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Syrie : des massacres adoubés par Washington

Le 2 juin, l’envoyé de Washington en Syrie, Thomas Barrack, a approuvé l’intégration à l’armée régulière de combattants étrangers affiliés à Hayat Tahrir al-Cham (HTC), qui a pris le pouvoir en décembre dernier, voire issus de Daech ou Al-Qaïda… comme le président par intérim Ahmed al-Charaa.

Un pays au bord de l’implosion ?

En mars, des miliciens, notamment des Ouïghours du Parti islamique du Turkestan (TIP), qui fait partie des organisations nouvellement intégrées à l’armée, ont assassiné au moins 1600 membres de la minorité religieuse alaouite, à laquelle appartient Assad. Les meurtres et enlèvements continuent, avec des femmes réduites en esclavage sexuel. La minorité musulmane druze est elle aussi prise pour cible. Fin avril et début mai, des affrontements entre groupes armés ont fait au moins une centaine de morts au sud de Damas.

La division du pays en territoires aux mains de seigneurs de guerre sponsorisés par différentes puissances régionales, a permis à HTC de prendre le pouvoir en décembre 2024. Ce morcellement est loin d’être terminé.

Au sud, le Golan est occupé par l’armée israélienne. Netanyahou, se proclamant défenseur des Druzes, veut le placer sous protectorat. Au nord, 20 000 soldats turcs sont toujours présents, aux côtés de groupes alliés, et font face aux Forces démocratiques syriennes, principalement dominées par le Parti de l’union démocratique (kurde), qui contrôle le quart nord-est. Au centre, Daech maintient quelques zones et reconstitue ses forces.

Rétablir l’ordre coûte que coûte

Le 20 mai dernier, le secrétaire d’État américain, Marco Rubio, déclarait que la Syrie était peut-être à quelques semaines d’un « effondrement potentiel et d’une guerre civile de grande ampleur aux proportions épiques ». Sa préoccupation principale est de relancer les affaires dans un pays entièrement détruit, miné par la pauvreté et en proie à la guerre. Depuis la chute d’Assad, seuls deux contrats significatifs ont été signés avec des grandes entreprises : avec la CMA CGM pour continuer à gérer le port de Lattaquié, et avec un consortium d’entreprises des États-Unis, du Qatar et de Turquie, pour la reconstruction du réseau énergétique.

Si pour revenir à l’ordre, il faut encore massacrer des populations entières, ni al-Charaa, ni Trump, ni aucun patron de multinationale n’auront le moindre scrupule.

Jean-Baptiste Pelé