Nos vies valent plus que leurs profits

Des voix iraniennes…

Face à l’affaiblissement du régime iranien sous les coups des bombardements de Trump et Netanyahou, des opposants appartenant à la bourgeoisie iranienne en exil se frottent les mains : « La fin du régime est proche », a ainsi déclaré Reza Pahlavi, fils du dernier shah d’Iran, le dictateur sanguinaire renversé en 1979, réfugié depuis aux États-Unis. Mais pour les militants et courants qui, en Iran, luttent depuis des années contre la dictature, du côté du mouvement ouvrier ou révolutionnaire, c’est une toute autre voix qui se fait entendre.

Dans une déclaration commune du 17 juin, des organisations syndicales iraniennes (le Syndicat des travailleurs de la compagnie de bus de Téhéran et de sa banlieue, celui des travailleurs de la canne à sucre de Haft Tapeh qui ont notamment mené une longue grève en 2018, des organisations de défense des retraités et un Comité de coordination pour aider la création d’organisations syndicales), dénoncent : « Les attaques militaires israéliennes et le bombardement de centaines de cibles dans diverses régions d’Iran, notamment des infrastructures, des lieux de travail, des raffineries et des zones résidentielles […] dont les citoyens, et en particulier les travailleurs, paient le prix de leur vie et de leurs moyens de subsistance. » Mais dénoncent aussi la dictature et les capitalistes iraniens « qui ont, durant plus de quatre décennies, accumulé des richesses astronomiques sur notre dos et nous ont maintenus dans une privation de droits » et affirment que « tous les responsables et institutions ayant joué un rôle dans la répression et le meurtre des travailleurs, des femmes, des jeunes et des opprimés d’Iran doivent être jugés et punis par le peuple opprimé lui- même ».

Des militants trotskistes iraniens dans l’immigration, d’une Tendance marxiste révolutionnaire iranienne (IRMT), dénoncent la guerre lancée par Israël et les États-Unis, rappellent que si l’État iranien « a dépensé 17 milliards de dollars pour ses “proxys” dans la région » (Hezbollah, Outhis) censés le protéger ou plutôt lui permettre « de disposer près de la frontière israélienne de monnaie d’échange », il n’a « jamais été prêt à dépenser quoi que ce soit pour la défense civile, en particulier pour les abris anti-bombes destinés aux travailleurs et aux gens ordinaires ». Notamment pour la protection des travailleurs des centres pétroliers particulièrement visés, dont ceux de la Karg Oil Terminal Company. Ces militants critiquent ceux qui, dans l’opposition bourgeoise au régime iranien « ont fantasmé sur une attaque israélienne qui les aiderait à renverser ce régime réactionnaire », dont le dirigeant du Parti communiste d’Iran déclarant il y a quelques mois que « … tout coup porté à la République islamique facilitera la lutte du peuple pour renverser le gouvernement ». Et ils mettent en garde contre le danger du nationalisme que cultive le pouvoir, entre autres le racisme contre les minorités nationales iraniennes et les travailleurs migrants, en particulier Afghans, véritable poison entretenu par la classe dirigeante iranienne pour diviser la classe ouvrière.

D’autres militants, du groupe « Manjanigh », écrivent : « On peut aujourd’hui, au nom d’arguments théoriques ou émotionnels, se ranger aux côtés de la République islamique et réciter des odes à une supposée “grande guerre patriotique”, mais l’enjeu est celui de la perspective […], d’une opposition fondamentale à l’enfer qui sera imposé à la classe ouvrière en cas de “victoire”. Et c’est précisément pour cela qu’on ne peut pas non plus se ranger aux côtés de la République islamique. Car si le régime survit à cette guerre, il deviendra encore plus répressif, violent et audacieux dans l’application de ses politiques de classe. Une force qui, aujourd’hui, met entre parenthèses toute critique de la République islamique sous prétexte d’opposition à Israël, ne pourra demain ni lutter contre ce régime ni contre Israël ou ses marionnettes. Car si on peut suspendre la ligne de classe aujourd’hui à cause de la guerre, on pourra le faire demain pour mille autres raisons — comme certains, issus des traditions de gauche et anti-impérialistes, le font déjà en invoquant “la priorité du renversement du régime islamique”. »

Ces militants et courants rappellent que seule l’organisation des travailleurs peut abattre la dictature et certainement pas les bombes de puissances impérialistes.

24 juin 2025