Témoignage d’un cheminot de Lille : « Dans les ateliers de maintenance comme dans d’autres services où nous sommes, ça discute assez peu de Barnier et tout ce cirque. Les collègues s’en foutent ou ne voient rien d’utile à s’intéresser à ça. ». Dans une entreprise de la chimie lyonnaise : « Aucune ambiance dans notre boite où les salariés ne se sentent pas concernés par ce qui se passe au niveau national ». Parmi des conducteurs et conductrices de bus de la RATP : « Sur la situation politique générale, ça discute pas beaucoup… ». Idem dans un bureau de poste parisien : « Rentrée bien particulière, désintérêt pour ce nouveau gouvernement, genre de ras-le-bol ».
On est loin de l’excitation des salles de rédaction des grands médias à propos du casting du gouvernement Barnier. On s’intéresse en revanche aux choses de la vie : « On rencontre un intérêt souligné quand on parle de l’affaire Pelicot », « une collègue était vachement contente de voir que l’édito du bulletin d’entreprise portait là-dessus, parce qu’il y en a besoin, surtout en ce moment »… Oui, beaucoup de réactions disant que c’est « fou », que c’est « dégueu », que « la société est pourrie » mais que « ça montre aussi que beaucoup de femmes ne parlent pas ».
Et puis on s’intéresse aux menaces sur l’emploi et les conditions de travail. Beaucoup d’inquiétudes sur des passages d’activités en sous-traitance, sur des situations dramatiques de sous effectif, sur l’introduction de la polyvalence ou sur des restructurations qui font craindre des licenciements ou des fermetures. Partout, la colère monte sur les cadences, sur les charges de travail qui deviennent insupportables. Et puis bien sûr de nombreuses discussions roulent sur les salaires, récurrentes, car ça ne peut plus durer…
Et pourtant, la date fixée par les confédérations syndicales pour une journée de grève et manifestations, le 1er octobre, n’est pas encore dans le paysage. Dans bien des ateliers ou bureaux, en ce 23 septembre, à dix jours de l’échéance, c’est l’absence de discussions sur cette journée, voire une certaine opposition à ces « dates routinières »… Il n’y avait « pas encore de tournée syndicale organisée sur la question, pas de tract ni autre communication »… « Ce sont les problèmes locaux qui dominent et on risque de zapper le 1er octobre »… Mais rien non plus n’a été sérieusement impulsé d’en haut à ce jour, de la part de confédérations qui ont surtout conçu cette mobilisation de rentrée comme moyen de pression sur le gouvernement Barnier le jour où il devait présenter son budget… finalement reporté au 9 octobre et remplacé ce jour-là par un discours de politique générale.
C’est sur un autre terrain qu’il revient à des militants de base, souvent des militants révolutionnaires, de chercher à rassembler et discuter de la préparation de cette journée interprofessionnelle. Car la multitude et la prégnance des problèmes locaux, des dégradations des conditions de travail et des salaires, variations sur de mêmes thèmes, en font des questions générales et centrales pour tous les travailleurs : interdiction des licenciements, partage du travail entre tous, augmentation des salaires, retraites et allocations, abrogation de la réforme des retraites mais aussi retour à la retraite à 60 ans et 37,5 ans de cotisation.
Bien au-delà des militants, des travailleurs sont sensibles et réceptifs aux aggravations des conditions de vie de leur classe ; conscients qu’on ne fera pas l’économie d’une réponse sur le terrain de la lutte de classe, quels que soient les espoirs ou illusions nourris par le NFP. Une vaste discussion collective s’impose, syndiqués et non syndiqués, pour l’élaboration d’un plan de bataille. Nous pouvons nous saisir de l’occasion du 1er octobre pour nous retrouver le plus nombreux possible dans la rue et nous faire entendre d’un Macron et de son nouveau Premier ministre, qui voudraient nous faire payer les 3000 milliards de déficit qu’ils ont creusé par leurs cadeaux au patronat. Mais surtout pour faire de ce 1er octobre un premier rendez-vous interprofessionnel dans la rue, pour discuter entre nous de la nécessité et des moyens de préparer la riposte générale nécessaire.
24 septembre 2024, correspondants