestants dénoncent la cherté de la vie aux Antilles, où les produits alimentaires sont en moyenne 42 % plus chers que dans l’Hexagone, selon l’Insee. 7,99 euros le pack d’eau, 8,49 euros la plaquette de beurre, 11,85 euros le lot de papier toilette Lotus… les exemples de prix particulièrement élevés sur les produits de première nécessité sont légion. Comme le proclame un des responsables du RPPRAC : « nous avons les prix alimentaires de la Suisse, mais pas leurs salaires ! »

Prenant prétexte des barrages érigés par les manifestants et d’affrontements avec les forces de l’ordre venues les réprimer, la préfecture a imposé un couvre-feu sur les quartiers populaires et vient d’interdire les rassemblements dans quatre communes, Fort-de-France, Le Lamentin, Ducos et Le Robert, où se situent les principaux hypermarchés ciblés par la colère des manifestants ! Quant à l’État français, il envoie la CRS 8 sur l’île, la même unité spéciale de la police qui avait été déployée à Mayotte en 2023 durant l’opération « Wambushu ».

Ces mesures n’ont pas empêché la mobilisation de se poursuivre : samedi 21 septembre, dès 6 heures du matin, c’est le Carrefour Market de la ville du François qui était ciblé, la commune n’étant pour le moment pas citée par l’arrêté préfectoral d’interdiction des manifestations. Ce supermarché appartient au Groupe Bernard Hayot (GBH), également propriétaire des enseignes Euromarché, Décathlon, Monsieur Bricolage, ainsi que des principaux réseaux de distribution de voitures sur l’île. Un monopole hérité de l’époque coloniale, qui fait que des békés comme lui, descendants des colons, ont encore la mainmise sur toute l’économie des Antilles « françaises ».

Les élus, qui tentent de clamer la colère de la population par des « tables rondes » sur le coût de la vie, mettent en avant la suppression de l’octroi de mer. Cette taxe s’appliquant aux importations en outre-mer est un vestige colonial. Sa suppression serait certes la moindre des choses, mais elle ne suffirait pas à régler la question de la « pwofitasyon », l’exploitation outrancière, dont sont responsables les capitalistes aux Antilles : ce qui est en cause, ce sont les marges faramineuses qu’ils réalisent, bien protégés par le secret des affaires. Les Hayot sont à la tête d’une fortune de plus de 300 millions d’euros et Rodolphe Saadé, patron de la CMA-CGM devenu en 2023 la huitième fortune française, a le monopole sur le transport des conteneurs aux Antilles.

La population antillaise a bien raison de se mobiliser contre ces surprofits, liés tout à la fois à l’héritage colonial et au fonctionnement du capitalisme. Et dans l’Hexagone aussi, nous aurions de quoi nous mobiliser face au coût de la vie et aux bas salaires, en ’nous inspirant de leur lutte !

Lydie Grimal