
Qui s’en souvient encore aujourd’hui ? Alors que Bayrou annonçait des coupes budgétaires particulièrement brutales, la coalition des directions nationales des syndicats, de Solidaires à la CFDT, proposait une lamentable pétition.
Heureusement que des appels à « tout bloquer » ont été lancés avec la perspective du 10 septembre pour réchauffer l’ambiance : tout au long de la période estivale, cette date et l’idée du blocage de l’économie ont été repris largement, non seulement sur les réseaux sociaux, mais aussi par un nombre croissant de structures syndicales.
Urgence pour le gouvernement… et pour les syndicats : désamorcer la dynamique explosive du 10 septembre
Au vu de la popularité de l’appel au 10 septembre, Macron et le gouvernement ont commencé à craindre une explosion sociale. Au lieu d’appeler pour le 10 septembre à une grève la plus forte possible, l’intersyndicale a annoncé, elle, un appel à la grève le 18. Une manière de chercher à désamorcer le caractère explosif de la colère dont l’expression se cherchait un chemin vers le 10 septembre. Une division du travail avec d’un côté Macron qui tentait de faire baisser la pression en dégageant Bayrou deux jours avant le 10 septembre et, de l’autre, l’intersyndicale qui, pour saper les forces, dispersait les appels sur deux dates. Une fois le succès du 10 septembre impossible à nier, les médias officiels n’ont jamais présenté sous un jour aussi favorable une journée de grève que la date du 18 septembre : son succès était présenté comme assuré d’avance y compris par les chaînes de Bouygues et Bolloré !
Un ultimatum qui fait pitié
Le succès des journées du 10 et du 18 septembre a placé la rentrée scolaire sous le signe de la lutte sociale et a installé le débat sur « comment gagner » et sur le blocage de l’économie dans bien des têtes et bien des discussions dans la jeunesse et dans le monde du travail. Mais l’intersyndicale a repris la main sur le calendrier de la mobilisation, ainsi placée sous son contrôle. Le nouveau Premier ministre, Lecornu, a donc fait face à un mouvement ouvrier officiel qui lui a présenté un ultimatum-pétard mouillé : « Attention Lecornu, si tu ne deviens pas subitement de gauche… on verra ce qu’on fait ! » Pour finir par annoncer quelque chose une fois que la température serait retombée, pour la date un peu éloignée du 2 octobre plus défavorable que dans la foulée de la réussite du 10 ou du 18 septembre : une manière délibérée pour chercher à faire baisser l’intensité de l’affrontement plutôt que de mettre en difficulté gouvernement et patronat.
Journées « saute-moutons » ou préparation méthodique d’une grève reconductible ?
Il est évident que la stratégie des journées de grèves dispersées ne fonctionne pas. Lors du mouvement des retraites de 2023, si les 14 journées de grève avaient été faites d’affilée plutôt qu’égrenées, une tout autre situation se serait ouverte. Le problème, ce n’est pas tant les appels nationaux à la grève et aux manifestations, qui sont importants, mais à condition d’être utilisés comme tremplin vers une généralisation des grèves, vers une grève reconductible et un affrontement avec la classe dirigeante. Il y a quelques années, le succès fulgurant de la grève du 13 septembre 2019 à la RATP avait paralysé la région parisienne et ouvert la voie à une préparation d’une nouvelle journée le 5 décembre. Conçue par un grand nombre d’équipes militantes de salariés de la RATP, composées de syndiqués ou non, comme le point de départ d’une grève reconductible, elle avait donné le coup d’envoi d’un mouvement social qui avait fini par faire reculer Macron sur la retraite à points.
Nous avons toutes les raisons de poursuivre la mobilisation. Après avoir mené en bateau l’intersyndicale et les partis de gauche qui ont bien voulu rentrer dans son jeu, Lecornu a dévoilé ses orientations, faire ami-ami avec la droite et l’extrême droite, s’en prendre aux travailleurs immigrés en s’attaquant à l’aide médicale d’État (AME), s’en prendre aux travailleurs privés d’emploi avec une énième attaque contre l’assurance-chômage. La déclaration de guerre aux classes populaires de Bayrou avec son budget était un choix du patronat, et Lecornu va dans la même direction. Face à leur déclaration de guerre aux travailleurs, nous n’aurons pas le choix que de poursuivre et étendre la mobilisation.
On ne peut évidemment pas compter sur l’intersyndicale pour échafauder une stratégie qui s’appuie sur les travailleurs et les travailleuses, leurs discussions et décisions en assemblées générales, leur capacité à reconduire eux-mêmes leur grève en élisant des comités de grève. Pour cela, il faut regrouper toutes celles et tous ceux qui y seraient prêts, guetter toutes les occasions qui permettraient de rendre crédible une telle stratégie : voilà notre tâche pour contribuer à faire apparaître une autre stratégie, de lutte de classe, vers la victoire !
30 septembre 2025, E. Mcbain