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L’Italie dans la rue pour Gaza

En Italie, jeudi 2 octobre au soir, lorsque l’interception par la marine israélienne de la flottille Global Sumud, en route pour Gaza, a été connue, la réaction a été immédiate. Des milliers de jeunes, mais aussi de nombreux travailleurs et travailleuses, sont descendus dans les rues. Comme elles l’avaient annoncé, la CGIL, l’USB et d’autres syndicats de base ont appelé à la grève générale pour le lendemain et à des manifestations dans tout le pays.

Vendredi 3 octobre, du nord au sud du pays, plus de cent manifestations ont rassemblé des foules immenses. Du jamais vu depuis des décennies, tant de l’avis des médias que des manifestants. « Je milite depuis l’âge de 14 ans et j’espérais cela depuis 30 ans », dit une manifestante, à Florence. Une autre : « Hier, à Turin, nous étions environ 20 000 dans la rue. Aujourd’hui, la grève est très réussie, avec une manifestation innombrable. Il y avait même des enfants d’écoles primaires. Je les ai vus sortir avec les maitresses qui agitaient des bannières de la flottille. C’était très émouvant. Ce soir, autre manifestation, après les blocages de l’aéroport et de la gare ces jours derniers. »

La CGIL parle d’un total de deux millions de manifestants. Le gouvernement dit entre 400 000 et 500 000. Un chiffre difficile à estimer, car ces manifestations ont eu lieu spontanément, sans nulle part de demande déposée en préfecture. Elles ont donné lieu parfois à des affrontements avec la police ; des blocages ont eu lieu dans des ports et aéroports, des gares, sur des routes autour des grandes villes. En bloquant les livraisons d’armes à destination d’Israël, les dockers de Gênes, suivis par ceux d’autres ports, ont rendu crédible le mot d’ordre « Bloquons tout ! ».

« S’ils bloquent la flottille, nous bloquerons l’Italie » : l’avertissement repris par les syndicats de base avant de l’être massivement dans la rue, a amené la CGIL à rejoindre l’appel à la grève générale annoncée le 3 octobre par les syndicats de base et à la manifestation nationale à Rome le lendemain.

La grève a également été très suivie, notamment dans les transports, les écoles et les hôpitaux, mais aussi dans de nombreuses entreprises du secteur privé, comme dans la métallurgie. À l’usine Electrolux de Susegana, toutes les lignes de montage étaient à l’arrêt, et la direction a dû renvoyer chez eux le peu de non-grévistes. À Milan, deux lignes de métro sur cinq étaient fermées. Partout de nombreux trains ont été annulés ou retardés. Salvini, ministre des Transports, a parlé d’un million de voyageurs bloqués. Preuve que ses menaces à propos du non-respect du préavis de dix jours prévu par la loi dans les services essentiels ont eu peu d’effet. Même des petites entreprises et des secteurs habituellement peu mobilisés ont été touchés. Sur RAI3, le journal télévisé du soir avait une allure inhabituelle : le présentateur a tenu à indiquer que de nombreux journalistes étaient en grève et que les autres ne faisaient qu’assurer l’information, ce qui explique pourquoi le journal a été écourté et qu’un seul reportage a été diffusé, concernant la journée de mobilisation.

Selon la CGIL, le nombre moyen de grévistes, public et privé confondus, a été de 60 %.

Pour Meloni, qui décidément n’en rate pas une, cette grève n’aurait en fait été que l’occasion de prolonger un week-end. Elle a déclaré : « Je me serais attendue à ce que les syndicats, au moins sur une question qu’ils jugent aussi importante, n’appellent pas à une grève générale le vendredi. La révolution et un long week-end ne vont pas bien ensemble. » Ce à quoi, des manifestants ont répondu : « Le week-end va être long pour nous, mais aussi pour le gouvernement. »

Une foule immense (sans doute près d’un million de personnes) a de nouveau défilé lors de la manifestation nationale à Rome samedi 4 octobre pour affirmer sa solidarité avec le peuple palestinien et réclamer la fin du génocide.

Du jamais vu depuis longtemps, qui n’est pas près d’avoir dit son dernier mot. Vive cette mobilisation des travailleurs et de la jeunesse d’Italie, vive leur solidarité internationale vivante avec un peuple palestinien livré à un génocide perpétré par l’État israélien, avec la complicité des Trump, Macron, Meloni, Merz et Starmer.

Thierry Flamand