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Journées d’action sans lendemain ou plan de lutte d’ensemble ?

Salon de l’auto : délégations des usines menacées devant la tribune

La journée syndicale d’action sur les salaires avait été fixée au 1er octobre, calée sur la date du dépôt prévu de la loi de finances à l’Assemblée nationale. La grève appelée par les syndicats CGT, SUD, FO et Unsa dans la santé a été fixée au 29 octobre pour coïncider avec la période prévue de débat sur le budget de la Sécurité sociale. Entre les deux c’est le 17 octobre que les travailleurs de l’automobile (constructeurs et entreprises sous-traitantes) sont allés manifester au salon de l’auto.

Il s’agit bien entendu de tout faire pour assurer le succès de telles journées d’action. Parce qu’elles peuvent être des étapes de la mobilisation nécessaire et que leur échec ne favoriserait évidemment pas cette dernière. Mais le calendrier syndical se calque sur le calendrier parlementaire – comme pendant le mouvement des retraites de 2023 – et n’appelle que chacun son tour, séparément, à la traîne des échéances politiciennes, comme si les directions syndicales laissaient les travailleurs dans l’attente de l’élection présidentielle dans deux ans, ou d’éventuelles législatives anticipées.

Or, selon la CGT, on est passé de 132 plans sociaux en mai à 180 aujourd’hui. Des dizaines de milliers de travailleurs sont menacés de perdre leur emploi : dans l’automobile, mais aussi chez tous les sous-traitants, des industries mécaniques à la chimie.

Il ne s’agit pas d’attendre neuf mois ou deux ans pour réagir ! Ni de donner des conseils industriels au patronat, comme Sophie Binet au Mondial de l’automobile avec son « petit » véhicule électrique « économique ». La seule réponse à la vague de licenciements en cours ou à venir, c’est d’œuvrer à créer un rapport de force qui permette de fédérer toutes les colères des classes populaires – et elles sont nombreuses ! Il faut donc un plan de lutte global contre les licenciements, et non entreprise par entreprise. Les travailleurs de plusieurs sites et secteurs ont montré au Mondial de l’auto qu’il était possible d’agir ensemble et de se coordonner. Car il faudra s’organiser pour en arriver aux manifestations régionales et nationales qui feront de la lutte contre les licenciements une question politique incontournable. C’est, à chaque étape, en mesurant leur nombre et leur impact, que les travailleurs peuvent apprécier leurs chances de succès, s’engager toujours plus nombreux dans la lutte et « mettre le pays à l’arrêt » pour contraindre gouvernement et patronat.

Utopique ? En tout cas bien moins que d’attendre, au chômage, un salut qui viendrait d’on ne sait quelle majorité parlementaire dans on ne sait quelle élection…

Des travailleurs de tous les secteurs manifestent au Mondial de l’automobile

Jeudi 17 octobre, en effet, plusieurs centaines de salariés se sont réunis devant le Mondial de l’automobile pour dénoncer les licenciements, suppressions de postes et fermetures de sites. Des délégations d’équipementiers sont venues de toute la France : Dumarey, Novares, MA France, Valeo, GMD, Bosch ou encore Walor, Forvia et bien d’autres. Ils manifestaient nombreux aux côtés des délégations de salariés des constructeurs comme Stellantis et Renault – dont certains sites sont également menacés – ou de l’industrie de la chimie comme Michelin.

Une hécatombe européenne de l’emploi, et pas seulement française, comme sont venues en témoigner des délégations de travailleurs de l’automobile de Turquie, d’Espagne, d’Italie, d’Allemagne et de Belgique. Leur message était clair : ne nous laissons pas diviser pays par pays ! Une bonne raison pour ne pas se laisser diviser non plus entreprise par entreprise ou site par site !

Le seul projet pour les travailleurs, c’est de lutter tous ensemble

En plus de mettre en avant des « projets industriels », la CGT réclame une « loi GM&S », projet de réponse juridique et illusoire avancé par la CGT lors des licenciements à l’usine GM&S de La Souterraine (Creuse) qui, en 2017, s’était vu privée de commandes par Stellantis et Renault. La loi viserait à faire reconnaître la responsabilité des donneurs d’ordre. Mais Stellantis reconnaît déjà ses responsabilités, puisque le groupe négocie indirectement les conditions inacceptables des licenciements à MA France !

En appeler à la vigilance de l’État ? Comme le rappelait un syndicaliste de Dumarey sur La Chaîne parlementaire, c’est avec la bénédiction de l’État que GM&S a vidé son usine de La Souterraine, passant de 500 salariés en 2017 à 80 aujourd’hui, qui sont à nouveau menacés de licenciement.
Les luttes existent déjà à MA France, Valeo, Dumarey ou encore Novares. Comme l’ont dit plusieurs intervenants à la tribune du rassemblement du salon de l’auto, un rapport de force favorable ne se décrète pas, mais les premières prises de contact en vue de se coordonner ouvriraient bien des possibilités.

29 octobre 2024. Jean-Jacques Franquier et Léo Baserli