Depuis le 1er septembre, la mobilisation contre la vie chère ne faiblit pas en Martinique. Initiée par un collectif, le Rassemblement pour la protection des peuples et des ressources afro-caribéens (RPPRAC), le mouvement est aussi soutenu par les organisations syndicales. Lors de la journée d’action du 1er octobre, elles appelaient les salariés à se mobiliser contre la vie chère et pour des hausses de salaire. Un millier de personnes ont alors manifesté à Fort-de-France. Blocages de ronds-points, manifestations devant les supermarchés et les zones commerciales : tous les jours, des manifestants dénoncent que les prix sont bien plus élevés que dans l’Hexagone, notamment pour l’alimentaire, au moins 42 % plus cher selon l’Insee.
Lundi 7 octobre, la colère est montée d’un cran
La violence des CRS venus débloquer un rond-point à coups de flash-balls et de gaz lacrymogènes a mis le feu aux poudres. Actes de violence réitérés le mercredi 9 octobre à l’encontre des manifestants participant à une opération « île morte ». La venue de la CRS 8 sur l’île a été pour le moment la seule réponse concrète de l’État français à la colère de la population. Les compagnies républicaines de sécurité avaient été bannies de l’île après la mort de plusieurs civils lors des émeutes du « décembre noir » en 1959. Leur débarquement est donc ressenti comme une véritable provocation. C’est d’ailleurs une rumeur concernant l’arrivée de renforts de CRS qui a conduit à l’occupation des pistes de l’aéroport de Fort-de-France par plusieurs dizaines de manifestants le 10 octobre. Suite aux violences policières, des quartiers populaires se sont enflammés, des groupes de jeunes ont affronté les forces de répression. Le préfet a rétabli le couvre-feu déjà utilisé deux semaines plus tôt sur certaines communes, mais cette fois étendu à toute l’île. Ce qui n’empêche pas les barrages de continuer à se multiplier sur l’île. Barrages sur lesquels un objet est particulièrement plébiscité : le frigo… vide, comme un symbole des difficultés à le remplir.
La grève générale de 2009 dénonçait déjà la « pwofitasyon »
Les « tables rondes » de négociation sur les prix entre des représentants du RPPRAC, des syndicats, des collectivités locales, du Medef et de l’État n’ont abouti à rien. Lors de la quatrième table ronde vendredi 11 octobre, il n’a été question que de baisse de TVA et de suppression de l’octroi de mer pour 54 familles de produits. Cette taxe, s’appliquant aux importations en outre-mer est un vestige colonial et devrait être abolie. Mais elle est l’arbre qui cache la forêt : la cause essentielle de la vie chère aux Antilles françaises est la situation de monopole dont jouissent quelques groupes de la grande distribution : le groupe Parfait, Huyghues Despointes, le groupe Bernard Hayot (GBH), quelques familles descendant directement des colons esclavagistes, qu’on appelle les békés. Dans ces négociations, les élus martiniquais comme les représentants de l’État ne veulent pas mettre sur la table la question de leurs surprofits, les marges exorbitantes dont elles bénéficient, ce que la grève générale de 2009 dénonçait déjà comme de la « pwofitasyon ». Seul un puissant mouvement social de tous les salariés pourrait remettre en cause leur toute puissance, obtenir un contrôle des prix mais aussi les augmentations de salaire nécessaires.
Lydie Grimal