L’imagination du patronat du transport en matière de morcellement est sans limite. Les réseaux se superposent comme un mille-feuille sans cohérence ni efficacité pour les voyageurs : les plus grosses entreprises sont divisées pour que les grands groupes se partagent le gâteau et les statuts particuliers des salariés (de bien faibles garanties) sont atomisés pour complaire aux appétits capitalistes.
Le réchauffement climatique rend indispensable le développement de l’offre de transport en commun : dans les grandes villes, mais aussi pour connecter entre elles les métropoles et leurs banlieues lointaines. Une source prometteuse de profit, d’autant que dans ce secteur, les investissements (dépôts ou véhicules) sont souvent pris en charge par les AOM.
Pour répondre à ce développement de l’offre, les capitalistes (dont l’État et les collectivités locales, car l’actionnariat est partiellement public) n’ont de cesse de dégrader les conditions de travail des salariés du transport. Les réactions ouvrières à ces attaques sans précédents sont constantes depuis l’ouverture du marché à l’automne 2021, quoiqu’en ordre dispersé.
Au-delà du problème d’une rémunération qui contient des primes liées au service effectué, la jungle des statuts particuliers et des conventions collectives différentes, auxquelles s’adossent des accords d’entreprise, est particulièrement dense. Le premier réflexe, légitime en un certain sens, vise à raisonner en termes corporatistes, alors même que les métiers sont très proches, de Paris à Lyon, du bus au car ou au tramway.
Le salaire des nouveaux embauchés RATP est désormais similaire au reste du transport urbain. Les conditions de travail y sont dégradées avant même les appels d’offres. Face à un patronat dont le rêve assumé est d’harmoniser les conditions vers le bas, les salariés doivent répondre par des luttes aux revendications les plus unificatrices possibles, quel que soit le métier ou le lieu d’exercice.
L’élaboration de revendications unificatrices ne se décrète pas, et les directions syndicales n’en prennent jamais le chemin. C’est bien l’organisation à la base, dans des assemblées générales et des comités de grève, qui peut pousser les travailleurs en lutte à échanger sur leurs conditions de travail pour dépasser le corporatisme. De ces luttes essentiellement défensives pourraient même jaillir nombre d’idées sur le nécessaire contrôle des travailleurs dans le développement et l’organisation des transports en commun.
Philippe Cavéglia
Cet article est paru dans un dossier de Révolutionnaires no 24