Nos vies valent plus que leurs profits

Conclave, censure : ce n’est ni dans les salons, ni au Parlement qu’on combat l’offensive patronale

Le conclave sur les retraites a eu un mérite : montrer la rapacité sans limites du patronat. Le Medef, non content d’avoir obtenu dès le mois de mars l’abandon de l’hypothèse même d’un retour à 62 ans, a torpillé les propositions pourtant plus que timorées de la CFDT. Pas question du moindre aménagement à la marge pour une retraite anticipée dans les métiers pénibles. Le patronat a un message : vous pouvez crever au travail…

Ou bien au chômage ! Car selon l’Insee, seuls 60 % des 55-64 ans travaillent et une personne sur cinq entre 55 et 61 ans n’est ni en emploi ni à la retraite – donc au chômage ou au RSA. Et c’est une moyenne, le sas de précarité entre emploi et retraite est encore plus long chez les ouvriers et les employés.

Belles découvertes donc : le patronat est à l’offensive et les négociations à froid sont vouées à l’échec. Tout ça pour ça ? L’enjeu de ce conclave était ailleurs. Au début de l’année, il a été le prétexte pour le PS et le RN de ne pas censurer le budget antisocial de Bayrou, tenu en équilibre à son poste de Premier ministre.

Le RN, hier partisan du retour à 62 ans par démagogie électorale, a d’ores et déjà annoncé qu’il n’en faisait plus une « ligne rouge », que sa priorité était l’équilibre budgétaire et qu’il faudrait introduire de la capitalisation dans les retraites. Bardella et Le Pen veulent « rassurer les marchés », souligne pudiquement la presse. Traduction : ils sont des larbins du patronat comme leurs homologues Trump, Meloni ou Orbán.

Aujourd’hui, tous les partis de feu le NFP, du PS à la FI, se retrouvent sur une posture d’opposants : censure de Bayrou, nouvelles élections ! Mais jamais aucune élection n’a forcé le patronat à en rabattre. La lutte des places au Parlement, en attendant celle pour le fauteuil présidentiel, ne fait qu’entretenir la passivité face à l’offensive qui se déploie quels que soient les partis au pouvoir.

Les directions syndicales, y compris FO ou la CGT qui ont quitté le conclave depuis quelques mois, n’ont pas d’autres perspectives que d’attendre un futur (et très hypothétique) gouvernement de gauche. Sophie Binet a tout de même mendié un strapontin à la réunion de la « dernière chance » de ce jour à Matignon. Voilà à quoi sont réduits les prétendus représentants des travailleurs lorsqu’ils acceptent le jeu de dupes du « dialogue social » avec les exploiteurs.

Face aux licenciements pour les uns et à la charge de travail intenable pour les autres, il faut imposer le partage du travail entre tous sans perte de salaire. Travailler moins tout au long de la vie pour travailler tous dans de bonnes conditions. Seule une grève massive, qui remette en cause la mainmise du profit capitaliste sur la société, permettra de l’arracher !

24 juin, Raphaël Preston