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Exploitation débridée : La Poste condamnée pour manquement à son « devoir de vigilance »

Nouveau podium pour La Poste : le 17 juin, elle est devenue la première entreprise à être condamnée pour manquement à son « devoir de vigilance ». Adoptée en 2017, cette obligation vise à astreindre les sociétés mères et donneuses d’ordre, qui sous-traitent aux pires conditions des pans entiers de leurs activités, à un contrôle minimal sur leurs sous-traitants… Ce faisant, la loi garantit ainsi l’impunité aux grands groupes qui respecteraient les quelques mesures d’affichage imposées. Sauf qu’à ce petit jeu, La Poste vient de perdre.

L’esclavage moderne de la sous-traitance, un modèle économique

Attaquée par la fédération SUD PTT, elle s’est fait épingler pour manque de précision de son « plan de vigilance » censé recenser les « risques » – euphémisme légal pour éluder la responsabilité des entreprises dans les atteintes à la santé et à la sécurité des travailleurs. Exemple soulevé par la cour d’appel : La Poste se targue d’imposer à ses sous-traitants de vérifier les permis des chauffeurs, alors que les accidents sont bien davantage dus au défaut d’équipement de protection… Une hypocrisie habituelle pour ce groupe qui, d’un côté, se vante de signer des accords I, et de l’autre, utilise l’inaptitude pour licencier à tour de bras (le nombre de ces licenciements a été multiplié par cinq depuis 2016) ou encore poursuit des militants syndicaux au pénal pour le simple fait d’avoir fait grève…

À l’origine du procès, la grève des travailleurs sans-papiers contre l’exploitation et pour la régularisation

Si la cour enjoint La Poste de préciser son « plan de vigilance », c’est aux postiers qu’il reviendra d’être vigilants. D’ailleurs la condamnation n’apporte pas grand-chose de concret : toujours pas de régularisation des travailleurs sans papiers exploités par La Poste et ses sous-traitants, par exemple. Pourtant, c’est leur grève, chez DPD et Chronopost en Île-de-France, qui est à l’origine de ce procès. Une lutte qui dure depuis des années, contre cet esclavage moderne qu’est la sous-traitance et ses conditions de travail infernales, dont La Poste est responsable puisqu’elle rémunère ses sous-traitants au nombre de colis, avec des pénalités en cas de retard. Il avait même fallu un procès pour que La Poste soit condamnée suite à la mort de l’un d’entre eux, en 2012 – noyé en tentant de récupérer un colis dans la Seine – car elle niait qu’il travaillait indirectement pour elle. Malgré tout, ce modèle économique est assumé comme tel par Philippe Wahl, PDG du groupe, qui déclarait devant l’Assemblée en 2021 : « Nous avons besoin de la sous-traitance […] Si les conditions sociales des facteurs étaient transposées sur tous les salariés de Chronopost, cette société disparaîtrait. »

Cerise sur le colis : La Poste avait cru bon s’entourer de gros calibres pour sa défense en prenant Bernard Cazeneuve comme avocat, elle doit donc sa condamnation à l’ex-Premier ministre ! Un revers mémorable puisque c’est sous son mandat que la loi avait été adoptée en 2017. Contexte humiliant donc, pour celui qui vient de faire son « grand retour » en politique, après avoir été désavoué par le PS, qu’il appelle désormais à « rompre avec la FI » pour mieux le suivre à la Présidentielle de 2027. Souhaitons-lui de mieux servir les patrons en politique que dans son métier d’avocat, où visiblement il ne brille pas !

24 juin 2025, Hélène Arnaud