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Kanaky-Nouvelle-Calédonie : l’État français prêt à passer de nouveau en force

Il a pu paraître étrange que, lors de ses déclarations des 7 et 8 octobre, le futur ex-Premier ministre Lecornu, vite renommé à la même place, ait placé comme priorité, au même titre que l’adoption d’un budget, « la Nouvelle-Calédonie, qui peut paraître loin de l’Hexagone, mais sur laquelle des textes importants [sont lancés] ». Ajoutant : « Malheureusement, la situation politique nous empêche de débuter les débats et l’adoption éventuelle de ces textes par l’Assemblée nationale et le Sénat », alors que « c’est un sujet de préoccupation majeur. »Mettre en avant une telle « préoccupation » n’a rien de rassurant quand on sait que, lorsqu’il était ministre des Outre-mer en 2021, il avait forcé la tenue à la date prévue du troisième référendum prévu par les accords de Nouméa concernant l’avenir de ce territoire colonisé par la France depuis le milieu du XIXe siècle, alors que l’archipel sortait tout juste de l’épidémie de Covid et que toutes les organisations kanak avaient appelé au report, pour respecter la période de deuil coutumier. Malgré l’appel au boycott des organisations indépendantistes et la très faible participation à ce référendum parmi les Kanak (4 % seulement par exemple sur l’île de Lifou), l’État français s’était félicité du résultat. Évidemment, puisqu’il allait dans son sens, c’est-à-dire le maintien de la Kanaky sous domination française. Les dirigeants français étaient trop contents d’un tel résultat, même s’il était totalement artificiel, alors que, lors des précédents référendums, le camp indépendantiste ne cessait de progresser.

Lecornu veut récidiver dans le passage en force, en trouvant une majorité pour faire vite avaliser dès l’ouverture de la session parlementaire un nouveau report en juin des élections provinciales, normalement prévues d’ici fin novembre, mais, surtout, pour coupler à ce nouveau report, un « élargissement du corps électoral » de 12 000 personnes, toutes Caldoches, ce qui serait évidemment favorable au camp loyaliste. Ce même élargissement qui avait entraîné le soulèvement du peuple kanak en mai 2024, puis la vague de répression massive contre tous ceux et celles qui s’étaient soulevés.

Alors que le camp indépendantiste, affaibli et divisé, a finalement refusé sur le fil l’accord de Bougival de l’été dernier, l’État français est de nouveau en mode « ça passe ou ça casse ». Pour cela, le soldat Lecornu est toujours prêt. Pas dit que les populations kanak l’acceptent !

Marie Darouen