On prend (quasi) les mêmes, on recommence, on lorgne du côté du Rassemblement national, alors, pour les séduire, quoi de plus facile que de s’attaquer, une fois de plus, à l’AME ? Lecornu s’inscrit ainsi dans la très droite lignée de Bayrou, Darmanin et Retailleau qui, en un an, ont tous cherché à attaquer le dispositif. Pas de suppression, promet-il, mais des « évolutions »… Autrement dit, durcir les conditions d’accès et réduire les soins couverts.
Une vieille obsession de l’extrême droite
Depuis longtemps, Marine Le Pen et ses amis dénoncent l’AME, accusant les étrangers de « ruiner la Sécu ». Mensonge ! L’AME représente moins de 0,5 % du budget de l’Assurance maladie, soit 1,2 milliard d’euros – à comparer avec les 270 milliards de subventions versées chaque année au patronat. Du reste, une personne éligible sur deux n’y a même pas accès. On est donc très loin de « l’appel d’air » fantasmé par la droite et l’extrême droite. Si le nombre de bénéficiaires augmente, c’est avant tout le résultat des 32 lois sur l’immigration adoptées depuis 1980, qui ont précarisé de plus en plus de travailleurs en les privant de « papiers ». Derrière cette attaque, il ne s’agit en rien de sauver les finances publiques mais bien d’alimenter la xénophobie ambiante en tentant de détourner la colère populaire contre les migrants et leurs familles.
Des conditions déjà drastiques
L’AME permet aux personnes en situation irrégulière d’accéder à certains soins, sous conditions de ressources : moins de 800 euros mensuels pour une personne seule, 1 200 euros pour un couple – soit bien en dessous du seuil de pauvreté. De nombreux soins et médicaments ne sont d’ailleurs pas pris en charge. Avec Macron, l’accès à l’AME, véritable parcours du combattant, a déjà été durci : en plus des trois mois de séjour sur le territoire, il faut également justifier de trois mois en situation irrégulière. Une restriction qui conduit à des ruptures de suivi et de traitement pour bien des patients. Jusque dans les années 1990, il n’existait aucune condition de régularité de séjour pour accéder à l’Assurance maladie – c’est Pasqua qui l’a introduite en 1993, et Jospin qui l’a maintenue en créant l’AME en 1999.
Vers une privation organisée de soins
Restreindre encore l’accès à l’AME, c’est condamner des milliers de personnes à n’avoir plus d’autre recours que les urgences – déjà surchargées – ou les Pass (permanences d’accès aux soins de santé), ces services hospitaliers dédiés mais dramatiquement sous-dotés. Mais même dans ces services, la course aux économies et au sous-effectif pousse à ne plus soigner les patients les plus précaires. Sans compter de véritables plans de licenciements qui ne disent pas leur nom : dans les Pass, ces dernières années, les départs ne sont pas remplacés et l’on supprime des postes.
Au prétexte de « contrôler les dépenses de service », s’érige en réalité tout un système de refus de soins. Ici, on reproche à un hôpital pédiatrique de soigner des enfants atteints de mucoviscidose. Là, ce sont tous les patients traités pour le VIH, la tuberculose ou bien une hépatite qui doivent suivre un nouveau « parcours patient » qui les promène dans l’hôpital vers un goulot d’étranglement. Résultat : les traitements sont délivrés plus tard, quand la maladie s’est aggravée ou propagée à d’autres. L’inverse de l’argument financier invoqué, puisque cette restriction de l’accès aux soins, en plus d’être révoltante, conduit à terme à des dépenses bien plus importantes.
C’est la santé individuelle et collective qui est mise en danger par ces appels du pied à l’extrême droite. Tout ça pour tenter de faire oublier que ce qui pèse sur le budget de l’État, ce ne sont pas les migrants, mais les centaines de milliards de subventions au patronat.
Lola Remel et Hélène Arnaud