En février 2020, l’actrice Adèle Haenel avait quitté la salle des Césars après qu’une récompense ait été accordée à Roman Polanski, s’exclamant : « C’est la honte ! », une phrase devenue emblématique du mouvement contre les violences sexistes et sexuelles en France, et ouvrant la voie à un #MeToo cinéma. Cinq ans après que l’actrice s’est mise en « grève du cinéma » pour dénoncer la complaisance du milieu envers les agresseurs, le procès qui l’oppose au réalisateur Christophe Ruggia s’ouvre lundi 9 décembre 2024. Ce dernier est jugé pour agression sexuelle sur mineur avec circonstances aggravantes, l’actrice ayant entre 12 et 15 ans au moment des faits. Dès 2019, Adèle Haenel avait dénoncé l’emprise du réalisateur comme « un abus malheureusement banal » et une « justice qui nous [les victimes] ignore ».
Et pour cause, en France, selon l’Institut des politiques publiques (IPP), 86 % des plaintes pour violences sexuelles sont classées sans suite, ainsi que 94 % des plaintes pour viol. Bien entendu, le réalisateur, qui avait « casté » la jeune actrice pour un film relatant une histoire incestueuse entre deux adolescents, nie les faits et inverse la charge de responsabilité en affirmant qu’une enfant se serait alors créé une « réalité parallèle ». Il l’accuse même, dans un texte retrouvé sur son ordinateur, d’avoir été « d’une sensualité débordante » et va jusqu’à dire que ses gestes étaient « dignes d’un film porno », ce qui l’aurait perturbé. Des propos insupportables, alors que les attaques contre les femmes et les enfants dans le monde entier ne cessent d’augmenter. Aujourd’hui, « c’est toujours la honte ! », il faut non seulement soutenir celles qui dénoncent ouvertement ces agissements, mais aussi nous battre ensemble pour une société émancipée des préjugés et où l’impunité n’a pas sa place.
Nora Debs