Nos vies valent plus que leurs profits

Du mardi noir au rouge de la colère — À Auchan, Michelin, dans l’automobile et la chimie, construire le rapport de force pour combattre les licenciements !

Mardi 5 novembre, en une seule journée, Michelin et Auchan deux multinationales françaises ont annoncé la suppression de plus de 3 600 emplois.

Menaces dans tous les secteurs : de l’automobile à la chimie en passant par la distribution…

Depuis des mois, les annonces s’accumulent dans l’automobile, équipementiers (MA France, Valeo, Dumarey, Novares, ou encore Walor, Forvia et bien d’autres) et constructeurs : le site de Stellantis à Poissy – plus gros site de production de la région parisienne – est ouvertement menacé depuis le 17 octobre (un club de foot comme le PSG se dit déjà intéressé par la reprise du terrain).

Les fermetures menacent aussi une bonne partie de l’industrie chimique. À Vencorex en Isère, il y a deux semaines, les salariés ont fait parler d’eux lorsqu’une annonce de prétendue reprise ne garantissait en fait que 5 % des emplois (25 sur 500). Appel à la mobilisation aussi chez Sanofi.

Côté Michelin – qui annonce donc la fermeture des sites de Cholet (950 salariés) et de Vannes (300 salariés) –, les syndicats ont appelé à la grève sur tous les sites : comme le disait un syndicaliste CGT de Clermont-Ferrand à la radio : il n’y a pas un seul site Michelin en France qui peut garantir qu’il ne va pas lui aussi fermer.

Dans l’aéronautique, la branche défense et espace d’Airbus, qui compte 35 000 salariés, devrait supprimer 2 500 postes en 2026

150 000 emplois menacés, rien qu’en France !

Selon le Conseil national des administrateurs et mandataires judiciaires (CNAJMJ), pas moins de 52 214 procédures collectives pour licencier ou supprimer des postes ont été ouvertes depuis le début de l’année (l’écrasante majorité dans de toutes petites structures). Leurs chiffres rejoignent ceux de la CGT : 150 000 emplois menacés actuellement en France… Tous en même temps, comme s’en inquiète à juste titre le gouvernement !

Aucun licencieur réellement « en difficulté »

Rappelons que Stellantis a fêté ses 18 milliards de bénéfices net l’année dernière, un sous-traitant comme Valeo menace des sites avec 221 millions de bénéfices net et Michelin avec 2 milliards cette année. Cette famille de milliardaires n’est pas plus « en difficulté » que la famille Mulliez, propriétaire d’Auchan, qui menace 2 500 emplois. Aucune de ces deux entreprises ne parle de délocalisations : gains de productivité, compétition internationale et surtout profits suffisent à tout justifier. Toutes ont touché des dizaines de millions de fonds publics, en aides à l’industrie, crédit d’impôt compétitivité emploi (CICE) et crédits d’impôt recherche, y compris au moment des annonces.

Seule raison de la saignée : augmenter les profits et la productivité

Et c’est toute l’Europe qui est menacée. Les annonces ont commencé en Allemagne : fermeture de trois sites Volkswagen, 14 000 suppressions de postes chez le sous-traitant ZF… Les prétextes : transition vers le tout électrique d’ici 2035, voitures inabordables, absence d’infrastructures, prévisions de faibles volumes de ventes, concurrence chinoise sur le marché de l’électrique… le tout surtout invoqué pour pousser les États à augmenter les subventions qu’ils empochent déjà – ce que le ministre de l’Industrie, Marc Ferracci, propose de faire à l’échelle européenne. Pourtant les marges sont là, y compris avec des prévisions de vente à la « baisse ».

Construire le « tous ensemble » qu’ils craignent !

Alors oui, comme le redoute le gouvernement, c’est bien le « tous ensemble » qui permettra aux ouvriers d’obtenir ce qu’ils veulent : des indemnités acceptables, le maintien des sites et surtout des emplois. Et si les progrès techniques nécessitent moins de force de travail : diminution du travail pour tous, sans diminution de salaire. Mais entreprise par entreprise, voire site par site, les salariés risquent d’être vaincus les uns après les autres. Au contraire, en prenant contact et en se coordonnant afin que plus un salarié menacé ne se retrouve seul face au licenciement, ils pourront construire le rapport de force qui pourrait rendre crédible y compris l’interdiction des licenciements, en France voire en Europe.

Léo Baserli, 11 novembre 2024