Le 8 mai 1945, dans toute l’Algérie, les manifestants descendent dans la rue pour réclamer la libération du leader indépendantiste Messali Hadj. À Sétif, un des manifestants a l’audace de sortir un drapeau algérien : il est aussitôt abattu par l’armée. En réaction, les manifestants se révoltent et une centaine d’Européens sont tués. La révolte gagne plusieurs villes et villages voisins, notamment Guelma et Kherrata.
La réponse de l’État français est terrible : épaulée par des milices de colons, elle tue, viole, sème la terreur, jette des Algériens du haut des falaises : au moins 30 000 morts.
Pour justifier sa répression, le gouvernement publie le 10 mai un communiqué qualifiant les manifestants d’éléments « hitlériens » : « Des éléments troubles, d’inspiration hitlérienne, se sont livrés à Sétif à une agression armée contre la population qui fêtait la capitulation de l’Allemagne nazie. La police, aidée de l’armée, maintient l’ordre et les autorités prennent toutes décisions utiles pour assurer la sécurité et réprimer les tentatives de désordre. » Il n’est pas le seul à utiliser cette rhétorique. Le PCF a des ministres au gouvernement, notamment Charles Tillon, ministre de l’Armée de l’air, qui a procédé à des bombardements massifs au cours de cette répression. Au lendemain des manifestations, l’Humanité, quotidien du parti, publie sans commentaire le communiqué du gouvernement, et dénonce les manifestants comme des « éléments fascistes ». Il faut dire que, depuis 1942, le PCF développe une politique totale d’alignement derrière De Gaulle, et de participation au maintien de l’État bourgeois.
Si l’État français déchaîne la répression contre les Algériens qui se révoltent, c’est parce que la situation dans les colonies a été considérablement modifiée par la Seconde Guerre mondiale. D’une part, les possessions coloniales ont été au centre de la stratégie des armées alliées pour partir à la reconquête de l’Europe. Les habitants des colonies ont été notamment massivement mobilisés pour se battre contre les armées de l’Axe au nom d’une guerre de « libération »… qui n’a en rien pour objectif la libération du joug colonial ! D’autre part, les vieilles puissances coloniales que sont la France et l’Angleterre sortent affaiblies de la guerre.
Pendant ces années de guerre et d’atrocités, les revendications indépendantistes se renforcent et donnent lieu à des révoltes toujours plus nombreuses contre les puissances colonisatrices.
Après les soulèvements en Algérie, d’autres auront lieu au Cameroun, puis en Indochine, ce qui aboutira, dix ans plus tard, aux premières défaites de l’impérialisme français.
Aurélien Perenna et Boris Leto