Le Parti travailliste, revenu au pouvoir l’an dernier sous la houlette de Keir Starmer devenu Premier ministre, a multiplié les attaques contre les classes populaires : austérité, plafonnement des allocations familiales, suppression de l’allocation de chauffage hivernal pour la plupart des retraités, restriction de l’accès aux prestations sociales, politique agressive contre les migrants en apportant, dans le même temps, son appui à Israël dans la guerre contre les Gazaouis. Quelques mois après son retour aux affaires, cette gauche ne peut qu’inspirer mépris et dégoût aux classes populaires.
C’est dans ce contexte que la manifestation initiée par le fasciste Robinson, financée par Elon Musk, a dépassé les 100 000 manifestants à Londres. Cette mobilisation de rue est complémentaire de la poussée électorale de Nigel Farage et son parti Reform UK, crédité de plus de 30 %. Le caractère ouvertement raciste et xénophobe de ce rassemblement était affirmé et il a drainé un public populaire, dont des familles, loin du seul folklore néo-nazi groupusculaire. En face, la contre-manifestation des directions syndicales et de l’extrême gauche, représentait à peine 10 % de celle de Robinson.
Début septembre avait lieu à Brighton le congrès du TUC, la centrale syndicale alliée du parti travailliste, qui réunit cinq millions d’adhérents – plus de trente fois le nombre de participants à la manifestation de Robinson. Des motions parfois radicales ont été votées, dont une contre l’augmentation des dépenses militaires et une autre de solidarité avec la Palestine contre les livraisons d’armes à Israël, mais sans le début d’une mise en œuvre militante – comment cette direction syndicale pourrait-elle avancer la moindre perspective réelle de lutte à même de contrer l’influence de l’extrême droite, alors qu’elle est liée au Parti travailliste dont la politique au pouvoir est semblable à celle de Macron ?
Un nouveau parti à la gauche des travaillistes ?
La rupture sur la gauche de Jeremy Corbyn (ancien secrétaire, suspendu en 2019 et exclu du parti en 2024) et de Zarah Sultana (députée du parti de Starmer) qui ont fondé avec quatre députés un nouveau parti, « Your Party », n’a pas beaucoup pesé non plus dans la rue, malgré ses 800 000 adhésions sur internet.
Your Party n’a pas encore de programme officiel, mais les revendications mises en avant par ses fondateurs sont extrêmement modestes et consistent, pour l’essentiel, à demander l’annulation des mesures anti-sociales décidées par Starmer.
Mais, au-delà, les déclarations faites par certains de ses initiateurs sont inquiétantes.
Par exemple Shockat Adam (député de Leicester) a affirmé que le nouveau parti « ne devrait pas être contre les riches et se mettre à dos les propriétaires » s’il veut gagner des voix et des appuis dans toutes les couches sociales.
Ayoub Khan (député de Birmingham) a demandé l’envoi de l’armée pour briser la grève des éboueurs de sa ville qui dure depuis des semaines.
Quant à Adnan Hussain (député de Blackburn), il s’est prononcé contre la dépénalisation de l’avortement, pour l’exclusion des femmes trans du sport féminin et a publié plusieurs tweets ouvertement transphobes. Le tout justifié par le fait que, selon lui, la communauté musulmane, à laquelle il appartient, est profondément conservatrice et qu’il ne faut pas la heurter de front.
Tant Corbyn que Sultana ont pris leur distance avec de telles déclarations mais le simple fait que leurs auteurs puissent les exprimer publiquement montre que la nouvelle formation risque d’être plombée, dès le départ, par des idées réactionnaires qui n’ont rien à voir avec la défense des exploités.
En fait, le seul véritable ciment qui lie les membres fondateurs est la solidarité avec les Palestiniens et l’opposition à Israël. Mais cela ne fait pas pour autant un programme de classe.
Bagarre de chefs
De plus, dans les trois premiers mois de son existence, Your Party a été plombé par une bataille de chefs qui a déjà écœuré nombre de sympathisants. En effet, Corbyn et ses amis ont mis Sultana sur la touche en l’excluant de fait du groupe dirigeant. Cette dernière a répliqué en ouvrant sur Internet un site d’adhésions sous son contrôle qui a rapidement recueilli 20 000 noms. Corbyn a répondu en la menaçant de la traîner en justice et chacun a accusé l’autre de vouloir mettre la main sur le nouveau parti.
Cette bataille de chiffonniers a d’autant plus désorienté nombre de personnes favorables à Your Party qu’on leur avait promis que la nouvelle formation serait démocratique et que les adhérents de base décideraient de son nom, de son programme et de son fonctionnement lors du congrès de fondation prévu en novembre prochain. C’est plutôt mal parti.
Pourtant, plus que jamais, la classe ouvrière britannique aurait besoin d’un parti représentant et défendant ses intérêts. Avec Your Party, on ne semble pas en prendre le chemin. Les défis à relever sont ceux d’une perspective militante et non d’adhérents, d’un parti de lutte, révolutionnaire, car les questions d’auto-défense, d’organisation de milieux d’entreprises et populaires ne souffrent aucun raccourci.
Jean Liévin
Sommaire du dossier
- Combattre l’extrême droite avec les armes de la lutte de classe
- Le Parti démocrate ne propose rien de sérieux face à l’assaut de l’extrême droite aux États-Unis
- Zohran Mamdani : un véritable espoir pour la classe ouvrière de New York ?
- Allemagne : l’AfD continue à s’ancrer dans le paysage
- L’extrême droite veut un Torre-Pacheco global
- Polarisation politique au Royaume-Uni : seule une opposition ouvrière au gouvernement Starmer pourra combattre la progression de l’extrême droite dans les classes populaires