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Ruffin – Mélenchon : les urnes en entier, pas à moitié

Ruffin-Mélenchon, c’est le divorce qui agite la rentrée politique de la gauche institutionnelle. Ruffin, qui bascule vers le PS et prône la respectabilité et l’apaisement, prétend défendre la classe ouvrière « blanche » de la « périphérie » et présente les tentatives d’implantation de la FI dans les quartiers populaires des grandes villes comme du « communautarisme ». Comme si les banlieues et les campagnes n’étaient pas la même population prolétaire mélangée ! Ruffin choisit la pente réactionnaire qui consiste à assimiler toute position antiraciste élémentaire comme une division des classes populaires, façon malhonnête de mettre sur le même plan le racisme et l’antiracisme. Il s’en explique, entre autres considérations, dans un livre titré Itinéraire (et sous-titré : Ma France en entier, pas à moitié), sorte d’autobiographie à valeur de programme.

Cependant Mélenchon et Ruffin sont loin d’être les tenants de deux lignes irréconciliables. En réalité, ils partagent beaucoup, à commencer par le terrain sur lequel ils placent leur désaccord. Car pour l’un et l’autre, il s’agit exclusivement de stratégie électorale. Ainsi, face à un délégué syndical en grève qui lui dit, en 2017, « Je ne vote plus. C’est par la rue que ça va se passer », la seule réaction que rapporte Ruffin est de déplorer la perte d’une voix… Les deux se posent, au fond, la même question : comment faire gagner la gauche dans les urnes, alors qu’à chaque fois qu’elle a été au pouvoir, c’était pour appliquer des politiques anti-ouvrières que la droite n’aurait même pas imaginé mener.

Ruffin s’est politisé contre le PS de Mitterrand et de Jospin, celui auquel participait d’ailleurs Mélenchon avant de le quitter en 2008. Ruffin reprochait notamment au PS d’accompagner les fermetures d’usines et se posait, lui, en défenseur de la classe ouvrière. Cela pouvait le rendre sympathique, même si sa seule perspective était (et est toujours) le protectionnisme. Il se vante d’ailleurs d’avoir imposé le thème à gauche. Mais cette fausse solution sur le plan économique coûte également cher sur le plan politique, car elle alimente l’idée que les différentes classes sociales auraient des intérêts communs au sein de la « Nation » (avec une majuscule comme écrit Ruffin). Patrons-ouvriers même combat ? Dans son dernier film, il met en scène Sarah Saldmann, l’avocate d’extrême droite pro-Netanyahou : c’est donc ça, « faire France ensemble » !

« Plus jamais le PS » disait encore Ruffin en 2016. Six ans plus tard, il applaudit quand Mélenchon offre aux socialistes la réhabilitation qu’ils n’espéraient plus, ces coalitions électorales de la Nupes puis du NFP sans lesquelles tous les sièges de députés de gauche deviennent éjectables. C’est la dure loi de l’arithmétique électorale : pour gagner la majorité dans les urnes, il faut rallier les électorats plus modérés. C’est d’ailleurs l’objet de la rupture entre les deux, Ruffin reprochant à Mélenchon de s’être laissé cornérisé à l’extrême gauche quand il faudrait, selon lui, se mettre au centre du jeu.

Ruffin regrette, en fait, que la FI ne soit pas déjà devenue le PS. Mélenchon, en bon fidèle de Mitterrand auquel Ruffin trouve au reste des « circonstances atténuantes », parie sur un radicalisme de façade pour accéder au pouvoir et, seulement une fois en place, se recentrer. Autant dire que ce débat sur la chronologie des renoncements ne nous fait pas vibrer… Nous sommes, de notre côté, plus proches de ce délégué syndical dont Ruffin réprouvait la conduite en 2017 : c’est par la rue que ça va se passer !

24 septembre 2024, Bastien Thomas