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Ni bac Blanquer, ni retraite de misère ! Dans l’éducation, la grève se poursuit pendant les épreuves du bac

Ce lundi 20 mars, aussi absurde que cela puisse paraître, les lycéens et lycéennes commencent à passer les épreuves du bac. En effet, la réforme du bac de Blanquer a complètement bouleversé l’organisation du bac, malgré l’opposition massive des personnels et unanime des organisations syndicales et des associations disciplinaires d’enseignants. Désormais, la plupart des disciplines sont prises en compte pour le bac par le biais du contrôle continu. Pour les épreuves, seuls subsistent, en juin le grand oral, nouvelle épreuve censée valoriser le talent oratoire des élèves, et pour laquelle n’existe aucun horaire dédié, et la philosophie. Mais les épreuves concentrant les plus grands coefficients (32 % de la note finale) sont les épreuves portant sur les spécialités, et sont censées avoir lieu fin mars.

Ce nouveau calendrier est en réalité fait pour coller à Parcoursup, cet instrument de sélection sociale pour rentrer à l’université : en effet, les notes des épreuves de spécialité seront décisives dans l’étude du dossier des élèves, qui se retrouvent donc privés de trois mois de formation. Trois mois de formation en moins, c’est autant de temps en moins pour les apprentissages. Cela signifie avancer à marche forcée pour pouvoir traiter les programmes, ne pas pouvoir s’adapter au niveau et aux difficultés des élèves, renoncer à toute sortie scolaire et toute ouverture au-delà des programmes… Le résultat, c’est un stress accru chez les enseignants et chez les élèves, une angoisse permanente, et le sacrifice des élèves les plus en difficulté.

Les confinements successifs en 2021 et 2022 avaient contraint Blanquer d’abord à annuler ces épreuves, en les remplaçant par le contrôle continu, puis à les repousser au mois de mai. Cette année, c’est donc la première fois que le ministère espère pouvoir mettre définitivement en œuvre sa réforme, créer ainsi un précédent et l’entériner. Depuis le mois de septembre, l’ensemble des organisations syndicales et des associations disciplinaires ont demandé le report de ces épreuves au mois de juin. Pap Ndiaye a répondu par le mépris le plus total à ces revendications légitimes.

Le calendrier de Pap Ndiaye bousculé par la mobilisation contre la réforme des retraites

Si l’intersyndicale demandait au ministre de reporter les épreuves, elle n’appelait en aucun cas à empêcher le déroulement de celles-ci, et ne cherchait absolument pas à organiser la grève. Seule, au mois de février, une poignée d’établissements avait commencé à prendre position pour la grève au moment du bac. Mais c’était sans compter la colère provoquée par le mépris de Macron et de Borne et leur passage en force sur la réforme des retraites.

Comme dans l’ensemble des secteurs et dans tout le pays, l’utilisation du 49.3 a provoqué l’indignation et la révolte des collègues. Loin de démobiliser, cette annonce a considérablement accéléré les prises de position d’AG d’établissements pour la grève pendant les épreuves du bac. Entre le jeudi 16 mars au soir et le vendredi 17, de nombreuses AG ont eu lieu, les collègues se disant prêts à se mettre en grève lundi 20 et mardi 21 mars. Plusieurs lycées ont annoncé tenir des piquets de grève, quelquefois en lien avec les autres secteurs en interprofessionnel. Vendredi 17 mars, les enseignants du lycée Utrillo de Stains publiaient une tribune dans Libération, intitulée « Pour nos élèves, nous faisons la grève du bac », et qui a été très partagée dans le milieu enseignant.

Ces prises de position ont bousculé l’intersyndicale nationale de l’éducation : le 17 mars, une intersyndicale très large CGT-FSU-FO-Sud, incluant également les syndicats de l’enseignement agricole, publiait un communiqué appelant à « décider de la poursuite de l’action et à poursuivre la mobilisation pendant les épreuves de spécialité, y compris par la grève des surveillances ».

Panique au ministère, Martinez et Berger à la rescousse de Pap Ndiaye

Rapidement, ces prises de position ont affolé le ministère. Le vendredi après-midi, Pap Ndiaye annonçait dans un tweet mobiliser de surveillants supplémentaires, et prendre « les dispositions nécessaires pour permettre l’accès des candidats aux centres d’examens en lien avec les préfectures », autrement dit l’appel à la police pour casser les piquets de grève et éventuels blocages.

Dans le même temps, Philippe Martinez et Laurent Berger étaient appelés à la rescousse. Alors qu’ils avaient dès le 16 au soir appelé à une nouvelle mobilisation le 23 mars, soit après la fin des épreuves du bac, afin d’éviter toute jonction des grèves, ils réaffirmaient dimanche après-midi sur les plateaux de télévision qu’ils appelaient les enseignants à ne « pas gêner » les épreuves du bac. Cela hors de tout mandat, puisque l’intersyndicale de l’éducation, et notamment la CGT Éduc’action, appelle à poursuivre la grève et la mobilisation pendant les épreuves !

Des déclarations honteuses, qui ont indigné les profs, y compris parmi ceux qui comptent finalement faire passer les épreuves, mais comprennent parfaitement ceux qui ne le feront pas. Dimanche soir, on recensait 120 lycées dans lesquels il y aurait des grévistes. La liste s’allongeait encore ce lundi matin.

Aurélien Perenna