Le sommet des Brics+ (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud, auxquels se sont ajoutés en 2024 l’Égypte, les Émirats arabes unis, l’Éthiopie et l’Iran) a réuni 34 pays fin octobre à Kazan, en Russie. L’occasion pour Poutine de mettre en scène l’échec des tentatives américaines de l’isoler sur la scène internationale.
Bloc contre bloc ?
Si le sommet de Kazan est incontestablement un succès d’image pour Poutine, il est loin d’avoir cimenté un bloc de soutien à l’invasion russe de l’Ukraine ou à l’Iran agressé par Israël. La Turquie, représentée par le président Erdoğan en personne, est membre de l’Otan. L’Arabie saoudite, dont l’adhésion aux Brics+ a été ratifiée l’an dernier, est loin d’être un opposant au système de domination des États-Unis au Moyen-Orient. L’Égypte aussi a fait acte de candidature, un allié sûr de l’impérialisme américain, qui maintient la frontière de Gaza hermétiquement close pendant le génocide. Modi, qui représentait l’Inde à Kazan, est lui-même un allié indéfectible de Netanyahou.
Ce n’est certainement pas un positionnement commun dans les deux conflits les plus chauds qui soude ce regroupement en formation, mais des intérêts sonnants et trébuchants à faire valoir face à la domination américaine.
Une alliance de puissances impérialistes et régionales émergentes pour réclamer une plus grosse part du gâteau
Les discussions ont essentiellement porté sur la question de la monnaie avec un objectif commun, celui de trouver des voies pour contourner les sanctions économiques que les États-Unis ont infligées à l’Iran et, de façon décuplée, à la Russie. Ces deux pays partagent ce même intérêt avec leurs partenaires commerciaux et ceux qui aspirent à le devenir, les pays producteurs d’hydrocarbures ainsi que tous ceux qui savent qu’ils pourraient être bientôt visés par des mesures de rétorsion similaires.
Les Brics+ regroupent aujourd’hui 45 % de la population de la planète et représentent plus du quart de la valeur nominale des richesses produites dans le monde. La Chine à elle seule pèse 65 % du PIB des Brics+.
Si tout le monde voit bien en quoi la Russie de Poutine peut tirer profit du sommet de Kazan, c’est bien Pékin qui est à la manœuvre dans la concurrence qui l’oppose aux États-Unis. Avec la crise du Covid et les guerres en Ukraine et au Moyen-Orient, la mondialisation s’est un peu fissurée. Pour l’instant en tout cas, la Chine en est à s’entourer pour tenter de forcer les États-Unis à amender un système monétaire incontournable et exclusivement à leur avantage – preuve que Washington reste incontestablement l’impérialisme qui dicte son agenda au reste du monde.
Toujours est-il que Le Monde diplomatique du 24 octobre souligne que, dans le communiqué issu du sommet, « le mot “inégalité” n’apparaît pas. En revanche, “marché de capitaux” figure vingt-six fois et le terme “investissement” quatre-vingt-neuf ».
Nulle trace de la moindre perspective pour affaiblir la domination du capitalisme ou soulager les peuples, mais plutôt la fondation d’un nouveau « repaire de brigands », comme Lénine qualifiait la Société des Nations, ancêtre de l’ONU.
29 octobre 2024, Raphaël Preston