Vendredi 18 octobre, Cuba a connu une panne d’électricité géante qui l’a privée de courant pendant plusieurs jours. Les installations ne peuvent être correctement entretenues faute d’approvisionnement en pièces de rechange importées.
Le 22 octobre, plusieurs centaines d’habitants de La Havane sont descendus dans la rue pour protester. Le régime a répondu par des arrestations. Le président, Miguel Díaz-Canel, a réagi en déclarant que les manifestants « en état d’ébriété », troublaient « l’ordre public », et étaient « appuyés par les opérateurs de la contre-révolution cubaine depuis l’étranger ».
Un blocus qui dure depuis plus de 60 ans…
Depuis 60 ans, Cuba est confrontée à un blocus imposé par l’impérialisme américain, qui n’a jamais digéré de perdre cette île qu’il considère comme faisant partie de sa zone d’influence. Barack Obama avait commencé à desserrer l’étau, notamment en rendant légale l’exportation de médicaments vers l’île. Mais dès son arrivée au pouvoir, Donald Trump a mis fin à cette ouverture et durci l’embargo avec un nouvel arsenal de sanctions.
… aggravé par des réformes économiques pro-capitalistes
La révolution cubaine de 1958-1959 a entraîné la nationalisation des industries et des banques du pays, puis de pratiquement toute l’économie. Mais, malgré un mouvement de grève générale inédit en 1959, la classe ouvrière n’a jamais disposé d’organes indépendants. Fidel Castro, nationaliste petit-bourgeois qui voulait au départ assurer un peu d’indépendance à Cuba par rapport aux États-Unis, a été poussé plus loin qu’il le voulait par l’intransigeance des USA et l’hostilité virulente de la bourgeoisie cubaine.
Cuba s’est alors tournée vers l’URSS. Mais, à la chute de cette dernière, l’île s’est trouvée économiquement étranglée. Les années 1990, appelées « période spéciale », ont vu le PIB chuter de 35 % et la production industrielle des quatre cinquièmes.
Le gouvernement a alors adopté une série de réformes favorisant le secteur privé – ce que le régime appelle « diversification des formes de propriété ». Des mesures monétaires brutales ont été prises pour tenter de réduire les déficits publics. Raúl Castro a fait abandonner le principe « d’égalitarisme salarial » et a fait repousser l’âge légal de la retraite à 65 ans pour les hommes et 60 ans pour les femmes. En février 2021, le président actuel, Miguel Díaz-Canel, a annoncé une nouvelle vague de libéralisation. Cette année-là, 600 000 personnes, soit 14,5 % de la population active, travaillaient dans le secteur privé. Les inégalités ont explosé. Résultat : on estime que rien qu’en 2022, 320 000 Cubains ont fui, soit près de 3 % de la population.
Pour la mobilisation indépendante de la classe ouvrière
Ces mesures de remise en cause des acquis de la révolution de 1959 ont provoqué des réactions sociales auxquelles le régime répond par la répression. En 2021 déjà, avaient eu lieu de grandes mobilisations. Le gouvernement avait répondu, comme aujourd’hui, par des arrestations, qualifiant les manifestants « d’agents des États-Unis ».
Bien sûr, il faut avant tout imposer la levée du blocus imposé par les États-Unis. Mais la population travailleuse n’a aucun intérêt à la défense du régime actuel, pas plus qu’à se ranger du côté de la droite cubaine appuyée par l’impérialisme américain. La solution viendra de la mise en avant des revendications et des intérêts propres des travailleurs.
28 octobre 2024, Aurélien Perenna et Michel Grandry