Nos vies valent plus que leurs profits

Tous les Kanak emprisonnés à la suite des émeutes doivent être libérés et pouvoir rentrer chez eux !

Mardi 3 juin, les trois magistrats instructeurs du dossier des indépendantistes kanak déportés en métropole par la justice coloniale française ont rendu leur conclusion : au vu des éléments du dossier, il n’y a pas lieu de maintenir en détention Christian Tein, Dimitri Qenegei, Guillaume Vama et Erwan Waetheane, les quatre responsables de la cellule de coordination des actions de terrain1. C’est la CCAT qui avait pris en main le mouvement qui avait suivi les émeutes qui ont embrasé la Kanaky le 13 mai 2024 et les jours suivants. Ce soulèvement était une réponse à la décision unilatérale de Macron d’élargir le corps électoral de l’archipel, aggravant la situation des populations kanak, déjà minoritaires sur leurs propres terres du fait de la colonisation.

Immédiatement, le parquet, c’est-à-dire l’État français, a fait appel. Pourtant, les juges avaient assorti leur décision de l’interdiction de se rendre en Nouvelle-Calédonie et de prendre contact avec « les autres personnes impliquées » dans le dossier d’instruction.

Mais les dirigeants français sont revanchards. Alors que les milices armées des Blancs continuent de sévir avec la bénédiction des « forces de l’ordre » et ne sont pas inquiétées pour les morts dont elles se sont rendues coupables pendant le mouvement, ils veulent faire payer les dirigeants kanak pour la grande peur des colons.

Les arguments des juges sont intéressants en ce qu’ils montrent que l’appareil policier et judiciaire colonial ont délibérément ignoré la réalité. Christian Tein et les autres avaient été accusés de complicité de tentative de meurtre sur dépositaire de l’autorité publique, vol en bande organisée avec arme, participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation de crimes et délits… Pas moins ! Et Gérald Darmanin, alors ministre de l’Intérieur, avait déclaré que la CCAT était une organisation « mafieuse, violente, [qui] commet des pillages, des meurtres » et n’a rien de politique. Sonia Backès, la présidente d’extrême droite de la région Sud, avait carrément qualifié Christian Tein de « terroriste », ce pour quoi elle est d’ailleurs poursuivie.
Les conclusions de l’instruction n’ont pas plu aux dirigeants français : aucune preuve que Tein ait organisé des attroupements armés. Les juges lui reconnaissent un rôle de leader incontesté, mais ils n’ont pas retenu le fait d’avoir organisé des barrages et il aurait plutôt appelé au calme ! Voilà qui en dit long sur les mensonges des dirigeants « loyalistes » et de leur porte-parole Darmanin.

Ce sont tous les Kanak arrêtés pendant le soulèvement de l’an dernier et dans les mois qui ont suivi qui doivent être libérés et rapatriés en Kanaky : au-delà du cas de quelques dirigeants emblématiques, des dizaines de jeunes Kanak ont été déportés en métropole. Les Darmanin et autres Sonia Backès doivent rendre des comptes et payer pour leurs mensonges et les exactions dont ils sont responsables.

10 juin 2025, Jean-Jacques Franquier

 

 

1  Brenda Wanabo, déjà sortie de prison sous contrôle judiciaire, est autorisée à rentrer en Kanaky, de même que Frédérique Muliava.