Le 20 novembre 1975, le dictateur espagnol Francisco Franco mourait et Juan Carlos étant couronné roi d’Espagne. Après quarante ans de dictature, celui-ci devait évoluer sans à-coups vers un régime où le Parlement, les partis, les syndicats joueraient, comme dans les autres pays européens, un rôle d’amortisseurs entre, d’une part, les classes dominantes et l’appareil d’État à leur service et, d’autre part, les classes populaires.
La crise politique portugaise de 1974 avait servi de leçon aux dirigeants espagnols : il n’est pas toujours facile de tourner en douceur la page après une dictature détestée. Tous ceux qui trinquaient à la mort de Franco et voyaient un espoir de changement pouvaient, à tout faux pas, faire capoter les calculs de ceux qui préparaient la transition.
La période dite de la Transition, de la dictature franquiste vers un système démocratique bourgeois, avait toujours l’objectif de maintenir les privilèges sociaux, économiques et politiques de la classe capitaliste qui avait exercé sa domination sociale sous la dictature. Il s’agissait de légitimer aux yeux de la classe ouvrière les avantages et les privilèges de ceux que le régime franquiste avait favorisés : les patrons, l’Église, les propriétaires terriens, les hauts gradés de l’armée… C’est pour cela que la bourgeoisie a toujours idéalisé la Transition comme exemplaire et pacifique. Elle n’était ni l’une ni l’autre.
Lutter contre cette idéalisation et revenir sur des questions comme le rôle de la monarchie, la réponse du mouvement ouvrier, l’absence de purge dans les principales institutions de l’État, le rôle joué par le Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) mais aussi par le Parti communiste espagnol (PCE) dans la stabilisation du régime capitaliste, ce n’est pas seulement rétablir la vérité sur la Transition : cela a aussi un objectif pratique, celui de comprendre précisément les piliers politiques, sociaux et économiques de la Constitution de 78, d’où proviennent toutes les contradictions qui marquent aujourd’hui le quotidien du système capitaliste dans l’État espagnol. Cela est nécessaire pour être mieux armés pour construire une organisation révolutionnaire capable de jouer un rôle pour le renverser.
Comme le disait Trotsky : « (…) Il faut qu’un tel parti existe bien avant la révolution, dans la mesure où le processus de formation des cadres exige des délais considérables et où la révolution n’en laisse pas le temps ».1
Rubén Osuna et Gaël Quirante
1 Léon Trotsky, la Révolution espagnole. 1930-1940, Éditions de Minuit, 1975

Sommaire du dossier
État Espagnol : 50 ans après le mort du dictateur Franco ou la « transition démocratique » vers le maintien du pouvoir des capitalistes
- « Il faut tout changer pour que rien ne change ! »
- Le rôle de la monarchie
- Les années 1960 et la reprise du mouvement ouvrier
- La grève de Vitoria-Gasteiz
- La gauche institutionnelle, béquille du capitalisme
- Le « pacte d’oubli », un déni de justice pour les victimes du franquisme
(Dossier réalisé à partir de la présentation de Rubén Osuna (Izar Madrid) lors des rencontres révolutionnaires du NPA-R 2025)